Les années passent et se ressemblent pour le président russe. D’après certains médias, en 2011, il était contesté par des manifestants volontairement présentés comme une sorte d’avant-garde sociétale représentant la Russie du futur.
En 2012, d’après les mêmes médias, sa réélection à la présidence russe s’était faite sur des bases contestables, on se souvient du gentleman agreement avec Dimitri Medvedev, et le nouveau président russe faisait soit disant face à de nouveaux dilemmes, intérieurs comme extérieurs, et à une baisse de confiance de la population russe à son égard.
En cette fin 2013, force est de constater que soit la situation a totalement changé, soit la grille de lecture de ces médias, pour les événements de 2011 et 2012, n’était pas la bonne.
Sur le plan intérieur, l’opposition de rue de 2011, composée de groupes politiques de droite et de gauche radicale et aussi de manifestants plutôt apolitiques issus de la classe dite créative, est semble-t-il morte et enterrée. Un commentateur inconnu du grand public à d’ailleurs tracé un portrait assez juste de cette classe créative russe, en la comparant avec humour aux Bobos français.
Cette "Classe Créative" principalement moscovite n’est finalement arrivée à rien. Ni à créer un parti politique cohérent, ni à prendre le pouvoir à Khimki ou à Moscou, soit la ou ses leaders se sont présentés. Ce n’est pas faute de démocratie, puisqu’en Russie, des candidats issus de l’opposition traditionnelle ont réussi à se faire élire démocratiquement dans des villes assez symboliques comme Petrozavodsk ou Perm ou encore Iaroslav.
Aujourd’hui, le niveau de confiance envers le président russe reste stable et proche des 60% ce qui après 13 ans de gouvernance est assez remarquable. Les lecteurs russophones peuvent en savoir un peu plus dans cette série d’analyses assez intéressantes.
Bien sur le grand défi de la Russie pour ces prochaines années reste le choix d’une politique économique (dont est en charge le gouvernement) permettant d’accélérer la modernisation économique du pays et de relever un niveau de croissance trop bas cette année puisqu’il devrait avoisiner 1,5%. C’est bien moins que les années précédentes et c’est sans aucun doute très insuffisant pour permettre le développement du pays selon les objectifs fixés par les élites russes.
Mais le grand évènement de 2013, c’est surtout la conséquence de la gouvernance Poutine sur le plan extérieur et la réapparition en position de force de la Russie dans la diplomatie internationale.
Il y a tout d’abord l’affaire Snowden qui a fait apparaître la Russie aux yeux du monde comme un Etat accordant protection à celui que beaucoup considèrent comme un héros de la défense des droits individuels.
Et puis ensuite il y a eu la crise Syrienne. Depuis le début de cette crise, la Russie mène une politique équilibrée et surtout stable de soutien plus ou moins discret au pouvoir Syrien au nom de l’ordre constitutionnel, tout en dénonçant les ingérences extérieures, au nom du respect de la souveraineté nationale Syrienne.
L’activité diplomatique de la Russie a finalement obtenu trois résultats :
Empêcher un bombardement de la Syrie par la coalition occidentale et l’Otan et donc une guerre régionale au minimum.
Obtenir un accord international sur le désarmement chimique de la Syrie.
Obtenir un accord pour l’organisation d’une conférence de paix dite de Genève 2.
Ce faisant, la diplomatie russe a aussi fait voler en éclats le mythe d’une opposition syrienne démocratique influente, en faisant au contraire apparaître au grand jour une réalité trop longtemps occultée par le mainstream médiatique : l’extrémisme effrayant de groupes armés majoritairement étrangers opérant dans le pays.
Au résultat, Vladimir Poutine s’est vu octroyer le titre d’homme le plus influent de l’année 2013 pendant que d’autres estiment qu’il mérite le Nobel de la paix.
A l’échelle du moyen orient, la grande prudence russe depuis le début du printemps arabe a replacé la Russie au cœur de cette zone du monde, comme les lecteurs de RIA Novosti pouvaient s’en douter dès mars dernier.
La Russie est en effet depuis peu en négociations intenses avec l’Égypte, pourtant traditionnel allié américain dans la région et elle a commencé la livraison de matériel militaire à l’Irak en vertu d’un accord signé en 2012.
Plus inattendu, Russie et Arabie saoudite, pourtant en opposition quasi directe sur le dossier Syrien, négocient également un paquet d’accords d’un montant total d’au moins 12 milliards de dollars pendant que les dirigeants de la nouvelle Libye post-Kadhafi ont eux récemment souhaité la reprise des discussions avec la Russie pour la poursuite des contrats d’armements antérieurement signés.
La Russie s’est aussi imposée comme un acteur clef dans le dossier du nucléaire Iranien en contribuant activement a l’accord historique de dimanche dernier et en accentuant sa coopérations bilatérale avec ce pays. Ceci préfigure plausiblement une nouvelle architecture Russo-américaine dans la région, malgré de fortes réticences israéliennes et francaises.
Cet accord historique a pour conséquence de non seulement replacer l’Iran dans le concert des nations mais aussi selon certains commentateurs de priver l’Amérique d’ennemis et donc de se poser désormais la question de l’utilité du projet de bouclier anti-missiles américain au cœur de l’Europe continentale. Plus près de l’Europe, deux nouvelles sont venues bouleverser toutes les prévisions.
Il y a d’abord l’Ukraine qui vient de tout simplement suspendre (provisoirement ?) ses négociations avec l’UE pour renforcer au contraire ses relations avec la Russie et la CEI. Le premier ministre ukrainien Nikolaï Azarov affirmant même que : "l’objectif numéro un du gouvernement est de rétablir les relations normales avec la Russie". Le président russe a de son côté dénoncé les pressions de l’UE sur l’Ukraine. Va-t-on vers une nouvelle tentative de révolution de couleur en Ukraine ou plus simplement vers une nouvelle dégradation des relations entre Moscou et Bruxelles ?
Plus au sud, d’étranges et inattendus signaux sont venus de Turquie. Le président Erdogan, en visite en Russie, a en effet clairement exprimé son intention d’intégrer la Turquie à l’Organisation de Shanghai, souvent qualifiée de pendant Eurasiatique de l’Otan. Le président turc s’est également déclaré intéressé par une participation de son pays à l’Union Douanière.
Dans le même temps, Russie et Turquie se sont fixé un but : porter leurs échanges économiques en 2020 à un niveau supérieur à celui des échanges Russie-Allemagne actuels, soit 100 milliards de dollars annuels. Pour le moment, la Russie est le deuxième partenaire commercial de la Turquie après l’Allemagne pendant que la Turquie est le deuxième importateur mondial de gaz naturel russe et que le tronçon maritime du pipeline South Stream, dont la construction devrait être achevée en 2015, passera dans la zone économique exclusive de la Turquie.
La guerre des grands ensembles bat son plein.