La délation se porte bien. Il y a quelques mois, je vous faisais découvrir le site Fafwatch, spécialisé dans la dénonciation individuelle de personnes que le site estime être fascistes.
Fafwatch a maintenant un petit frère, né le 20 septembre 2011 : il s’appelle Copwatch, et il se spécialise dans la dénonciation de bavures policières supposées, dans la révélation des coordonnées personnelles des policiers (450 noms et photos), et dans le commentaire diffamatoire.
La page d’accueil prévient : « Policiers, nous vous identifierons tous un à un. Que votre impunité trouve une fin. »
Il s’agirait d’un genre de site très répandu aux Etats-Unis.
Le logo du site montre des silhouettes de policiers, casquette sur la tête et matraque à la main, en train de frapper un homme à terre sous le regard impassible de plusieurs de leurs collègues.
Le ministre de l’Intérieur tente de faire fermer Copwatch par voie de référé.
Le site Copwatch (pour être complet dans la désignation : Copwatch Nord-IDF) a fait l’objet d’une enquête très fouillée ayant produit plusieurs articles dans Le Parisien du 30 septembre, édition papier et partiellement édition électronique.
Des moyens considérables
Copwatch Nord-IDF n’est pas le premier à pratiquer le "copwatching" ni à utiliser le mot. Cette activité existait déjà, quoique de façon moins systématique, sur un site comme Indymédia (ultra-gauche), contre lequel Brice Hortefeux avait porté plainte à la demande des syndicats de policiers.
Ce qui frappe d’abord, c’est les moyens que l’on devine derrière ce site : 450 photos environ ; des noms ; des adresses ; une connaissance fine de la machine policière qui fait dire à un haut fonctionnaire :
« La terminologie employée ainsi que les précisions apportées sur les différentes unités amènent à penser qu’il s’agit de gens très bien renseignés. Nous avons probablement affaire à des gens proches de l’extrême gauche et du courant libertaire. »
Un porte-parole de Copwatch Nord-IDF a répondu aux questions du site d’informations Owni. La base de données de Lille, a demandé des années d’investigation : « Nous avons filmé sur le terrain, fait des filatures à la sortie des commissariats et épluché les procès-verbaux des copains passés en garde à vue. » Les membres du site ont « décortiqué » tous les reportages traitant des brigades d’intervention diffusés durant les six derniers mois en prenant soin d’enregistrer les visages des fonctionnaires qui apparaissaient à l’écran. Ils se sont servis de réseaux sociaux, devenant amis avec des policiers sans que ces derniers le sachent. De cette façon, ils ont pu « voir toute leur vie, leurs amis ».
Des corbeaux bien dissimulés
Qui se cache derrière le site ? Le Parisien a remonté une partie de la piste sans toutefois en atteindre l’extrémité :
- le seul lien entre le site et son lecteur est une adresse e-mail
- le site a été créé le 20 septembre par l’intermédiaire d’une interface qui ne nécessite aucune information personne
- l’adresse web a été achetée directement en ligne auprès d’un vendeur de noms de domaine ayant pignon sur rue ; pour ce faire, certains champs ont été remplis de façon fantaisiste
- l’IP de l’ordinateur est brouillé
- l’hébergeur de Copwatch Nord-IDFest une société baptisée RiseUp.net (Révoltez-vous), qui se trouve à Seattle (Etats-Unis). Ce prestataire est connu pour héberger des sites d’activistes de l’ultragauche à travers le monde, garantissant l’anonymat complet de ses clients grâce à des leurres numériques.
Seul point positif : le site peut être aisément fermé si la justice le décide.
Le but recherché est la centralisation de l’information "anti-flic" :
« Désormais, il ne sera plus question de quelques photos publiées […] sur des sites dispersés, mais une mise en commun de dizaines de témoignages et d’images permettant d’avoir une vue d’ensemble des pratiques policières, poursuivent-ils sur la page d’accueil de leur site. Les informations qui nous seront communiquées seront vérifiées scrupuleusement et confrontées à d’autres témoignages si nécessaire avant d’être diffusées. »
Est-ce légal ?
A la question de savoir si ce genre de site est légal, l’avocate Anne-Laure Compoint, dans le Parisien, apporte une réponse nuancée : il n’est pas interdit en soi de filmer un policier en opération, mais les commentaires et la mise en scène peuvent constituer une diffamation.
Les différents syndicats concernés incitent les policiers exposés à porter plainte.
Et le simple citoyen ?
Si les policiers victimes de ces procédés finissent (enfin !) par obtenir quelque soutien des autorités, il reste que le simple citoyen aurait droit lui aussi à être protégé de telles intrusions et diffamations.
Car ce simple citoyen risque lui aussi la chasse aux sorcières s’il est considéré comme "fasciste" selon les critères aussi larges qu’approximatifs d’Indymedia et sites du même tonneau.
Nous avions déjà consacré un article (rappel plus haut) au site Fafwatch.
Délateurs islamistes
Ce genre de délation est également pratiqué par les islamistes. Ainsi, le site Forzanne Alizza (relayé avec caviardage des données d’identité par Fdesouche) a pu écrire, a propos d’un homme qui avait arraché un niqab :
"Nous recherchons des frères dans le 92 pour corriger cet homme et sa fille de sorte qu’ils ne s’en remettent pas ; cette soeur a besoin de vous ; appel à tous les jeunes des cités pour rechercher et éclater la tête de ces deux mécréants. Voici les coordonnées de cet islamophe."
Le site L’islam en France a lui aussi essayé de faire rechercher deux fonctionnaires (police et douane) qui avaient contrôlé une niqabée à l’aéroport, mais, heureusement, il n’avait pas leurs coordonnées. Le site donna quand même une description physique des "criminels" (sic).
Indimédia traque de faux nazis en Suisse
Voici un autre exemple de chasse aux sorcières, cette fois-ci en Suisse :
Le journal Le matin.ch du 9 juillet 2008 a publié un article intitulé : "Accusée à tort de nazisme, elle crie son ras-le-bol." Il s’agit d’une simple citoyenne suisse qui subit toutes sortes de désagréments depuis que le site de délation l’a confondue avec une autre peronne, condamnée pour négationnisme.
Sous le titre "On va tous vous chopper", Indymedia avait publié les photos de 241 sympathisants du parti nationaliste suisse (PNOS) aperçus lors d’une réunion à Sempach, avec noms et adresses quand ils les connaissaient.
En croyant publier, sous sa photo, les coordonnées de Mariette Paschoud, une prof vaudoise condamnée pour négationnisme dans les années 1980, les autonomes ont livré en pâture celles d’une homonyme. Et elle n’est pas seule dans son cas : une troisième dame Paschoud a subi les mêmes foudres :
« Une autre dame de la région avait, elle aussi, le même nom. Elle a déménagé et depuis c’est moi qui trinque. Parfois, je regrette d’avoir gardé mon nom de jeune fille. »
Deux poids deux mesures
L’affaire suisse est d’autant plus piquante que les mêmes cercles d’extrème-gauche avaient fait tout un scandale, en 2003, quand la police avait publié sur le net la photo d’un altermondialiste.
En France, il ne se passe pas un jour sans que des officines bien-pensantes s’insurgent contre les caméras de surveillance qui pourraient surprendre des délinquants.
La "vie privée" des délinquants en pleine action est sacrée.
Il n’y a que les honnêtes gens qui s’exposent à voir leur photo, leur nom et leur adresse divulgués sur le net au profeit potentiel de n’importe quel "vengeur" déséquilibré.