Bégaudeau : La ligature qui est au cœur de la pensée clouscardienne, à savoir entre libertaire et libéral, je la trouve tout à fait indue. C’est-à-dire qu’on commence par dire que finalement les libertaires sont des complices objectifs du libéralisme et puis finalement on finit par bazarder l’esprit libertaire en soi-même et on se retrouve en penseur autoritaire.
L’étincelle : Qui a été repris par Soral notamment.
Bégaudeau : Voilà, par exemple. Même si Clouscard a dit qu’l ne reconnaissait pas cette filiation chez Soral, il l’a dit vers la fin de sa vie – ça leur appartient ce débat –, mais moi je pense que on a aussi parfois les continuateurs qu’on mérite.
Pourtant, Milei existe. Milei est le nouveau président argentin, le plus pur exemple de fusion entre le libéral – on devrait même dire l’ultra libéral – et le libertaire. Il fait le lien entre la droite – on devrait même dire l’extrême droite – du travail et l’extrême gauche des valeurs, puisqu’il s’est déclaré en faveur de la vente d’organes !
Son programme lui ressemble : complètement dingo. Un mondialiste à la solde du FMI et des États-Unis, un anti-Chavez défoncé à la coke. Le bateau Argentina va entrer dans une zone de turbulences inédites.
La force de Clouscard, c’est d’avoir vu et conceptualisé, juste après Mai 68, l’évolution du capitalisme, celui du désir. Un demi-siècle plus tard, on nage en plein dedans : Macron applique d’une main les consignes ultralibérales de l’idéologie mondialiste, incarnée par l’axe Schwab-Soros-Gates, de l’autre côté il incarne la licence des mœurs, le féminisme, l’homosexualisme, l’amour transgénérationnel, et il veut sa loi sur l’euthanasie.
De toute façon, la fin de vie forcée a déjà été appliquée, et à grande échelle, en 2020 dans les Ehpad, avec 13 000 victimes de mars à mai. C’est un avant-goût de ce qui nous attend, dans la France dystopique des années 2030-2050. Tout ça sent le dépeuplement (ou le remplacement des autochtones par des migrants) à bas bruit, l’élimination ou la stérilisation du segment de population qui ne servira plus à rien, mis sur la touche par la paupérisation, l’IA et la robotisation. Pour ces relégués au ban de la start-up nation, ce sera l’esclavage ou la mort.
Le RU – revenu universel – sert à faire croire à ces ultralibéralisés qu’on va les garder en vie ! En vérité, la mort sociale précède la mort physique : on roule en TGV vers le Soleil vert, d’abord en bouffant des insectes, ensuite de l’homme, comme les rugbymen uruguayens du crash dans les Andes. Et bonjour les maladies de la femme folle !
C’est l’assassinat des valeurs chrétiennes, dites de droite, même si la solidarité – ou l’amour du prochain – est plutôt de gauche. On a l’impression de vivre dans une émission de télé-réalité où 12 (comme par hasard) putes des deux sexes se bouffent les unes les autres, au sens propre et au sens figuré, 12 zombies sans cerveau mais hypersexualisés, mus par leur seul égocentrisme, sans aucune considération pour le collectif.
Au moins, Gladiator avait compris que la survie passait par la solidarité entre bannis.
Tout ça pour dire que Bégaudeau se voile la face. Partant de Clouscard, le penseur anti-bourgeois (lire à ce propos le chapitre consacré à la véritable « bourgeoisie » dans le livre de Pierre de Brague) en arrive naturellement à Soral, qu’il conchie allègrement, et en qui il ne voit pas l’héritier de Clouscard.
L’émission entière de L’Étincelle sur « L’amour et les mots du capitalisme »
La séquence Soral commence à 18’35.