Depuis sa création, Africom (Commandement des États-Unis pour l’Afrique) n’a réussi à convaincre aucun gouvernement africain de lui ouvrir son territoire pour y installer son quartier général. Ce symbole d’une nouvelle vassalisation du continent aurait été trop visible et certainement impopulaire. Le QG reste donc en Allemagne où, depuis l’épisode de la Fraction armée rouge et malgré la disparition du bloc soviétique, aucune action de protestation politique contre la forte présence militaire étasunienne n’a eu lieu.
Mais cette prudence diplomatique n’entrave en rien l’action permanente d’Africom sur le terrain et nombre de gouvernements africains font participer leur armée à des manœuvres avec les troupes US, font assurer la formation de leurs troupes par l’armée US (dans ce cas : Niger, Tchad, Mauritanie, Nigeria, Sénégal, Maroc, Algérie et Tunisie, Ouganda, Burundi, Kenya, Lesotho et Botswana).
Inutile de préciser qu’il n’est jamais question de favoriser le renforcement d’armées nationales stratégiquement autonomes qui seraient des instruments de souveraineté. Les régiments africains formés sont des troupes coloniales fournissant la chair à canon utile aux projets de l’empire et fournies en matériel et munitions made in USA.
À cette pénétration de l’armée US à l’intérieur même des armées africaines s’ajoute une installation permanente de troupes US dans des divers lieux. Là encore, une relative discrétion est de mise et il n’est officiellement jamais question de bases militaires étasuniennes massives comme il en existe par exemple en Italie en Allemagne et au Kosovo.
Le journal étasunien en ligne TomDispatch vient, sous la plume de son directeur Nick Turse, de faire le point sur cette présence militaire US permanente dans divers pays africains.
La plus grosse présence militaire est à Djibouti dans le camp Lemonnier, jadis base de l’armée française, et l’on peut dans ce cas parler d’une véritable base étrangèr,e dont la création en 2002 est d’ailleurs antérieure à Africom.
Avec des effectifs plus légers, l’armée US est par ailleurs installée :
au Kenya à Garissa, Manda Baya et Mombasa Louma, point de départ de ses interventions dans la Somalie voisine, où elle apporte un soutien logistique permanent aux forces de l’Amisom de l’Union africaine ;
en République centrafricaine à Bangui ;
au Niger à Niamey ;
au Mali à Bamako ;
au Sud-Soudan, pour bien montrer que la toute nouvelle indépendance de ce pays est un nouvel asservissement ;
au Sénégal, où l’aéroport de Dakar est ouvert à l’aviation de reconnaissance de l’armée US ;
au Burkina Faso à Ouagadougou, où se trouve une base des forces spéciales d’où ont décollé 193 vols militaires au premier trimestre 2013 ;
en Éthiopie à l’aéroport d’Arba Minch ;
en Ouganda à Entebbe.
Rien que pour les besoins de ravitaillement en carburant l’Africom a accès à pas moins de 29 aéroports de pays africains.
Bien sûr le prétexte à cette intervention de plus en plus intense est la « guerre contre le terrorisme » sous ses divers avatars régionaux (AQMI, Boko Haram, etc.), mais le nouveau commandant en chef d’Africom, le général David Rodrigues, admet que l’arrivée massive d’héroïne afghane sur le continent africain via l’océan Indien est un facteur d’aggravation de l’instabilité régionale. Il est vrai qu’avec la cocaïne colombienne qui arrive par l’ouest, le territoire africain est désormais au cœur des trafics mondiaux de drogue.
Pour bien illustrer les influences militaires US, il faut noter que la nouvelle mission de l’ONU au Mali qui se met en place à compter du mois de juillet comportera douze mille hommes et que les deux plus gros contingents seront fournis par le Rwanda et le Nigeria, deux armées sous étroite influence US.
Quant à la piraterie dans le golfe de Guinée, qui connaît une croissance très spectaculaire et va dépasser en intensité la piraterie au large de la Somalie, elle ne tardera pas engendrer une riposte internationale probablement conduite par les marines de l’OTAN, États-Unis en tête. L’ONU a jeté les bases de cette action par la résolution 20-39. Pour commencer Africom avance à pas mesurés en proposant aux États de la CEDEAO, comme elle l’a fait à l’occasion d’un séminaire tenu à Abidjan (qui pourrait accueillir l’état-major de cette future force) en février 2013, une assistance pour la mise en place d’une police maritime commune. Cette prudence ne peut faire oublier que les maigres forces maritimes de ces États ne sauraient être opérationnelles sans la couverture électronique (GPS, radars…) et aérienne des États-Unis.
Comaguer
- Carte : les bases de drones US en Afrique
(y compris aux Seychelles !)