Srebrenica. L’épisode est devenu le symbole du mal, particulièrement du mal serbe. Il est décrit comme « une horreur sans égale dans l’histoire de l’Europe depuis la Seconde guerre mondiale », qui a vu l’exécution de sang-froid « d’au moins 8.000 hommes et jeunes gens musulmans ».
Les événements se sont déroulés à l’intérieur ou dans les environs de la ville bosniaque de Srebrenica, entre le 10 et le 19 juillet 1995, lorsque l’armée serbe bosniaque (ASB) l’a occupée, en combattant et en tuant de nombreux musulmans bosniaques, dont un nombre inconnu sont morts au cours des affrontements ou ont été exécutés. Il est hors de doute qu’il y a eu des exécutions, et que beaucoup de musulmans bosniaques ont péri au cours de l’évacuation de Srebrenica et de ses suites. Mais bien qu’on en discute rarement, le problème majeur est de savoir combien d’entre eux ont été exécutés, étant donné que bien des corps retrouvés dans les tombeaux locaux sont ceux de victimes des combats, et qu’une grande partie des musulmans bosniaques qui ont fui la ville sont arrivés sans encombre en territoire bosniaque musulman. Certains cadavres exhumés sont aussi ceux des nombreux Serbes tués au cours des razzias effectuées par les musulmans bosniaques sortant de Srebrenica dans les années précédant juillet 1995.
Le massacre de Srebrenica a joué un rôle particulier dans la politique occidentale de restructuration de l’ex-Yougoslavie, et plus généralement dans sa politique d’intervention. Il a suscité un regain d’intérêt en raison de la commémoration de son dixième anniversaire en juillet 2005. On le cite constamment comme preuve du mal serbe et des intentions génocidaires de la Serbie. Il a servi à justifier la punition des Serbes et de Milosevic, ainsi que la guerre de l’OTAN à la Serbie en 1999. Il a aussi fourni un alibi moral aux futures guerres occidentales de vengeance, de projection de pouvoir et de « libération », en démontrant qu’il existe un mal que l’Occident peut et doit éradiquer.
Cependant, il y a trois éléments qui auraient du soulever de graves questions à propos du massacre, à l’époque et aujourd’hui, et qui ne l’ont pas fait.
Le premier est que le massacre a satisfait très opportunément les besoins politiques du gouvernement Clinton, des musulmans bosniaques et des Croates (première partie ci-dessous).
Le second est qu’on avait déjà fait état avant Srebrenica (et qu’on a continué depuis) d’une série de prétendues atrocités serbes, révélées régulièrement aux moments stratégiques où se préparait une intervention violente des États-Unis et du bloc de l’OTAN et nécessitant un solide soutien de relations publiques, atrocités dont il a été démontré par la suite qu’elles n’ont pas existé (seconde partie).
Le troisième est que les preuves d’un tel massacre, surtout de 8.000 hommes et jeunes gens, ont toujours été pour le moins sujettes à caution (troisième et quatrième partie).
1. L’opportunité politique
- Les Clinton, Madeleine Albright et Alija Izetbegovic (1995)
Les événements de Srebrenica, et les révélations d’un énorme massacre, ont beaucoup aidé le gouvernement Clinton, la direction bosniaque musulmane et les autorités croates. Clinton, en 1995, était pressé à la fois par les médias et par Bob Dole d’agir avec plus de force en faveur des musulmans bosniaques, et son gouvernement recherchait activement la justification d’une politique plus agressive. Les autorités clintoniennes se sont précipitées sur la scène de Srebrenica pour confirmer et rendre publiques les affirmations d’un massacre, comme William Walker l’a fait plus tard, en janvier 1999. Le rapport instantané de Walker à Madeleine Albright a fait exulter celle-ci, qui s’est écriée : « Le printemps est apparu tôt cette année. » Srebrenica a permis à l’automne d’« apparaître tôt » à l’administration Clinton en cet été de 1995.
Les leaders bosno-musulmans se battaient depuis des années pour persuader les puissances de l’OTAN d’intervenir plus énergiquement en leur faveur, et il y a de fortes indications qu’ils étaient préparés non seulement à mentir, mais aussi à sacrifier leurs propres citoyens et soldats pour obtenir l’intervention (questions traitées dans la seconde partie). Des autorités musulmanes bosniaques ont déclaré que leur chef, Alija Izetbegovic, leur avait dit que Clinton les avait avertis que l’intervention n’aurait lieu que si les Serbes tuaient plus de 5.000 personnes à Srebrenica. L’abandon de Srebrenica par une force militaire bien plus considérable que celle des attaquants, et la retraite rendant vulnérable cette force supérieure et entraînant de nombreuses victimes de combats ou de règlements de comptes, permettaient d’arriver à des chiffres correspondant plus ou moins au critère de Clinton. Il y a des preuves que le retrait de Srebrenica ne découlait d’aucune nécessité militaire, mais était une décision stratégique selon laquelle les pertes encourues était un sacrifice obligatoire à une cause plus importante.
Les autorités croates étaient ravies de voir révéler un massacre à Srebrenica, car cela détournait l’attention de leur dévastateur nettoyage ethnique antérieur des Serbes et Bosno-musulmans en Bosnie de l’ouest (presque totalement ignoré par les médias occidentaux). Et cela fournissait une justification à l’expulsion déjà planifiée de plusieurs centaines de milliers de Serbes de la région de Krajina en Croatie. Cette opération de nettoyage ethnique massif a été menée avec l’approbation des États-Unis et leur soutien logistique, à peine un mois après les événements de Srebrenica, et elle a probablement entraîné la mort de plus de civils serbes qu’il n’y a eu de civils bosno-musulmans tués dans le secteur de Srebrenica en juillet. La plupart des victimes bosno-musulmanes étaient des combattants, les Bosno-serbes ayant mis les femmes et enfants en sûreté en les convoyant par autobus, ce que les Croates n’ont pas fait, avec pour résultat la mort de beaucoup de femmes, d’enfants et de vieillards massacrés par eux dans la Krajina. Le cynisme des Croates était impressionnant : « Les troupes des Nations unies ont regardé horrifiées les soldats croates traîner des cadavres serbes le long de la route bordant le centre de l’ONU, les truffer de balles d’AK-47 et les écraser ensuite sous les chenilles d’un tank. » Mais on n’y a guère fait attention dans l’explosion d’indignation et de propagande qui a suivi Srebrenica, grâce aux grands médias dont le rôle belliciste dans les guerres balkaniques était déjà solidement rodé.
Le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie (TPIY) et les Nations unies ont aussi joué un rôle important dans la consolidation du récit standard du massacre de Srebrenica. Depuis ses débuts, le TPI a été le bras juridique des puissances de l’OTAN qui l’ont créé, financé, utilisé comme instrument de police et d’information, et qui ont bénéficié en retour des services qu’elles en attendaient. Le TPI s’est fortement concentré sur Srebrenica et a rassemblé des confirmations importantes et prétendument indépendantes de la réalité du massacre avec des affirmations de « génocide » planifié « utilisables en justice ».
Les Nations unies se sont moins impliquées dans les exigences des puissances de l’OTAN, mais leur ont fait écho et, dans l’affaire de Srebrenica, ont pris les positions voulues par les États-Unis et leurs alliés.
L’intérêt politique du massacre de Srebrenica ne prouve pas forcément que le récit de l’establishment soit erroné. Mais il implique la nécessité d’être prudent et de se méfier des falsifications et des affirmations exagérées. Cette vigilance a totalement fait défaut aux comptes rendus de Srebrenica faits par les mass-médias.
2. Le mensonge incessant avant et après Srebrenica
À chaque étape du démantèlement de la Yougoslavie et de son nettoyage ethnique, comme avant et pendant la guerre de l’OTAN pour la province serbe du Kosovo en 1999, les mensonges de propagande ont joué un rôle très important dans le soutien du conflit et la justification des intrerventions antiserbes. Il y a eu des mensonges par omission et des mensonges qui ont propagé des informations et des impressions fausses. Un des plus graves mensonges par omission a été la présentation systématique du comportement criminel comme une spécificité serbe, sans ajouter qu’il caractérisait aussi les musulmans et les Croates, pour ne pas parler de l’ensemble du conflit. Cas après cas, les médias ont décrit les offensives et les atrocités serbes, sans mentionner les attaques préalables lancées contre les Serbes dans les mêmes villes, faisant ainsi passer les ripostes serbes pour des actions non provoquées d’agression et de barbarie.
Cela a été évident dès le début des affrontements sérieux en 1991, dans la République de Croatie. Dans leur couverture de la ville de Vukovar, par exemple, en Croatie orientale, les médias (et le TPI) se sont exclusivement appesantis sur la prise de la ville, en automne 1991, par l’armée fédérale yougoslave, en ignorant totalement le massacre, au cours du printemps et de l’été précédents, par les troupes de la Garde nationale croate et des paramilitaires, de centaines de Serbes qui vivaient dans le secteur. Selon Raymond K. Kent, “une considérable population serbe de l’importante ville slavone de Vukovar a disparu sans s’être enfuie, en laissant des traces de tortures dans les vieilles catacombes autrichiennes sous la cité, avec des preuves de viols et d’assassinats. Les médias occidentaux, déjà fortement engagés dans la diabolisation des Serbes, a choisi d’ignorer ces faits.” Cette approche tendancieuse et trompeuse était la pratique habituelle des grands médias et du TPI.
D’autres mensonges par omission ont été évidents dans la mise en exergue de camps bosno-serbes de prisonniers comme Omarska, décrits en détail et avec indignation, alors qu’en fait les musulmans et les Croates avaient des camps similaires – à Celebici, Tarcin, Livno, Bradina, Odzak et le camp Zetra à Sarajevo, entre autres – avec des chiffres de prisonniers et des installations comparables, et un traitement pire des prisonniers. Mais à la différence des Serbes, les musulmans et les Croates ont eu recours à des firmes compétentes de relations publiques et ont refusé de laisser inspecter leurs installations – et l’édifice de partialité déjà mis en place faisait que les médias ne s’intéressaient qu’aux camps serbes.
De folles allégations de conditions de détention à la Auschwitz dans les “camps de concentration” serbes ont été reprises par les journalistes de service qui avalaient la propagande diffusée par les autorités musulmanes et croates et leurs employés de relations publiques. Roy Gutman, qui a remporté le prix Pulitzer avec John Burns pour ses reportages en Bosnie en 1993, se fiait presqu’uniquement aux autorités musulmanes et croates, et à des témoins à la crédibilité douteuse et aux affirmations invraisemblables, et il a été une source majeure du bourrage de crâne exagéré, tendancieux et mensonger sur les “camps de concentration”. Le prix Pulitzer de John Burns était basé sur une longue interview de Boris Herak, un prisonnier bosno-serbe qui lui avait été fourni, ainsi qu’à un cinéaste financé par Soros, par les musulmans bosniaques. Quelques années plus tard, Herak a avoué qu’on l’avait forcé à faire sa confession hautement invraisembable et qu’il avait du apprendre par cœur de nombreuses pages de mensonges. Deux de ses prétendues victimes sont apparues plus tard bien vivantes. Dans le reportage sur Herak, John Burns et le New York Times (ainsi que le film financé par Soros) ont omis de mentionner un détail qui aurait ruiné leur crédibilité : Herak accusait aussi l’ex-chef de l’UNPROFOR, le général canadien Lewis MacKenzie, d’avoir violé une jeune musulmane dans un bordel serbe. Ces deux scandaleux prix Pulitzer témoignent de la partialité médiatique qui régnait en 1992 et 1993.
Dans un récent accès de curiosité, au cours d’une visite au mourant Izetbegovic, Bernard Kouchner a interrogé l’ex-chef de l’Etat bosniaque sur les camps de concentration bosno-serbes. Izetbegovic lui a fait le surprenant aveu que l’information sur ces camps avait été grossie dans le but d’obtenir de l’OTAN le bombardement des Serbes. Cette importante confession n’a pas été mentionnée par les médias américains ou anglais.
Un des plus spectaculaires mensonges des années 90 a été celui concernant le camp serbe de Trnopolje, visité par les reporters britanniques d’ITN en août 1992. Ces reporters ont photographié un certain Fikret Alic, le montrant émacié et apparemment enfermé derrière la barrière d’un camp de concentration. En fait, Fikret Alic se trouvait dans un camp de transit, était malade de tuberculose bien avant d’arriver au camp, ne représentait en aucune façon les autres résidents du camp, et est parti peu de temps après en Suède. De plus, la barrière entourait les photographes, pas le photographié. Mais cette photo particulièrement malhonnête, qui a fait la une partout en Occident comme preuve de l’existence d’un Auschwitz serbe, a été dénoncée par les autorités de l’OTAN, et a fourni le fondement de la création du TPI et de sa mission de combattre le mal serbe.