Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Coca-Cola, du plomb dans le gaz en Colombie

La célèbre multinationale américaine a tenté d’interdire la diffusion d’un film documentaire dénonçant ses pratiques sociales en Colombie, voire son implication dans le meurtre de plusieurs syndicalistes.

"Je n’en reviens toujours pas." Vincent Mercier, président du Festival international du film des droits de l’homme à Paris a eu les honneurs d’une lettre signée Coca-Cola. La firme gazeuse le menace de poursuites judiciaires s’il diffusait un film documentaire, "L’Affaire Coca-Cola", programmé en ouverture le 9 mars prochain. Un film de 85 minutes qui pointe une éventuelle complicité de la multinationale dans le meurtre de huit syndicalistes colombiens dans les années 90.

« La liberté d’expression donne le droit de diffuser ce film en France. Je ne comprends pas la démarche de Coca dans sa mise en demeure. » Pas franchement étonnant, selon l’ancien secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) – et néanmoins avocat de Bakchich –, William Bourdon, qui s’est chargé de renvoyer l’entreprise d’Atlanta dans les cordes. « C’est une technique assez courante des multinationales de sortir les muscles sur rien pour faire taire les gens. C’est ce que j’appelle la technique du scorpion. On cherche à paralyser le mouvement par des menaces comme un scorpion qui empoisonne sa proie. »

La mise en cause d’Ed Potter, le responsable monde des relations au travail de la firme, a particulièrement fait monter les bulles de la world company. Dans le film, sont dévoilées des négociations secrètes entre Ed Potter et les défenseurs des syndicalistes colombiens. Tractations qui résonnent comme un premier pas vers la reconnaissance d’une responsabilité de Coca dans ces meurtres au pays de la coca. Les baveux américains s’appuient sur cette confidentialité pour interdire le film. « Sauf qu’aucun accord sous seing privé n’a été produit, explique Bourdon, et qu’un livre paru en 2008, Belching out the devil, a déjà dévoilé le contenu de ces entretiens ».

L’IMAGE DE COCA PREND UN SACRÉ COUP

Depuis 1986, 4 000 syndicalistes ont été assassinés en Colombie. Cinq cas seulement ont fait l’objet de poursuites. Au pays du président Uribe, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un contestataire doit se faire discret ou subir les foudres des paramilitaires. Les multinationales en auraient-elles profité pour anéantir tout mouvement syndical, jusqu’à commanditer des assassinats ? Le géant américain des bananes Chiquita a avoué avoir eu recours aux services des AUC, ces milices d’extrême droite connues pour avoir fait régner la terreur. Les exploitants des mines Drummond sont, eux aussi, soupçonnés d’avoir assassiné des syndicalistes.

Et ainsi Coca-Cola. Dans le film, un témoin explique : « Mon frère, leader syndical, a été assassiné alors qu’il était en train de négocier la convention collective qui arrivait à échéance. Leur réponse a été de l’assassiner. »***