Martine Gozlan nous rend compte du mouvement en Algérie où est organisée la grande manifestation « contre le système ». Tirant les leçons du soulèvement égyptien, le pouvoir algérien tente d’étouffer dans l’oeuf le mouvement, en combinant répression de rue et contre-manifestation.
Dès dix heures ce matin, les arrestations ont commencé place du Premier Mai, à Alger où la Coordination Nationale pour la changement démocratique avait appelé à une manifestation « pour changer le système ». D’après les premiers échos qui nous parviennent, les arrestations commencent. Le jeune bloggueur Amine Menadi, qui avait lancé sur sa page Facebook le mouvement Algérie Pacifique, et que notre hebdomadaire cite largement cette semaine, a ainsi réussi à nous joindre alors qu’on venait de l’embarquer, lui et ses camarades, dans un fourgon de police. « Nous sommes arrêtés par centaines, tabassés, ils arrêtent même des politiques et leur famille. A mes côtés, il y a le fils du député Said Sadi ! » nous a dit Amine d’une voix angoissée avant que la communication ne soit interrompue. Said Sadi, président du RCD, Rassemblement pour la culture et la démocratie, figure parmi les organisateurs de cette marche et son mouvement avait déjà tenté de manifester le 22 janvier devant le siège du RCD. Il fut durement réprimé.
D’autres témoins, au sein de la manifestation, encore libres, font état d’une contre-manifestation pro-gouvernementale, qui se déploie face aux anti-Bouteflika. Ce sont des jeunes, venus d’une cité populaire, proche de la place du 1er mai. Ils scandent « l’Algérie n’est pas l’Egypte ! Vive Bouteflika ! » Les manifestants de l’autre bord jouent la carte pacifique à fond et se couchent par terre, les policiers les trainent jusqu’aux camions. Ce sont des femmes-flics qui arrêtent les femmes, constate une manifestante.
Au lendemain de la chute de Moubarak, il semble bien que le pouvoir algérien ait décidé de tuer dans l’œuf toute tentative de contestation. En enquêtant sur l’organisation de cette marche, nous avons pourtant constaté que pour la première fois, de nombreux pans de la société faisaient la jonction. Ce vent d’unité affole le pouvoir qui a quadrillé la capitale avec 30 000 policiers des forces anti-émeutes, bloqué les routes, les transports, et tous les accès à Alger.
Nous tenterons au cours de cette journée du 12 février, de joindre régulièrement ceux qui réussissent, comme ils se le sont jurés, à « marcher contre le système ».