Entretien avec Youssef Hindi réalisé par Nicolas Gauthier le 10 novembre 2015.
À en croire votre livre, Occident et Islam [1]), le choc des civilisations théorisé par les néo-conservateurs américains, ne serait finalement qu’un leurre. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’expose, sur la base de mes recherches historiques, que ce « choc » est en réalité une stratégie élaborée par un kabbaliste du nom de Solomon Molcho – suivant les interprétations rabbiniques et eschatologiques de la Bible – qui, au XVIe siècle, a tenté de lancer l’Église puis le Saint-Empire romain germanique, dans une guerre contre l’Empire ottoman, afin d’expulser ce dernier de Palestine et y reconstruire le royaume d’Israël.
Au XXe siècle, en 1957, Bernard Lewis, le maître de Samuel Huntington, « laïcisera » cette stratégie messianique en lui donnant un habillage scientifique pour l’ériger ainsi en théorie. Lewis, en digne héritier de Molcho, dans l’optique de guerres entre le monde (post)chrétien et le monde musulman, décrète alors que ces deux grandes religions seraient ontologiquement vouées à s’affronter.
Ce Choc des civilisations fabriqué de toute pièce n’est au fond que le faux nez de ce que j’appelle « un choc idéologique mondial » opposant le monde vétérotestamentaire – recouvrant le bloc anglo-thalassocratique, ses vassaux anciennement catholiques du Vieux continent, les pétromonarchies wahhabites et Israël – au reste de l’Humanité.
On évoque à juste titre le sort fait aux chrétiens d’Orient par les islamistes. Pourtant, l’amitié islamo-catholique n’est-elle pas aussi vieille que… l’islam ?
Il faut tout de même préciser que les chrétiens d’Orient subissent le même sort que les autres minorités et les musulmans, qu’ils soient sunnites, chiites ou autres. Les populations victimes en Orient et en Afrique font face à l’ultime avatar du wahhabisme : le terrorisme takfiri.
Dès la première constitution musulmane, celle de la Cité-État de Médine, puis durant l’expansion musulmane dans la Péninsule arabique, le Prophète a assuré, sur le plan juridique, la protection de toutes les minorités, y compris et surtout les chrétiens. Je renvoie par exemple aux pactes de protection accordés par le Prophète aux chrétiens de Nadjran ou au Monastère de Sainte-Catherine, où il promettait avec une grande insistance et en engageant tous les musulmans, protection à toutes les sectes chrétiennes se trouvant en terre musulmane et ce jusqu’à la fin du monde.