« Les Valseuses ! C’était notre bohème à nous, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Qu’est-ce qu’on a pu faire chier Bertrand sur ce coup. On ne dormait pas, on débarquait au petit matin sur le plateau avec des têtes de noceurs, de débauchés. On était heureux comme des cons, comme des enfants faisant l’école buissonnière. C’était de la grande voyoucratie, un mélange d’inconscience et d’insouciance. On piquait la D.S. et en avant la corrida nocturne. C’étaient de drôles de nuits. » (Gérard Depardieu, Monstre)
Laure est une comédienne peu connue du grand public. Elle joue une assistante de casting hystérique dans la série Dix pour cent. Elle nous explique sur RTL que Depardieu, qui la dépasse de dix têtes, est « choquant », surtout avec son rapprochement de Poutine. Laure, à elle toute seule, résume le cinéma français et le niveau de ses comédiennes.
Gérard #Depardieu « n’est plus une fierté », estime l’actrice #LaureCalamy dans #RTLBonsoir ! pic.twitter.com/rg8jEgKaDr
— RTL France (@RTLFrance) January 3, 2024
Les Valseuses vont fêter leurs 50 ans. Le film de Bertrand Blier qui a révélé Depardieu et Dewaere est sorti en 1974. Dans son autobiographie intitulée Monstre, Depardieu écrit :
« On parle du harcèlement sexuel, mais tout est devenu harcèlement – le politique, les médias, la société, cette information lancinante. Ça parle trop. Trop de mots pour être honnête. C’est vraiment la persécution. Pour ne pas dire l’occupation. On est comme des bœufs devant ce train qui passe et repasse. Muets, muets de stupeur. Non seulement nous n’avons plus aucune réponse, mais il devient même de plus en plus difficile de trouver des questions. À force de recevoir sans cesse ces coups venus d’ailleurs, la santé mentale est atteinte, on finirait presque par se résumer à la merde que l’on fait le matin. Je sens bien que les gens sont cassés, violés par tout ça, leur cerveau est de moins en moins oxygéné. Face à cette agression permanente, ils se renferment, s’éloignent de la vie. »
En juillet 1982, Dewaere se met un coup de fusil dans la bouche. Wikipédia raconte la dernière scène :
Le matin du 16 juillet 1982, Dewaere participe à des essais d’Édith et Marcel tournés en vidéo légère par Claude Lelouch au bois de Boulogne avec Évelyne Bouix, qui joue le rôle d’Édith Piaf. Un événement étrange est alors relaté par l’actrice. Alors qu’ils sont en barque au milieu d’un petit lac pour une séance photo, l’actrice se rend compte que, parmi les rares visiteurs du bois, quelqu’un utilise un petit miroir pour jouer avec le reflet du soleil sur leur visage. Déstabilisé, Dewaere dit à sa partenaire qu’il « ne faut pas faire cela parce que cela porte malheur » et il répète cette phrase sans arrêt à Évelyne Bouix. Lors de ces séances préparatoires, Dewaere exécute ce que demande Lelouch et ceux qui relatent plus tard ces instants déclarent que son visage affiche un étrange sourire. Après ces quelques prises de vues, l’acteur déjeune avec le metteur en scène. Claude Lelouch se souvient qu’au cours du repas, Dewaere s’isole quelques minutes pour téléphoner. Après le repas, il est conduit en voiture par l’acteur Charles Gérard, qui doit l’accompagner jusqu’à la salle d’entraînement de boxe mais Patrick Dewaere lui annonce qu’il veut repasser chez lui d’abord. Il se rend donc à son domicile de l’impasse du Moulin-Vert ; il est alors environ 15 heures. Peu après, il met fin à ses jours en se tirant une balle dans la bouche devant le miroir de sa chambre avec une carabine 22 Long Rifle offerte par Coluche.
Quarante ans plus tard, au tour de Depardieu, flingué par la meute féministe. Le temps des monstres sacrés est terminé, place aux comédiennes féministes, à Laure Calamy et Muriel Robin. On va bien s’amuser. Léna Lutaud, l’excellente journaliste people du Figaro (on espère que cet hommage ne va pas nuire à sa carrière), a fait le tour du cinéma français en 2023. Elle interroge Richard Patry, le patron de la Fédération des cinémas français. Malgré la baisse de fréquentation (un tiers des films français ne font pas d’entrées), et la médiocrité générale des films français, il se console par rapport à ses voisins européens :
La diversité et la qualité de notre cinématographie nationale permettent aux films français de représenter 40 % des entrées contre 25 % en Espagne, 20 % en Allemagne et 15 % en Italie.
Si Patry s’apesantit sur les succès de la bande à Fifi (Lacheau), il oublie le petit carton du moment, Les Segpa au ski, qui fait beaucoup parler, mais dans la rubrique Faits divers, c’est-à-dire Racailles.
Voici la bande annonce du film "Les SEGPA au ski". C'est vraiment un film de cassos pour cassos. Il faudrait castrer chimiquement les débiles qui vont voir ce film.
Il faut arrêter de financer des films de merde de ce genre. Le cinéma, ça doit être de belles images avec de beaux… pic.twitter.com/HELaNG2ktf
— Kim Jong Un ᵖᵃʳᵒᵈⁱᵉ (@KimJongUnique) December 28, 2023
"Les segpa au ski " - Débordements et altercations dans plusieurs salles de cinéma :
@Joelle_dago : "Cette génération se challenge" #GGRMC #lessegpaauski pic.twitter.com/zAtHszWw0F
— Les Grandes Gueules (@GG_RMC) January 3, 2024
On reste dans la jeunesse, car Patry évoque le succès « inattendu » de certains films.
Lutaud : Le Consentement, Le Règne animal … Plusieurs films ont suscité un engouement inattendu chez les jeunes...
Patry : Ces phénomènes sont totalement spontanés. Ils échappent à toute rationalité et à toute prévision. Les jeunes ont été profondément touchés et ont décidé de s’emparer de ces films. Le rôle des réseaux sociaux a été très important. Dans le cas du Consentement , il y a eu des « challenges » sur TikTok. Des jeunes filles se sont filmées émues avant, puis très émues après la séance. C’est devenu un « trend ».
C’est exactement le cas des Segpa, mais pas dans le sens que Patry attendait. Inversement, beaucoup de succès annoncés et fortement promus se sont lourdement plantés. Patry s’en sort sur une question perfide...
Camélia Jordana dit que si personne n’est allé voir son film Avant que les flammes ne s’éteignent sur la famille Traoré, c’est à cause de la fachosphère ?
Encore une fois, la polémique n’aide pas. Je suis désolé pour Camélia Jordana , mais il ne faut pas tout vouloir expliquer. La fréquentation est une affaire de désir entre une personne et une proposition culturelle.
Et maintenant, deuxième question perfide de Lutaud, avec un pâté de Patry qui va faire plaisir à Yan d’ERFM.
Le Collectif 50-50 dénonce toujours le manque d’acteurs issus de la diversité et de rôles pour les actrices de plus de 40 ans. Qu’en pensez-vous ?
Il suffit de voir les affiches et les génériques. Les producteurs et les agents ont fait énormément de progrès. Le grand public a découvert Eye Haïdara dans Le Sens de la fête. Depuis, entre Les Femmes du square et Monsieur le Maire, elle est très demandée. Exactement comme le sont Ahmed Sylla, Claudia Tagbo, Jean-Pascal Zadi, Malik Frikah, Karim Leklou, Stéfi Celma, Pascal N’Zonzi, Dioucounda Koma, Oumar Diaw. Comme leurs aînés, Tahar Rahim, Roshdy Zem, Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Reda Kateb, Omar Sy, tous vont se retrouver en haut des affiches et briller à l’international. Chez les cinéastes, c’est pareil. Cette année, la Palme d’or a récompensé une réalisatrice. Les producteurs font confiance à des cinéastes français d’origine maghrébine comme Mohamed Hamidi et Ladj Ly. En 2024, Mehdi Idir présentera le biopic Monsieur Aznavour, avec son coréalisateur de Grand Corps Malade. Le renouvellement est là. Que les militants veuillent toujours davantage, c’est normal.
Peut-on dire qu’il y a un manque de diversité dans les salles qui projettent les Segpa ? Pour ceux qui disent que c’est de la merde, dans le genre potache, on a quand même eu les films de Max Pécas ou, plus près de nous, de Gastambide avec Pattaya, par exemple, un film pour racailles en Thaïlande...