Une violente manifestation a fait 25 blessés jeudi parmi les policiers les salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord et les policiers, devant le siège du fabricant de pneus à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), lors d’un nouveau comité central d’entreprise (CCE) sur le projet de fermeture du site, qui menace directement 1 173 emplois.
Dans la rue pavillonnaire d’ordinaire paisible, quelques heures après la manifestation, flottait encore une âcre odeur de gaz lacrymogène et de pneus brûlés, vestige d’échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre, que la direction de Goodyear a condamnées.
Bouteilles contre lacrymos
Aux jets de bouteilles ou de projectiles de la part des salariés ont répondu gaz lacrymogènes et jets violents des canons à eau de la police, pour repousser plusieurs centaines de manifestants venus de la Somme. Bilan : des blessés légers de part et d’autre (six chez les manifestants avec des arrêts de travail, selon la CGT, et 19 dans les rangs de la police, selon une source policière), un camion anti-émeutes à la tôle partiellement calcinée et des dizaines de bouteilles, cannettes et coquilles d’oeufs jonchant le sol. Un manifestant, brièvement interpellé, a finalement été libéré.
"Marre de se faire écraser"
"Le monde ouvrier en a marre de se faire écraser !", a affirmé, énervé, Jean-Louis Ditte, mécanicien de 48 ans dont "24 de Goodyear". "Ce déploiement de forces de l’ordre, c’est de la provocation", a renchéri Philippe Dufaux, opérateur de 43 ans, depuis 13 ans à Amiens-Nord. "Nous, on veut juste protéger nos familles", a-t-il ajouté.
Six ans après un premier projet de restructuration, et après autant d’années de lutte, les salariés disent garder espoir. Mais la direction a annoncé fin janvier son projet de fermer l’usine, "seule option possible après cinq années de négociations infructueuses", selon elle, pour sauvegarder la compétitivité des secteurs tourisme et agricole du groupe. La fermeture menace 1 173 emplois directs et environ 500 indirects.
Des actions en Justice "dans les prochains jours"
Leur avocat Me Fiodor Rilov a précisé que des actions en justice seraient lancées "dans les prochains jours". Elle permettront de "mettre en échec le projet de la direction, comme en 2006", année où, le 7 mars, elle annonçait son intention de supprimer plus de 400 postes, estime-t-il. "Les effets d’annonce de la direction jouent sur le moral des salariés", a déploré Christophe Verecque, salarié non syndiqué, énumérant ce "projet de 400 suppressions de postes d’abord, puis 800, ensuite un plan de départs volontaires, et le projet avorté de Titan....
100 millions d’euros à investir
Malgré la diminution drastique des volumes de production, les salariés d’Amiens-Nord, dont certains disent ne plus travailler qu’une heure ou deux par jour, affichent un attachement fort à leur usine. Les élus ont aussi voulu préserver l’emploi lors du CCE, qui portait notamment sur les conclusions du rapport d’expertise Secafi.
Selon ce dernier, il faudrait à Goodyear injecter 100 millions d’euros pour remettre à flot l’activité tourisme et 20 millions pour l’activité agraire qui a perdu en Europe 22.5 millions d’euros en 2012, a rapporté la CFE-CGC.
La CGT propose une Scop
Les syndicats ont fait des propositions alternatives à la fermeture de l’usine d’Amiens-Nord. La CFDT défend notamment un plan seniors qui pourrait concerner environ 400 personnes ainsi que, comme la CFE-CGC, l’ouverture de négociations sur un plan de départs volontaires (projet abandonné en 2012 par la direction).
La CGT met en avant, seule, un projet de Scop (société coopérative et participative) qu’elle détaillera la semaine prochaine.
Pendant la réunion, les élus CGT et CFDT ont voté quatre résolutions qui vont permettre au CCE d’entamer des actions en justice pour dénoncer des "irrégularités", selon eux, dans la procédure d’information-consultation du CCE et du comité d’entreprise européen. Ils vont aussi faire constater le "défaut d’information sur la situation économique du groupe au CCE" et l’"indigence du PSE au regard des moyens du groupe".
CGT et CFDT estiment par ailleurs que la direction a opéré un transfert de production dissimulé d’Amiens-Nord vers d’autres sites du groupe, ce qui, selon Mickaël Wamen est "constitutif d’une restructuration frauduleuse". "La réorganisation a commencé il y a pas mal de temps", a aussi affirmé Didier Raynaud en soulignant : "Aujourd’hui, nous sommes à 2 600 pneus de tourisme par jour pour une capacité de 22 000".