Le procureur de la République de Nice a-t-il fait du zèle au moment de l’affaire Legay en mars 2019 en se permettant quelques libertés avec le réel ? C’est ce que suggère Le Monde qui précise qu’il aurait fait cela de sa propre initiative.
Selon les informations du Monde, le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre a expliqué à ses supérieurs qu’il aurait dédouané la hiérarchie policière par souci de ne pas mettre Emmanuel Macron dans l’embarras dans l’affaire Geneviève Legay, la militante d’Attac de 73 ans blessée au cours d’une charge de police le 23 mars à Nice face aux Gilets jaunes. Il est précisé que le procureur a fait cela de sa propre initiative.
L’audition du magistrat avait été demandée par le directeur des services judiciaires au mois d’avril et selon les fuites divulguées par le quotidien du soir, l’intéressé a affirmé qu’il avait voulu restaurer une cohérence entre les différentes thèses défendues par les autorités qui présentaient « des divergences trop importantes ». Avant même la conférence de presse du parquet le 25 mars, le président de la République avait déjà expliqué dans une interview à Nice-Matin que la manifestante « n’[avait] pas été en contact avec les forces de l’ordre ». Ce qui pourrait expliquer l’adaptation des déclarations ultérieures du procureur.
Le ministère de la Justice sollicité par Le Monde a fait savoir que le procureur de Nice « est totalement indépendant, et décide souverainement de la communication qu’il souhaite mener dans chaque affaire » et qu’il n’y avait pour le moment pas lieu d’engager de « poursuites disciplinaires » à ce stade.
Une source proche du dossier, contactée par le journal a cependant déclaré : « Non seulement il livre une version qui ne correspond pas aux faits, mais il insiste et répète à plusieurs reprises qu’il est sûr de ce qu’il assure. »
L’avocate de Geneviève Legay estime pour sa part que cette décision du procureur de réfuter toute responsabilité des policiers avait été prise selon une logique de « défense irréfléchie de l’institution », mais précise : « Vu le contexte, je suis persuadée qu’il a dû se dire, devant les images un peu fouillis : "C’est pas très clair, ça peut passer." [Cependant], un procureur n’a pas à protéger qui que ce soit, fût-il le président de la République. C’est une curieuse conception de sa mission, et c’est bien la raison pour laquelle je parle de porosité malsaine et de défaut d’indépendance… »
Le Monde, qui a visiblement contacté l’entourage de Jean-Michel Prêtre, a retenu trois qualificatifs pour le décrire : « carriériste », « influençable » et « proche des forces de l’ordre ». Un avocat est allé jusqu’à insister sous couvert d’anonymat : « Ce n’est pas la première fois qu’il se met en avant et prend des libertés avec la vérité. »
En dehors des déclarations malheureuses du procureur, le choix de confier l’enquête sur cette charge de police, refusée par les gendarmes mobiles et commandée par le commissaire Rabah Souchi, à Hélène Pedoya, compagne du policier en question, est également contestable. De plus, ces deux commissaires ont été félicités parmi des centaines d’autres par Christophe Castaner qui leur a remis des médailles au mois de juin 2019.
La cour de Cassation a choisi d’écarter le procureur de l’affaire et a dépaysé l’enquête dans la ville de Lyon. Analyse impitoyable d’une source proche du parquet niçois, citée par Le Monde : « Ce n’est pas tout de servir le pouvoir, encore faut-il le faire intelligemment, sinon il vous lâche en rase campagne. »