L’esprit a-t-il une nationalité ? Si oui, est-ce une couleur locale, une logique, une culture, une tournure, une histoire, une mémoire, tout ça ensemble ? Il y aurait une filiation, un fil rouge... bleu-blanc-rouge ?
Par opposition, et là on plonge dans le dramatique XXe siècle, l’esprit français, ce n’est pas l’esprit anglo-saxon. Parce que la France, géographiquement, se retrouve par la grâce de Dieu au carrefour des mondes, entre l’Europe, l’Amérique, le Maghreb, l’Afrique, entre l’Europe du Nord et du Sud, elle est le pays du mélange des idées (le métissage spirituel). La France est un pays de grandes arrivées, mais aussi de grands départs.
Les Français, forgés par des ailleurs, rêvent toujours d’ailleurs, ce sont des rêveurs, des voyageurs, des imaginatifs, des inventeurs, c’est pourquoi ils ont inventé toutes ces choses agréables ou utiles : le cinéma, l’automobile, les allumettes, la photographie, le ciment, la gastronomie, la moto, l’amour, la pétanque (devenue un sport roi en Thaïlande), la guillotine [1]...
Les Français aiment l’idée, ils placent l’idée avant l’argent
Des produits que les Anglo-Américains savent vendre. On se souviendra que c’est un Français, Louis Pouzin, qui a imaginé l’Internet (enfin, un réseau de télécoms qui utilise la commutation de paquets), mais le couple Simon Nora & Alain Minc choisira le Minitel contre le projet Cyclades... Ce n’est pas très littéraire, comme exemple, mais c’est parlant, n’est-ce pas ?
Aujourd’hui, Minc fait dans la banque, le Minitel est mort, et l’Internet a refait la fortune de l’Amérique.
L’idée, c’est ce qui fait avancer la connaissance, scientifique, mais aussi spirituelle, c’est-à-dire philosophique, d’où découle la politique. Beaucoup de ceux qui méprisent la philo ignorent qu’elle est la mère de la politique.
En tout cas, la France est reine dans le monde des idées, de la pensée et de la théorie politiques. Elle a toujours été en avance sur les autres pays de ce point de vue, et a irrigué le monde de ses lumières. Parfois par le fer et par le feu – on pense à Napoléon –, souvent par le livre – on pense à Rousseau –, des livres qui sans forcer ont eu une influence considérable.
Le génie français
Mars 2013 - Conférence Alain #Soral - Gabriele #Adinolfi
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Les Français ont toujours proposé une vision du monde, souvent idéale, une Weltanschauung qui, une fois appliquée au réel, donne des résultats assez stupéfiants. Mais c’est la marche de l’histoire. Rousseau, par son analyse sociale, a pensé non pas la Révolution, mais le changement de régime de la fin du XVIIIe.
Plus près de nous, Bernanos, 20 ans avant, a vu la (petite) révolution de Mai 68, un soulèvement de la jeunesse contre le matérialisme, cette dictature de la technique, du Nombre, révolution qui sera récupérée par les marchands (ça, c’est Clouscard qui le comprendra), c’est-à-dire le matérialisme. Et là on retombe sur la fracture entre l’esprit français, tourné vers l’idée et sa formulation pointue, et l’esprit anglo-saxon, tourné vers la technique et le dollar.
« Un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble. La Force fait tôt ou tard surgir des révoltés, elle engendre l’esprit de Révolte, elle fait des héros et des Martyrs. La tyrannie abjecte du Nombre est une infection lente qui n’a jamais provoqué de fièvre. Le Nombre crée une société à son image, une société d’êtres non pas égaux, mais pareils, seulement reconnaissables à leurs empreintes digitales. »
On appelle ça une fulgurance. Et celle-là :
« Lorsqu’on pense aux moyens chaque fois plus puissants dont dispose le système, un esprit ne peut évidemment rester libre qu’au prix d’un effort continuel. Qui de nous peut se vanter de poursuivre cet effort jusqu’au bout ? Qui de nous est sûr, non seulement de résister à tous les slogans, mais aussi à la tentation d’opposer un slogan à un autre ? »
On la croirait écrite pendant le covidisme ! C’est ça, la France, des paquets de visionnaires (les croyants diraient des prophètes), le résultat fertile du croisement entre hellénisme et christianisme, la logique grecque et l’amour chrétien, qui fait qu’on construit ou échafaude des systèmes politiques meilleurs, plus justes, pour que les hommes vivent mieux.
Mais comme le dit Bernanos, la liberté de l’esprit est un effort continuel, et l’expérience du covidisme nous a montré la faiblesse de l’esprit, chez ceux qui ont obéi, et la force de l’esprit, chez ceux qui sont devenus plus lucides, à la pointe du combat et de l’évolution !
Ce sera toujours comme ça, il y aura toujours des riches et des pauvres, en tout : en argent, mais aussi en idées, en amour, en fraternité...
Sans aller jusqu’au XXIe siècle, vous avez Bainville, cet immense conteur, pour faire vivre toute cette histoire mieux que nous. Finalement, on est des passeurs de plats excellents ! Et au final, tout ça permet de Comprendre l’Époque, notre époque.