Ainsi Cyril Hanouna accuse-t-il Jean-Michel Aphatie d’antisémitisme larvé, ou au second degré, parce qu’il a écrit « Hanouna visiblement au bord du gaz ». Explication : gaz serait en rapport avec le génocide des juifs et l’association Hanouna-gaz deviendrait alors au mieux une vanne antisémite, au pire une sorte de menace de mort.
Et le tweet antisémite de @jmaphatie "Hanouna visiblement au bord du gaz" ça ne vous dérange pas ? pic.twitter.com/yEVlzu1NTb
— ✨L'observateur✨ ????????????️ ???? (@Lobservateur__) November 8, 2024
Aphatie aurait dû dire « Hanouna au bord de Gaza », les choses auraient été plus simples, et moins dangereuses. Mais aussi moins intéressantes du point de vue du droit.
Car nous sommes en présence d’un cas de droit extrêmement piquant. Certains mots, qui ne sont pas interdits en solo, ne peuvent être associés car ils renverraient à des épisodes cruels ou controversés de l’histoire.
Le problème, c’est qui fait l’association et dans quel but. En l’occurrence, c’est Hanouna qui fait l’association, et qui prête à Aphatie une intention, antisémite pour le coup. Mais le couplage Hanouna-gaz pourrait aussi bien être philosémite, par exemple dans le but de rappeler le triste génocide des juifs de 1941 à 1945.
C’est là où le contexte de l’expression visée intervient : Aphatie a prononcé ces mots, qui ne sont en soi pas interdits, mais dont l’association fait sens selon son adversaire, dans un contexte de critique de l’émission d’Hanouna sur Europe 1. Cela alourdirait le casier de Jean-Michel (Aphatie, pas l’autre).
Revenons rapidement sur les mots et le sens : c’est de la Gestalt théorie, le tout qui est plus que la somme des parties. Mais qui décide du tout ? Hanouna est autorisé, gaz est autorisé, mais Hanouna-gaz semble poser problème à certains.
De la même façon, pendant la révolte des Gilets jaunes, un type s’était fait reprendre de volée par Ruth Elkrief parce qu’il s’était plaint de se faire gazer, lui et ses co-manifestants, par les forces de l’ordre. L’animatrice de BFM TV à l’époque avait sauté sur la phrase et l’impudent pour lui infliger une leçon : on l’a pas le droit d’utiliser le verbe gazer, comprendre qu’il était quasi déposé.
Jeune Gilet : « Nous on reçoit des lacrymos. Est-ce que vous étiez dedans ? »
Rugy : « Ben la place de l’Étoile samedi dernier tout le monde a vu les images, il y a un CRS qui s’est fait poursuivre par un groupe de Gilets jaunes et qui a été tabassé ! »
Vieux Gilet : « À l’inverse monsieur, combien ont été lynchés ? Quand on gaze nos grands-mères, c’est normal qu’on gaze nos grands-mères ? »
Schiappa : « “On gaze nos grands-mères”, mais vous vous rendez compte ? »
Elkrief : « Le mot gazé est assez difficile à utiliser ,hein ! Non non le mot gazé, ce sont des grandes lacrymogènes c’est très désagréable, c’est très désagréable, c’est très désagréable... »
La sortie de Laurence Haïm illustre cette privatisation de concept avec l’exemple de l’expression « crime contre l’humanité » :
Quand Laurence Haim met en garde Macron sur le lobby sionniste sur le "monopole" du mot "crime contre l'humanité" pic.twitter.com/X2tgqCdW4a
— Badubaii (@badubaii) May 9, 2017
Cependant, et sans faire de pilpoul, gaz est aussi en lien avec Nord Stream, avec CRS ou Gazprom. Sans glisser dans l’absurde, certains mots sont liés, comme Gaulois et ancêtres, mais cela ne fait pas d’eux des prisonniers. Gaz doit être libéré, surtout depuis qu’il y a Gaza.