Yvette est morte, vive l’accordéon !
L’accordéon, cet instrument ramené par les ouvriers italiens dans les bistrots français au XIXe siècle (le Pigini !), est en plein revival. Dans les conservatoires, à côté du piano et du violon, des centaines de jeunes Français choisissent cet instrument aussi lourd que traditionnel, qui s’insère désormais dans les orchestres petits et grands, folkloriques ou rock, voire classiques.
On peut tout jouer avec cette espèce d’orchestre portable, et les partitions sont adaptées pour le diatonique ou le chromatique. L’accordéon traverse les temps, il touche à tous les genres, et les plus grands l’ont choisi, comme Brel choisira Marcel Azzola pour Vesoul :
Voici la fabrication de Vesoul :
Et la version def, qui scotchera les Britanniques pourtant en pleine Beatles-mania (1968) :
Merde, on part d’Yvette et on arrive à Brel via Marcel ! Yvette, elle, c’était l’école à l’ancienne, le boulot acharné, les concerts sans fin, le sourire malgré la souffrance, les insectes dans la poire assise sur la bagnole du Tour de France, ce Tour qui l’a fait connaître en France et en Europe.
Yvette, tu rimeras à jamais avec musette :
« Le souffle de l’accordéon est comme le battement de mon cœur », disait-elle joliment. Yvette Horner, la grande dame des bals musette s’est éteinte lundi à Courbevoie. Elle avait 95 ans et aura vécu une vie hors norme. Soixante-dix ans de carrière, 2 000 concerts, 150 albums et disait-elle 30 millions de disques vendus dans le monde entier. Sa dernière apparition publique remonte à octobre 2014. À 92 ans mais bon pied bon œil, ce petit bout de femme inaugurait la rue et la place qui porte son nom dans sa ville natale de Tarbes dans les Pyrénées.
Au début des années 30, elle y avait décroché un premier prix de piano au Conservatoire. À seulement dix ans, elle adore Mozart, Liszt et Bach. Mais sa mère qui a un sens du marketing certain lui impose d’apprendre l’accordéon. « Des accordéonistes femmes il n’y en a pas et là, tu te feras une situation. » En 1928, à seulement quatorze ans, elle rencontre l’amour de sa vie : René Droesch, footballeur des Girondins de Bordeaux. Il l’épousera une dizaine d’années plus tard et deviendra son manager. Yvette Horner fait ses débuts dans les casinos pyrénéens avant de « monter » à Paris avec son mari. Elle joue dans les cinémas juste après les actualités. À la fin de la guerre, elle décroche coup sur coup la Coupe du monde de l’Accordéon et le Grand prix de l’Académie Charles Cros. Yvette a 30 ans. La rage de réussir et le sens du travail chevillé au corps.
Ce qui va faire d’elle une icône populaire, c’est le Tour de France. À l’époque, il n’y pas de télévision et les sponsors misent tout sur la caravane publicitaire qui précède le peloton à coups de klaxons et... d’accordéon. Un énorme barnum où « Vévette » traverse le pays juchée sur une Traction avant Citroën conduite par son cher René. Sous le soleil, dans la montée des cols... malgré les douze kilos de son instrument, elle joue jusqu’à sept heures d’affilée pour les spectateurs massés le long de la route. Coiffée d’un sombrero, elle précède l’arrivée des cyclistes sur la route, embrasse le gagnant de l’étape ruisselant de sueur sur le podium et enchaîne le soir en faisant tournoyer les foules. Épuisant mais embauchée par les digestifs Suze et les fers à repasser Calor, elle assure le show pendant onze ans d’affilée. Jusqu’en 1963. Avec ces cachets, elle s’offrira « sa » maison sur les hauteurs de Nogent-sur-Marne (94) dans l’est parisien.
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