Son nom n’est pas entré dans l’histoire ni même dans l’encyclopédie Wikipédia. « Ce soir-là, je ne me doutais pas que ce que je faisais allait avoir une signification particulière », reconnaissait encore Charley Kline il y a quelques mois, devant un journaliste américain du site Web Ozy. À vingt et un ans, cet étudiant en informatique de l’université de Californie à Los Angeles (Ucla) n’avait rien d’extraordinaire, si ce n’est qu’il travaillait pour l’Arpa, l’Agence des projets de recherche avancés, financée par l’armée américaine. À ce titre, il est pourtant l’un des deux premiers internautes ou, devrait-on dire, arpanautes, puisque c’est bien de l’Arpanet, l’ancêtre du réseau mondial, dont il est question ici.
Ce 29 octobre 1969, Charley Kline assiste le professeur Léonard Kleinrock dans l’envoi inédit d’un message entre deux ordinateurs distants. Plus de 500 kilomètres séparent le centre de recherche de l’Ucla de celui de Stanford. À terme, l’Arpanet doit devenir un réseau de centres de recherche. L’objectif est de mieux organiser la recherche et d’éviter que deux scientifiques travaillent sur les mêmes hypothèses sans le savoir. Plus économe, il doit aussi permettre aux spécialistes d’exploiter le même ordinateur central, très coûteux, sans se déplacer pour leurs calculs.
« Un message prophétique »
En liaison téléphonique avec un autre étudiant de l’université de la région de San Francisco, Charley Kline paramètre les routeurs, sorte de mini-ordinateurs inventés pour l’occasion, qui reconstituent en message intelligible les données envoyées par le réseau. À 22 h 30, il tape un « L » sur la console. Stanford le reçoit. Il poursuit avec un « O ». Stanford reçoit aussi. Il tente de taper un « G » mais le système plante à ce moment-là. Le mainframe Sigma 7 aux 128 kilo-octets de mémoire et 24 mégaoctets d’espace disque – beaucoup moins puissant qu’une clef USB d’aujourd’hui – n’a pas tenu. Qu’importe, deux ordinateurs sont bien entrés en contact et l’un a dit à l’autre « lo ». Une heure et quelques réglages plus tard, l’intégralité du message, « login », arrive finalement.