Une dizaine de bâtiments vides étaient en flamme dimanche soir dans le centre d’Athènes, incendiés pour la plupart par des jets de cocktails molotov en marge des manifestations anti-austérité, ont indiqué les pompiers.
"Une dizaine de bâtiments sont en flammes, dont la plupart par des cocktails Molotov", a indiqué à l’AFP Nikolaos Tsongas, porte-parole des pompiers selon lequel les véhicules de pompiers ne peuvent pas s’approcher des lieux des sinistres en raison du nombre de gens dans les rues.
Dans la rue Stadiou, un bâtiment d’un étage, siège d’un magasin de cristaux de luxe et le cinéma voisin brulaient encore vers 19H45 GMT malgré l’intervention de deux brigades de pompiers, a constaté un journaliste de l’AFP. Le magasin à l’enseigne Kosta Boda, voisin d’un cinéma, brûlait depuis une heure lorsque les pompiers sont arrivés vers 19H00 GMT.
Le toit en céramiques s’est effondré, les flammes passant au dessus et gagnant le cinéma Attikon, un des plus connus de la ville.
Dans la soirée, la rue Stadiou où se trouve le magasin en feu et le cinéma, qui part de la place Syntagma, a été le théâtre d’affrontements entre la police et des groupes de manifestants. Le sol de la rue est jonché de bouts de marbre utilisés comme munitions par les manifestants.
Premiers incidents dès l’après-midi
Les premiers incidents ont éclaté quand des groupes de contestataires ont fait pression sur un cordon des forces anti-émeutes devant l’esplanade du soldat inconnu, en contrebas du parlement, selon les images en direct du site internet Zougla.
Près d’une heure après le début du rassemblement, à 18H00 heure locale (16H00 GMT), la police évaluait le nombre des manifestants à quelque 25 000. Une estimation pouvant laisser augurer, si l’afflux se poursuivait, d’une très importante mobilisation rappelant celle des grands sursauts contestataires de juin et octobre, lorsque 50 000 à 100 000 personnes s’étaient massées sur la place Syntagma.
En début de soirée, on estimait, toujours de source policière, qu’environ 80 000 personnes ont manifesté à Athènes et 20 000 à Salonique.
Dans la foule, repliée sur le bas de la place, les syndicalistes côtoyaient jeunes aux cheveux ras brandissant des drapeaux grecs, militants communistes et sympathisants d’extrême gauche, dont beaucoup portaient des masques pour se protéger des gaz irritants.
"Un vote crucial, l’un des plus difficiles de l’histoire"
Le président du parti de droite Nouvelle Démocratie, Antonis Samaras, a appelé dimanche les députés grecs à voter en faveur du paquet d’austérité, malgré les violentes contestations qui embrasent les rues d’Athènes.
"Le vote est déterminant et crucial, c’est l’un des plus difficiles de l’histoire" a dit M. Samaras à la tribune du Parlement, devant lequel des affrontements sporadiques entre manifestants anti-austérité et forces de l’ordre se poursuivaient dimanche soir.
La Nouvelle Démocratie est le seul participant à la coalition gouvernementale aux côtés du Pasok (parti socialiste) après le retrait du Laos (extrême-droite), vendredi, en réaction aux mesures.
Le premier mémorandum d’accord entre la Grèce et ses créanciers (UE et FMI) en mai 2010 était une "recette erronée" a dit M. Samaras.
En mai 2010, un premier mémorandum d’accord entre la Grèce et ses créanciers (UE et FMI) accordait à la Grèce un premier prêt de 110 milliards d’euros en échange de mesures d’austérité et d’assainissement budgétaire. Il a contribué à sauver la Grèce de la faillite jusqu’à présent et à maintenir le pays dans la zone euro, mais sur le plan intérieur, il a aussi débouché sur une aggravation de la situation économique.
"Mais actuellement la dette n’est pas viable, et aujourd’hui notre maintien dans la zone euro est mis en cause, nous sommes menacés de faillite", a-t-il ajouté.
"S’il y a une banqueroute incontrôlée, nous allons vivre dans la terreur, pour éviter le gouffre, je vous appelle à voter le nouveau prêt et changer les politiques actuelles, mais pour changer il faut éviter le gouffre et assurer la survie du pays" a-t-il dit.
Le ministre des Finances brandit le spectre d’une "faillite" du pays
A l’intérieur du parlement, dont les abords étaient gardés par quelque 3000 policiers, les discussions battaient leur plein, marquées par de fréquents incidents de séance entre les rangs gouvernementaux et l’opposition de gauche.
"D’ici à dimanche soir, le parlement doit avoir adopté" le nouveau programme de redressement, sous peine sinon d’une "faillite" de la Grèce, a lancé, visiblement tendu, le ministre des Finances, Evangélos Vénizélos.
Il a souligné que l’Eurogroupe, qui pourrait se réunir mercredi, réclamait cet aval en préalable au déblocage du deuxième plan de sauvetage du pays, combinant renflouement via des prêts publics de 130 milliards d’euros et désendettement via l’effacement de 100 milliards d’euros de créances.
Le pays espère entamer cette dernière opération avec ses créanciers privés d’ici au 17 février, a précisé M. Vénizélos. Le représentant des créanciers privés, Charles Dallara, a lui aussi appelé les députés à voter oui, et prévenu que la Grèce n’avait plus une minute à perdre, dans un entretien avec le quotidien Kathimérini.
Pour le Premier ministre, c’est le plan de sauvetage ou le "chaos"
Le Premier ministre Lucas Papademos avait aussi averti samedi que la Grèce jouait sa survie financière et son maintien dans l’euro, pour empêcher le "chaos".
Son gouvernement de coalition socialiste-conservateur dispose d’une majorité théorique de 236 députés sur 300, qui pourrait être réduite par une vingtaine de dissidences annoncées ou présumées, mais sans qu’un rejet ne soit dans l’immédiat jugé probable.
Sans cet aval, la Grèce n’a aucune chance de recevoir le moindre centime d’aide pour éviter un défaut de paiement incontrôlé en mars, à l’échéance de créances de 14,5 milliards d’euros.
Les dirigeants socialistes, Georges Papandréou, et conservateur, Antonis Samaras, ont également prévenu leurs députés que tout écart vaudrait exclusion, à un moment où la dureté de la cure prescrite craquelle le système politique.
Le plan ouvre notamment la voie à une chute brutale des salaires dans le privé censée redonner de la compétitivité au pays.
Pour les syndicats on creuse le "tombeau de la société"
La Grèce "à l’heure du jugement", titrait Kathimérini, tandis que To Vima (centre-gauche) estimait que le pays était secoué par un "séisme" mettant "politique, économie et société en morceaux".
Les syndicats ont jugé que ce plan faisait le "tombeau de la société", tandis que la gauche communiste et radicale a réitéré au parlement sa demande d’élections immédiates, considérant que la Grèce n’a rien à perdre à mettre ses créanciers au défi de la lâcher.
Entravée par le débrayage des transports, la mobilisation avait été limitée à l’occasion des premières manifestations qui ont rassemblé jusqu’à 20.000 personnes en marge de grèves générales mardi, puis vendredi et samedi.
Les députés devront se prononcer pour un texte qui prévoit notamment un abaissement de 22% du salaire minimum, ramené à 586 euros brut sur 14 mois, la suppression dans l’année de 15 000 emplois publics et de nouvelles coupes dans certaines retraites.
Le vote portera aussi sur les modalités du programme d’échange d’obligations avec les créanciers privés pour réduire la dette souveraine à 120% du PIB d’ici à 2020, ainsi que sur le schéma de recapitalisation des banques grecques.
L’accord gouvernemental affiché jeudi sur ce plan s’est vite fissuré, avec la démission dès le lendemain de six membres du gouvernement : deux socialistes et quatre cadres de la formation d’extrême droite Laos, qui avait rallié en novembre le gouvernement de coalition.