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Adieu, Berlin ?

Comment l’atlantisme de l’Allemagne lui fait perdre sa puissance

Avant de plier sous la pression des États-Unis et du Royaume-Uni dans la question portant sur les sanctions antirusses, les politiciens allemands n’ont pas cessé de prononcer une sorte de mantra sur la priorité de la politique sur l’économie. Ils appelaient essentiellement au patriotisme des entrepreneurs et des chômeurs potentiels allemands, qui devraient accepter les pertes et la privation parce que la « politique est au-dessus de tout ».

Cependant, nombre d’Allemands sont conscients que les sanctions contre la Russie, le fait même de s’incliner sous la pression de Washington et de Londres nuisent considérablement au poids politique de l’Allemagne en Europe et dans le monde. Les humiliations subies dernièrement par Berlin – les écoutes de la chancelière, l’espionnage dans le ministère de la Défense, le scandale concernant les réserves d’or allemandes aux USA et aujourd’hui la « reddition » sous la pression pour accepter les sanctions – infligent des dommages irréparables à l’autorité politique de l’Allemagne.

Pendant de longues années l’Allemagne prétendait et réalisait un rôle central de zone tampon entre l’Union européenne d’une part et la Russie, les pays postsoviétiques et l’Eurasie de l’autre. L’Allemagne a diversifié avec succès ses ambitions politiques et économiques en Chine, dans les pays d’Asie et du Moyen-Orient. Ces régions la considèrent comme une puissance autonome qui, derrière les USA et la Chine, fait partie des économies mondiales les plus influentes. Dernièrement, l’Allemagne a commencé à s’intéresser aux contacts éventuels avec les Brics, ce qui a forcément éveillé les suspicions de la Maison blanche. Aussi paradoxal que cela puisse sembler aujourd’hui, l’Ukraine était une zone parfaite pour la coopération d’un nouveau type entre l’Allemagne, la Russie et d’autres pays de la CEI, si Berlin avait pu lucidement et indépendamment étudier la proposition des négociations trilatérales entre la Russie, l’UE et l’Ukraine avant que la crise ukrainienne n’éclate.

A première vue, la position indépendante de l’Allemagne adoptée vis-à-vis des opérations de l’Otan en Irak en 2003 laissait espérer que la détermination de Merkel ne concédait pas à la force morale de Schröder. Mais ce ne fut pas le cas et aujourd’hui l’Allemagne ne doit pas compter les milliards qu’elle perdra et les centaines de milliers d’emplois qui disparaîtront en Allemagne et en UE suite aux sanctions contre la Russie, mais elle devrait pleurer sa chance historique ratée pour devenir un leader mondial indépendant et à part entière avec un droit de parler de sa propre voix.

Ce que la politique est l’expression la plus concentrée de l’économie est un slogan plus que discutable, comme le prouve l’histoire, mais il est indéniable que l’économie est devenue un levier de pression politique globale pratiquement sur tous les partenaires et adversaires. Si l’on parle aujourd’hui de sanctions annoncées contre la Russie, cela ne signifie pas qu’en coulisse ne fonctionne pas un système de sanctions « non-déclarées » ou de risque de leur application qu’on échange entre les alliés et les soi-disant amis.

La brusque dérive vers la politique américaine pourrait avoir diverses causes, mais l’une d’elle est plus flagrante que les autres. Au cours de ces dernières années, l’Allemagne obtenait le plus important excédent commercial par rapport aux USA et au Royaume-Uni, qui atteignait autrefois pratiquement 20 %. Washington et Londres ont probablement fait comprendre à Berlin qu’ils n’hésiteront pas à appliquer des sanctions économiques « cachées » sur leurs marchés pour rendre l’Allemagne plus conciliante par rapport à la pression sur la Russie. Le refus de Washington de rendre à l’Allemagne une grande partie de ses réserves d’or, en se limitant aux dérisoires 10 %, était loin d’être le seul signal. Après tout, la réserve d’or n’est pas seulement la garantie de l’industrie allemande, mais aussi en quelque sorte le stabilisateur de l’Europe unie qui y attribue à l’Allemagne un rôle central.

Le premier ministre britannique David Cameron s’est prononcé à plusieurs reprises très catégoriquement concernant la domination des importations allemandes sur les marchés intérieurs de l’UE, chose à laquelle il menaçait de mettre fin en soulevant une insurrection au sein de l’UE. D’ailleurs, Londres aurait trouvé de nombreux alliés, par exemple la France, car l’excédent commercial de ce pays par rapport à l’Allemagne est le plus élevé. Mais qu’en est-il des règles du commerce international ? Les normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ainsi de suite ? Et bien ses normes ont depuis longtemps été sacrifiées au profit de la politique. Comme on dit, tout va bien tant que tout va bien, et l’examen de l’affaire Ioukos au tribunal d’arbitrage de La Haye en est un parfait exemple.

L’Allemagne aurait choisi le moindre des deux maux ? On pourrait dire cela. Cependant, il faut garder à l’esprit que si pour les atlantistes les sanctions contre la Russie font partie d’une stratégie de freinage, voire de renvoi en arrière de la Russie, pour l’Allemagne il s’agit d’une tactique forcée et imposée de l’extérieur. Les intérêts stratégiques de l’Allemagne vis-à-vis de la Russie sont opposés aux intérêts atlantistes. C’est les relations solides avec la Russie qui apportaient à l’Allemagne la stabilité politique et économique qui lui ont permis de devenir une grande puissance mondiale et avoir du poids au niveau mondial. L’est est la garantie pour l’Allemagne d’une profondeur stratégique qui lui permet de résister à la pression des concurrents et des "amis" des deux côtés de l’Atlantique qui observent avec jalousie son ascension. Et du point de vue de la stratégie politique, les récents agissements de Berlin vont très clairement à l’encontre de ses intérêts nationaux.

Pour cette raison le « dégrisement » est inévitable, mais cela répare rarement les conséquences.

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9 Commentaires

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  • #920385
    Le 1er août 2014 à 18:50 par False Flag
    Adieu, Berlin ?

    Encore une escroquerie de l’oncle sam, pour prendre les marchés Russes, l’histoire d’un guerre nucléaire entre Russie US sur le sol Européens j’y crois pas une seconde, on verra si l’histoire le confirmera !

     

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  • #920517
    Le 1er août 2014 à 19:50 par voronine
    Adieu, Berlin ?

    Depuis le XVIII ème siècle , l’Allemagne menait une politique intelligente et efficace à l’est , plaçant ses princesses sur le trone de Russie, inflençant l’évolution de l’armée , de l’économie, expédiant son excédant de population dans les colonies du DON, de la VOLGA ...Meme après la première guerre mondiale , cette politique d’échanges s’est maintenue.Et ce n’est qu’après la deuxième et l’occupation américaine à l’ouest , et russe à l’est que cette relation s’est refroidie . Depuis 1990 , les allemands ont fait des efforts imprtants pour se réintroduire dans les pays de l’est et en Russie .Alors que cette politique portait ses fruits, l’alignement sur les USA , à l’occasion de la crise UKR. ruine les progrès réalisés. Je ne sais pas qui disait que faire du commerce avec quelqu’un est un bon moyen pour éviter de lui faire la guerre...Mais , visiblement la leçon n’est pas arrivée en Amérique .

     

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    • #921214
      Le Août 2014 à 07:17 par fred
      Adieu, Berlin ?

      Si malheureusement la leçon est arrivée ...

      L ’Or allemand détenu à Fort Knox est l’otage de cette situation ...
      Si les Allemands ne se plient pas au diktat US ...
      Leurs 1600 tonnes ne reviendront pas !

      petit commentaire :

      L’or allemand a été transféré quand l’URSS pouvait être le grand méchant qui aurait pu venir le prendre ...
      Ce grand méchant a surtout été une invention-prétexte américaine ... (les autres pays aurait du mettre un véto à ça , mais par veulerie autant que par esprit revenchard .... rien ! )
      Les 1600 tonnes allemandes n’existent plus depuis un lustre CAR le $ n’étant plus convertible , SI la Fed les avaient encore = ils n’auraient pas de justification technique à les garder ou d’autoriser un audit de cet Or par la Buba !

      N’importe quelle escroquerie étant un acte de commerce (dans les sens originel =échange) tournant mal = la leçon a donc été apprise et comprise , ce qui n’empêche pas son détournement !

      De la même manière que l’on ne fait jamais un cheval de course d’un vieux canasson , un état corrormpu ne peut donner lieux à des pratiques honnêtes !

       
  • #920537
    Le 1er août 2014 à 20:01 par gunsbourg
    Adieu, Berlin ?

    Quand on commence à parler fric ça devient plus clair ! Nous sommes donc parti comme en 14 dont c’est le maudit anniversaire !

     

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  • #920696
    Le 1er août 2014 à 21:20 par Paskl
    Adieu, Berlin ?

    Houla ! Je n’ai pas tout compris. Je vais lire avec intérêt tous vos commentaires.

     

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  • #920720
    Le 1er août 2014 à 21:32 par Gallier
    Adieu, Berlin ?

    Ceci est un mythe toujours resassé : "A première vue, la position indépendante de l’Allemagne adoptée vis-à-vis des opérations de l’Otan en Irak en 2003 laissait espérer que la détermination de Merkel ne concédait pas à la force morale de Schröder."

    L’Allemagne était le quatrième plus important belligérant de la guerre en Irak en 2003. Ce fait a été constaté par le tribunal administratif fédéral à la suite de la plainte d’un officier allemand qui avait été dégradé pour avoir refusé d’exécuter des ordres ayant trait au conflit en Irak. Documentation en allemand : http://www.asfrab.de/urteil-bverwg-...

     

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  • #921541
    Le 2 août 2014 à 14:54 par David
    Adieu, Berlin ?

    L’Allemagne a fini par gagner certes pas avec le nazisme qui était trop réactionnaire, mais bon ils lui avait été fait beaucoup d’injustice. Enfin ces nationaux socialistes avaient pigés quelques trucs sur la valeur travail.

    L’Allemagne a gagné par le commerce et la puissance économique, de véritable locomotives après leur année 0, aucunes de nos bagnoles n’ont les feux jaunes on est tous passé aux blancs. Mettrez un résistant du Vercors, il aurait peur et croirait qu’ils ont gagné.

    Sa voie : travail, industrie, organisation, robotisation, immigration choisie principalement européenne de l’est (aussi turc vieil allié).

    Elle a gagné mais comme dit Hillard en jouant le sous fifre européen des anglo-américains et ça frotte parfois comme le dit cet article contre elle.

    Ainsi elle pourrait faire encore mieux, si !, mais ils ont retenus la leçons à chaque fois on leur a coupé net, il est trop tôt pour s’émanciper.

     

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  • #921622
    Le 2 août 2014 à 16:16 par lephil
    Adieu, Berlin ?

    L’Allemagne fédéral est une création des US c’est l’oncle Sam qui a rédigé sa constitution fédéral car l’Allemagne a capitulé sans condition et de ce fait n’était plus un état mais un territoire administré par les vainqueurs de 1945, d’ailleurs en réponse à la création de la RFA, l’URSS a créé la RDA on connait la suite..... on peut croire que les américains leurs rappels aussi souvent que leurs intérêts soient en jeu....

     

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  • #921902
    Le 2 août 2014 à 21:23 par A.F
    Adieu, Berlin ?

    Le traité transatlantique qui supprimerait les frontières commerciales UE/USA pourrait bien leur ouvrir de nouveaux marchés et consolider leur puissance manufacturière et industrielle. L’Allemagne jouit déjà de la directive sur le travail détaché et du dumping social avec les travailleurs des pays de l’ Est ( elle avait ses propres intérêts dans l’éventuel ralliement de l’ Ukraine à l’ UE : vivier de travailleurs à bas salaire pour sa machine économique.

     

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