« En politique, rien n’arrive par hasard. Chaque fois qu’un événement survient, on peut être certain qu’il avait été prévu pour se dérouler ainsi. » Franklin Delano Roosevelt (1882-1945), 32e président des États-Unis
Depuis l’incendie tragique de la Cathédrale de Notre-Dame au début de la semaine sainte, de nombreux doutes ont émergé quant à la version officielle d’un départ de feu accidentel.
Comme toujours en la matière, douter c’est déjà blasphémer pour la médiacratie et ses laquais et on a ainsi pu voir les candidats aux élections européennes Jordan Bardella du RN ou Nicolas Dupont-Aignan de Debout la France être suspectés de « complotisme » pour avoir seulement demandé d’attendre la fin de l’enquête avant de conclure hâtivement à un simple accident. Mais selon la doxa orwellienne habituelle et désormais quotidienne, réfléchir en la matière est déjà suspect ; réfléchir c’est déjà comploter contre le politiquement correct en quelque sorte … Il est pourtant des pays comme la Russie où le doute sur la version officielle a été rapidement l’objet de nombreux sujets télévisés et débats comme celui-ci auquel participait Xavier Moreau. Chez nous il n’a pas fallu 24 heures au procureur de la République, Rémy Heitz (qui a été nominé à la suite de l’intervention du président Emmanuel Macron [1]), pour affirmer que l’incendie qui a ravagé Notre-Dame était un accident.
« Rien ne va dans le sens d’un acte volontaire … Une enquête a été ouverte pour destruction involontaire par incendie. La thèse accidentelle est privilégiée. » [2]
Incohérences techniques et projet de remodelage de l’île de la Cité
Pourtant douter semble légitime au regard des interrogations d’ordre technique qui existent quant à la version qui nous est présentée dès le départ. Par exemple l’intervention de Benjamin Mouton, ancien architecte en chef des Monuments historiques en charge de Notre-Dame jusqu’en 2013, qui a ainsi expliqué :
« La protection incendie mise en place dans la cathédrale était à son plus haut niveau (…) En 40 ans d’expérience, je n’ai jamais connu un incendie de la sorte. (…) Lorsque je me suis occupé de la détection incendie, qui a été un dispositif très onéreux, il fallait très peu de minutes pour qu’un agent aille faire la levée de doute, nous avons fait remplacer de nombreuses portes en bois par des portes coupe-feu, nous avons limité tous les appareils électriques, qui étaient interdits dans les combles. (…) L’incendie n’a pas pu partir d’un court-circuit, d’un simple incident ponctuel. Il faut une vraie charge calorifique au départ pour lancer un tel sinistre. Le chêne est un bois particulièrement résistant. (…) En 2010, on a remis à plat toutes les installations électriques de Notre-Dame, donc il n’y a pas de possibilité de court-circuit. On a remis à plat, et aux normes contemporaines, même en allant très loin, toute la détection et protection incendie de la cathédrale : avec des éléments de témoins de mesure, d’aspiration etc etc, qui permettaient de détecter un départ de feu. Et en bas de la cathédrale, il y a deux hommes en permanence, qui sont là jour et nuit pour aller voir dès qu’il y a une alerte et appeler les pompiers (…) Dans ce genre de chantier, et en particulier à Notre-Dame, il y a un encadrement technique, normatif, de contrôle etc etc, qui est considérable, qu’on ne voit nulle part ailleurs. Donc là, je dois dire que je suis assez stupéfait. » [3]
D’aucuns diront qu’en tant qu’ancien responsable il cherche à se couvrir, toujours est-il que son expertise qualifiée ne peut pas être mise de côté par les autorités dans leur enquête si elle se veut honnête. Suite à ces remarques, le journal Marianne interrogera à son tour un autre ingénieur, le professeur d’ingénierie mécanique à l’université de Versailles Paolo Vannucci, auteur d’un rapport classé « confidentiel défense » et « qui a effectué une recherche sur les risques d’attentat et la sécurité de la cathédrale Notre-Dame de Paris dans laquelle il évoquait aussi les risques d’incendie en raison du manque de dispositifs de sécurité ». Le Professeur Vannucci avance au contraire l’idée que le système anti-incendie aurait été quasiment absent de la toiture de Notre-Dame :
« En vérité, il n’y avait pratiquement aucun système anti-incendie, notamment dans les combles où il n’y avait aucun système électrique pour éviter les risques de court-circuit et d’étincelle. J’imagine qu’on avait installé quelque chose de provisoire dans le cadre des travaux de réfection, mais je n’en suis pas sûr. Au niveau de la charpente, lorsque nous avons fait notre recherche, il n’y avait aucune protection. »
Un débat technique qu’il conviendrait de trancher avec le droit d’évoquer toutes les possibilités. Ce qui est désormais systématiquement évacué du débat public.
On notera aussi l’étrange première alerte incendie de 18h20 qui n’a pas été prise en compte avant celle de 18h43 qui signalera réellement l’incendie. Entre les deux alertes, 23 précieuses minutes s’écouleront.
Mais surtout ce sont les vastes projets de restructuration de l’île de la Cité et des alentours de Notre-Dame depuis quelques années qui sont de nature à semer le doute dans les esprits. Parmi ceux-ci un projet foncier de plusieurs milliards entoure Notre-Dame de Paris et l’île de la cité depuis 2016. Un dossier récent publié sur le site Katehon [4] résume les grandes lignes de ce projet :
« L’incendie de Notre-Dame est une véritable aubaine pour ses partisans (…) Avez-vous entendu parler du rapport PERRAULT et Bélaval ? Ce rapport a été commandé par François Hollande et Anne Hidalgo en décembre 2015.
En Décembre 2016, un projet de refonte globale de l’ile de la Cité a été présenté au président François Hollande. Ce rapport prévoit :
100.000 m² créés – (ayant une valeur foncière dépassant le milliard d’euros), La privatisation du patrimoine publique (47 % de foncier est détenu par le public) – (plusieurs centaines de millions d’euros), Monétisation du flux du premier site touristique de France – (plusieurs centaines de millions d’euros pour 15 millions de visiteurs annuels),
Comme le souligne le rapport dont vous allez lire quelques extraits, un tel projet « n’a aucune chance de voir le jour »…
Cependant, depuis le drame du 15 avril au soir, où le monde entier a vu en quelques heures des poutres de 800 ans brûler comme de la paille, nous assistons à un véritable bal de coïncidences. »
On découvre ainsi les projets grandioses prévus depuis plusieurs années par l’architecte Dominique Perrault qui proposait dès 2016 une refonte complète de l’île de la Cité d’ici à 2040. Citons ici la vision du bâtisseur-démolisseur que résumait le Journal du Dimanche en 2016 puis en 2017 :
« Le parvis de Notre-Dame recouvert d’une immense dalle de verre au-dessus de la crypte archéologique ; aux pieds de la cathédrale, un débarcadère et des plates-formes flottantes accueillant piscine, cafés, restaurants, salles de concert ; le long de la Seine, une longue promenade végétalisée, débarrassée des voitures, reliant les pointes aval et amont de l’île ; deux nouvelles passerelles qui franchissent le fleuve ; un peu partout, des verrières, des passages couverts, des galeries souterraines, des atriums en sous-sols … Voilà quelques-unes des 35 propositions – spectaculaires – contenues dans le rapport remis vendredi soir au président de la République et à la maire de Paris dans les salons de l’Élysée. (…) Ce document de 56 pages a été rédigé par l’architecte Dominique Perrault (le concepteur de la BNF, à Paris) et le président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval. » [5]
Et la vision d’avenir de se préciser :
« Après plus d’un millénaire de présence humaine, le centre névralgique de la capitale se trouve face à une « opportunité unique » d’écrire une nouvelle page de son histoire. Le Palais de justice déménagera en 2018 aux Batignolles (17e) – sauf la cour d’appel et la Cour de cassation ; de même, la PJ quittera le 36 quai des Orfèvres en 2017 ; les prérogatives de la préfecture de police doivent changer avec la réforme du statut de Paris ; et l’Hôtel-Dieu est en pleine restructuration. La piétonisation des berges rive droite aura un « impact considérable » sur « l’île monument » en vis-à-vis. Sans oublier la possible organisation des JO en 2024 et de l’Exposition universelle en 2025. » [6]
Un rapport qui rappelle que « la dernière intervention d’ensemble des pouvoirs publics sur l’île est celle du baron Haussmann ». Rappelons ici que pour certains auteurs – souvent marxistes – l’haussmannisation de Paris de par sa « destruction créatrice » architecturale accélérée modernisera un Paris souvent insalubre mais génèrera aussi une forme de « ségrégation spatiale » des classes pauvres qui préparera le terrain pour le déclenchement de la Commune de Paris en 1871. Une situation qui évoque la situation insurrectionnelle actuelle des Gilets jaunes face à la relégation en périphérie des classes populaires contemporaines. En restructuration permanente, déjà lourdement abimée par les manies égyptiennes archéo-futuristes de l’époque Mitterrand, Paris doit muter sans cesse et devenir aujourd’hui le « Grand Paris » avec ses projets démesurés tels la tour Triangle soutenue par l’association « Vision Grand Paris », une tour qui projettera son ombre glacée sur l’avenir de notre capitale à nouveau mutilée.
Un autre article du JDD du 10 janvier 2016 commençait d’habituer l’opinion publique à ces changements architecturaux. L’article au titre évocateur « L’île de la Cité va-t-elle se réveiller ? » (enfin !) expliquait ainsi :
« Une mission d’étude et d’orientation sur l’avenir de cette « île-monument » vient d’être commandée par François Hollande, à l’architecte Dominique Perrault et au président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval. Le duo qu’il a missionné doit « penser l’île dans sa globalité, comme un quartier vivant et ouvert (…). L’objectif : « transformer » ce site d’ici à 2040 « en un réel lieu de vie, plus intégré encore au reste de la capitale » [7]
Et le JDD d’expliquer :
« L’île est en effet en train de se figer en un joli décor de vieilles pierres quadrillé par les touristes : plus de 14 millions de visiteurs par an pour la cathédrale et ses gargouilles – ce qui en fait le premier monument français en termes de fréquentation – et plus d’un million pour les merveilleux vitraux de la Sainte-Chapelle. Sans parler de la Conciergerie et son demi-million de visiteurs annuels, des tours de Notre-Dame (600.000) ou de la crypte archéologique (170.000)… Bref, un flot de touristes sur un confetti de dix sept hectares, par ailleurs très peu habité. En 2007, l’Insee y recensait encore mille habitants. Selon une étude de l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AhTop), rendue publique en décembre, seuls 650 des 1.800 logements de l’île sont occupés par leurs propriétaires. Et au moins 300 biens (17 % des appartements) ont été repérés par cette association de professionnels du tourisme comme mis en location temporaire, sur des sites comme Airbnb. ». [8]
Il faut donc ouvrir l’île de la Cité encore trop inadaptée à la manne du tourisme universel ; il faut briser son architecture classique et la reconfigurer aux normes et aux flux de la globalisation. Le changement c’est maintenant, le changement c’est tout le temps, société ouverte oblige !
Cet article de 2016 expliquait aussi que c’est tout un ensemble touristique qui est ainsi prévu dans cette restructuration :
« Pour réfléchir à l’avenir de ce site en mutation, le Centre des monuments nationaux est sans doute le mieux placé : l’institution est en effet chargée, sur l’île de la Cité, des tours de Notre-Dame, de la Conciergerie et de la Sainte-Chapelle. Ces deux monuments royaux sont séparés justement par… le palais de Justice et pourraient gagner en cohérence en récupérant peut-être un passage direct (via la cité judiciaire). » [9]
L’enquête publiée sur le site Katehon résume ce plan d’ensemble :
« Le rapport est remis en décembre 2016 et fait les constats suivants :
« centre névralgique au cœur de Paris – dans toutes les acceptions du terme : géographique, historique, administrative, patrimoniale, touristique, spirituelle – l’Île de la Cité ne parvient pourtant pas à incarner cette fonction de cœur battant de la ville, et encore moins de la métropole ». « L’île de la Cité n’est plus qu’un labyrinthe de citadelles administratives ». ce territoire insulaire de 22 hectares est le moins dense de Paris si on considère son nombre d’habitants. « Sur un millier d’habitants, à peine 300 sont des résidents permanents. Les autres sont des occupants de passage car l’effet Airbnb ici joue à plein », souligne Philippe Bélaval. « Notre-Dame de Paris reçoit aux alentours de 13 à 14 millions de visiteurs par an, ce qui fait par conséquent d’elle le monument le plus visité de Paris. Les tours de Notre-Dame et la Conciergerie avoisinent ou dépassent les 500 000 visiteurs annuels tandis que la Sainte Chapelle est découverte par plus d’un million de personnes chaque année. » L’architecte déplore surtout que les 14 millions de touristes qui visitent chaque année la cathédrale (non sans avoir fait la queue sur le parvis, mesures de sécurité obligent) ne soient pas véritablement accueillis.
Comprenez, ce flot humain échappe complètement à toute logique marchande… C’est moche !
l’État est propriétaire de 57 % des espaces tandis que la Ville de Paris possède quant à elle 43 % du site. « l’emplacement stratégique et la rareté des fonciers de l’île permettent d’envisager des projets uniques et ambitieux, capables de contenter si bien le privé que la personne publique. »
Aussi, les deux architectes proposent de « créer environ 100.000 m² nouveaux ayant une valeur foncière dépassant le milliard d’euros, sans transformation radicale ». Comment ? En construisant une dizaine de couvertures de verre et d’acier au-dessus des nombreuses cours intérieures.
Parmi les 35 propositions du rapport, ils avancent notamment un projet révolutionnaire. Une gigantesque dalle transparente à la place du parvis de Notre-Dame ! » »
Mais de l’aveu même des auteurs du rapport, sans un coup de pouce du destin, ce projet mirobolant aurait peu de chance d’aboutir. Un coup de pouce du destin qui prendra rapidement la forme d’une loi d’exception :
« (…) Seulement voilà, l’Île de la Cité renferme une trentaine de biens protégés au titre des monuments historiques. De plus, ce site de 22 ha est classé au patrimoine mondial de l’Unesco…
(…) Par conséquent, il faudrait vraiment un événement impromptu et très « volontariste » ou « inattendu et improbable » [10] pour que des travaux d’une telle ampleur puissent être autorisés dans un des sites architecturaux les plus protégés de France …
Mais le hasard fait parfois bien les choses ! Depuis le drame du 15 avril, le gouvernement a préparé une loi d’exception pour accélérer la reconstruction de Notre-Dame. Le texte permettrait notamment de déroger au code du patrimoine [11]. En effet, le texte, rédigé en quelques heures, proposerait de s’affranchir des procédures en vigueur en matière de monuments historiques sur un site qui n’en compte pas moins de 35 … Plus inquiétant, ce projet de loi autoriserait à déroger à un certain nombre de règles, comme le Code des marchés publics. » [12]
Tout suit donc son cours, ainsi après l’évacuation des institutions judiciaires dans de nouveaux locaux hors-sol à l’architecture très « Meilleur des mondes », c’est maintenant le cœur sacré de Paris et donc de la France qui doit être repensé suite à l’incendie de Notre-Dame. À l’image de ces ignobles églises en béton armé que l’on a vu fleurir à partir des années soixante et qui vieillissent très mal, on peut penser que ces restructurations post-modernes de l’architecture classique de l’île de la Cité vont être rapidement désuètes et démodées. L’architecture contemporaine ne tolère que l’instant présent et le « bougisme » permanent là où l’architecture traditionnelle vise quant à elle à refléter et à incarner sur terre les vérités et les idées intangibles qui sont aux cieux. Selon les principes immémoriaux des véritables bâtisseurs et de l’architecture sacrée comme l’évoque magnifiquement le documentaire de Paul Barba-Negra Paris, arche du temps.
Un film dans lequel l’île de la Cité y est justement présentée comme l’omphalos sacré de Paris, un centre spirituel consacré à la protectrice de la France, Notre-Dame, la vierge Marie, Mère de Dieu. Le genre de reportage difficile à revoir de nos jours sans avoir la gorge nouée quand on y entend la beauté de la langue française classique et que l’on songe à la vitesse et à l’étendue de la chute de notre pays et de notre civilisation en quelques décennies. L’animalisation c’est maintenant ! Vous avez aimé la Canopée des halles et autres « plug-in » géants ? Et bien ça n’est pas fini, ça ne fait que commencer même …
On comprend mieux dès lors les projets fous de doter Notre-Dame d’une flèche en carbone et autres délires post-modernes que l’on voit poindre depuis le drame, ainsi l’architecte Jean-Michel Wilmotte qui explique :
« Elle peut être reconstruite avec des matériaux actuels (…) J’aime l’idée de stratification dans les bâtiments du patrimoine, les époques qui se superposent. Il serait intéressant que cette flèche ait une nouvelle histoire ; pourquoi ne pas la construire en carbone ? Cela serait un très beau signal. » [13]
Ce qui est sûr, c’est que l’incendie de Notre-Dame tombe à point nommé pour faire passer en force un projet dont les Français et les Parisiens n’ont pas vraiment idée quant à l’avenir de ce qui constitue le cœur de leur patrimoine et de leur identité. Macron rime déjà un peu avec Néron...
Une diversion politique en pleine révolte populaire ?
La précipitation avec laquelle les grandes fortunes oligarchiques vont se ruer sur l’événement et le concert des médias à vouloir faire de Macron le sauveteur de Notre-Dame qui peut reconstruire la Cathédrale en cinq ans sont aussi des éléments de nature à susciter le doute. Pour beaucoup de Français, l’impression d’assister à une opération de diversion et d’unité nationale de type Charlie se fait de plus en plus grande. La cathédrale a commencé de brûler juste avant l’allocution d’Emmanuel Macron, une intervention qui devait clore le débat national et apporter une réponse à la crise des Gilets jaunes. Une allocution annulée à la dernière minute par Macron. Le samedi 20 avril s’annonçait aussi depuis plusieurs semaines comme un acte important des Gilets jaunes. Éric Drouet et les autres porte-voix du mouvement appelaient à une action massive sur Paris suite à la fumisterie prévisible de l’issue du grand débat. Avant et après l’allocution annulée d’Emmanuel Macron, un certain nombre de journalistes ont eu accès au contenu du discours. L’Élysée affirme que la fuite provient de « sources audiovisuelles », car l’allocution a été filmée par TF1 et envoyée à France Télévisions, de même que le texte du discours de Macron a été envoyé aux principales rédactions du pays.
L’Élysée avait appelé les deux chaînes pour les prévenir de l’annulation du discours, et aussi leur a rappelé que le contenu de cette allocution était sous embargo « jusqu’à nouvel ordre » [14]. Mais cela n’a pas suffi à empêcher les fuites. L’Élysée a ainsi peut-être volontairement fait fuiter le discours de Macron pour sonder la population sur les réformes à venir du président et qui seront annoncées prochainement.
Quoi qu’il en soit, les principales mesures qui figuraient dans le projet d’allocution sont les suivantes : plan fiscal avec une baisse d’impôts en faveur des classes moyenne et suppression de certaines niches fiscale, mais en demandant aux Français de travailler davantage, sans préciser de quelle manière (moins de jours fériés ? revenir sur la durée de travail hebdomadaire ? retarder l’âge de départ à la retraite ?) ; la réindexation des retraites de moins de 2 000 euros sur l’inflation ; suspension de toutes les fermetures d’écoles et d’hôpitaux jusqu’à la fin du quinquennat ; instauration partielle du Référendum d’initiative citoyenne (qui concernera uniquement les sujets locaux) ; et la suppression de l’école de la haute administration (ENA) [15].
Ces réformes seront-elles retenues dans les propositions officielles d’Emmanuel Macron ?
Quoi qu’il en soit le pouvoir a par la suite opportunément interdit aux Gilets jaunes de manifester le samedi 20 avril autour de Notre-Dame (ce qui peut se comprendre), mais également sur les Champs-Élysées et aux abords du palais de l’Élysée comme chaque samedi depuis plusieurs semaines [16]. Profitant de l’incendie pour tenter de faire baisser la température de l’insurrection qui dure depuis novembre dernier, une crise politique inédite dans l’Histoire de France contemporaine.
Quelques parallèles historiques
Les attaques contre des édifices religieux, des bâtiments officiels et les attentats, pendant les périodes de crise politique sont courants et leur utilité bien identifiée.
En Iran par exemple, la Révolution (qui débute le 7 janvier 1978 et se termine le 11 février 1979) démarre dans un contexte qui a quelques similitudes avec celui de la France contemporaine. Dans l’Iran des années 1970, le mécontentement et la révolte partent, comme dans la France actuelle, de l’Iran « périphérique », c’est-à-dire de la population défavorisée, majoritairement rurale et qui habite dans les quartiers pauvres des grandes villes.
Une population qui a très mal réagi à une série de réformes (appelée « la Révolution blanche ») lancée par le Shah à partir de 1963. Cette réforme qui comportait un volet agraire à laquelle étaient hostiles le clergé chiite – qui voyait mis en cause ses biens fonciers (ce qui rappelle la loi de 1905 en France) – et les grands propriétaires.
En juin 1963 des émeutes sont déclenchées par le clergé à Qom – où l’agitation a débuté au mois de mars. Parmi les meneurs se trouve l’Ayatollah Khomeini, qui est arrêté le 3 juin sur ordre du Premier ministre Assadollah Alam. En 1964, l’Ayatollah Khomeini est expulsé vers la Turquie (ensuite Nadjaf, en Irak) après avoir pris la tête de la contestation d’une loi qui, voté par le Majlis (parlement iranien), met les soldats américains séjournant en Iran à l’abri de toute poursuite devant la justice locale.
Trois ans avant le début de la Révolution islamique, le 2 mai 1975, le Shah instaure un parti unique (le Rastâkhiz ou Parti de la Rénovation).
En 1976-1977, les réformes continuent et produisent leurs effets catastrophiques : l’inflation augmente et l’exode rural entraîne la formation de nombreux bidonvilles à la périphérie de grands centres urbains, ce qui engendre une situation sociale tendue dans un pays en pleine explosion démographique, alors que l’autoritarisme du régime est dénoncé par les intellectuels, les étudiants et des leaders religieux comme l’ayatollah Taleghani. Sans parler de la corruption répandue dans les cercles du pouvoir contre laquelle la population est critique.
Corruption, rigidification du pouvoir et appauvrissement de la population, sont trois des principales causes du déclenchement de la révolution iranienne, comme de la révolte des Gilets jaunes (dans le cas de la France, la rigidification du pouvoir [17] n’était pas perçue avant la répression violente contre les manifestants).
En novembre 1977, des manifestations hostiles au Shah éclatent lors de son voyage officiel à Washington.
En janvier 1978, des manifestations éclatent à Qom en faveur de l’Ayatollah Khomeini qui a été attaqué par la presse gouvernementale. Et dans les semaines qui suivent, des émeutes éclatent (à Tabriz et Yazd, puis de nouveau à Qom). La répression fait, à chaque fois, des dizaines de tués.
En juillet 1978, des affrontements font deux cent tués à Meched. Le Shah annonce alors, le 5 août, son intention d’organiser des élections générales ouvertes à plusieurs partis. Le 11 août, la loi martiale est décrétée à Ispahan.
Et le 19 août 1978, le cinéma d’Abadan est incendié et fait 377 morts. Le régime du Shah accuse alors les militants religieux d’avoir commis cet acte, alors que l’on soupçonne fortement la SAVAK, police politique du Shah créée en 1957 sous les auspices du Mossad [18]. Sous le Shah, l’Iran, à l’instar de la France contemporaine, entretenait de bonnes relations avec Israël depuis les années 1950 – Tel Aviv et Téhéran, opposés au nationalisme arabe (tout particulièrement à l’Irak et à l’Égypte), avait un pacte stratégique qui se transforma en coopération militaire – le Shah avait envoyé ses généraux en Israël pour s’inspirer de leurs méthodes d’instruction et discuter des modalités d’un soutien militaire israélien à l’Iran [19].
On peut faire le parallèle entre l’incendie du cinéma d’Abadan, qui a eu lieu en pleine période révolutionnaire, et celui de Notre-Dame, sans oublier l’attentat de Strasbourg, qui a eu lieu le 11 décembre 2018, trois semaines après le début du mouvement Gilets jaunes …
On peut aussi faire le parallèle entre la Macronie et le régime du Shah qui avait atteint un niveau d’impopularité record mais qui s’acharnait sur la voie de réformes improductives et impopulaires soutenues par l’étranger comme aujourd’hui Macron par l’UE. Des régimes et des dirigeants aveuglés par leur péché d’hubris qui tenteront chacun à leur manière de faire passer en force un projet rejeté par la population, là où la logique politique la plus élémentaire conseillerait plus de souplesse et de tactique. Deux régimes et deux types de dirigeants que distinguent aussi un grand narcissisme et une volonté d’étaler aux yeux de tous leur projet de refonte de la société sans se soucier du scandale public et de ses conséquences sur l’opinion de la population. Là où le Shah Mohammed Reza Pahlavi se faisait appeler « Roi des Rois » ou encore « Lumière des Aryens », Macron se veut quant à lui « jupiterien » …
Là où le Shah organisait la célébration du 2 500e anniversaire de la fondation de l’empire perse dans un faste et une pompe obscène eu égard à la grande pauvreté d’une partie importante de sa population, Macron scandalisera quant à lui la décence commune française avec son quatorze juillet qui portera le festivisme homosexualiste métissophile en plein cœur de l’Élysée, souillant ainsi publiquement et aux yeux du monde ce qui reste symboliquement la fête de la nation pour nos contemporains.