Assistons-nous à la fin du règne des principes philosophiques occidentaux mortifères qui, depuis trois décennies, tuent l’Afrique à petit feu ? Trois exemples peuvent le laisser penser :
1) La Somalie est en guerre depuis 1991 après que, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, la communauté internationale eut laissé certaines tribus chasser du pouvoir le général Syad Barré, autocrate certes, mais seul capable de maintenir l’unité de ce conglomérat de clans baptisé Etat somalien. Depuis, tout a été tenté pour y rétablir la paix : interventions militaires directes puis indirectes des Etats-Unis suivies de celles de l’ONU, de l’Ethiopie, des Etats africains, puis enfin du Kenya. Rien n’y fit véritablement. Jusqu’au jour où, localement et sans l’intervention de BHL ou du docteur Kouchner, il fut décidé de reprendre le problème à l’origine et de demander aux chefs coutumiers de tenter de le régler, ce qui passait par la répudiation de l’impératif occidental de démocratie individualiste basée sur le « one man, one vote ». Les chefs se sont donc réunis, ils ont longuement palabré et ont finalement désigné une assemblée constituante reflétant les véritables rapports de force sociopolitiques du pays. Loin des constructions partisanes voulant copier le « modèle » occidental. Ces députés nommés doivent élire le nouveau chef de l’Etat le 8 septembre. Rien ne permet naturellement de dire que le retour à la paix est assuré. Loin de là ! Mais une première tentative sérieuse vient enfin d’être faite dans ce sens.
2) Un autre pays qui était au bord de l’éclatement est également sorti d’un atroce conflit grâce à la reconnaissance du réel ethnique. Il s’agit de l’Ethiopie où c’est désormais d’Etat-ethnique qu’il faut parler puisque le préambule de la Constitution contient la phrase suivante : « Nous, les Nations, les Nationalités, et les Peuples d’Ethiopie. » La Constitution place ainsi sur un pied d’égalité les différentes composantes nationales éthiopiennes. Nonobstant leur poids démographique, donc l’ethno mathématique démocratique, ces peuples disposent tous de leur territoire et se voient reconnaître le droit de promouvoir leur culture et leur langue. Le pays est découpé en plusieurs régions, certaines mono ethniques, d’autres engerbant plusieurs « petites » ethnies. Les conditions de la succession du Premier ministre Mélès Zénawi décédé au mois d’août dernier montreront si cette construction aura été durable. Du moins aura-t-elle permis, depuis 1991, d’assurer la paix et de créer les conditions de la renaissance de l’Ethiopie, « gendarme » traditionnel de la sous région sans l’existence duquel la Corne est assurée de sombrer dans l’anarchie.
3) L’indépendance du Sud Soudan en 2011 fut de son côté la reconnaissance de l’impossibilité de faire vivre ensemble des populations racialement différentes et qu’un lourd contentieux lié à l’ancien commerce négrier rendait irréductiblement ennemies.
Ces exemples de retour au réel devraient faire réfléchir ceux qui, aujourd’hui paraissent impuissants et comme tétanisés face à la question malienne et plus généralement sahélienne. Paralysés par les dogmes imposés par le politiquement correct démocratique, ils nient ou refusent de prendre en compte deux grandes réalités qui sont pourtant au cœur du problème régional :
1) Le « rift » racial qui part de la Mauritanie pour s’étendre jusqu’au Soudan et qui sépare des Afrique(s) dites « blanches » d’autres Afrique(s) dites « noires », cassant en deux la plupart des pays sahéliens.
2) Au nom de l’universalisme et de la négation des différences, ils ne veulent pas admettre qu’au Mali, le noeud du problème est l’opposition ethno raciale entre les ethnies du Sud, à commencer par les Bambara qui ont une vieille histoire, les ethnies dites « du fleuve » comme les Songhay qui furent les fondateurs d’un empire glorieux et les populations nordistes, qu’elles soient Maures ou Touareg.
Dans ces conditions, comment peuvent-ils prétendre ramener un semblant de stabilité dans cet immense arc de conflit s’étendant de l’Atlantique à la mer Rouge ?
Au Sahel comme en Somalie ou en Ethiopie et partout ailleurs en Afrique, la solution passe par un urgent retour à ce réel géographique et ethno historique nié par cette curieuse « école africaniste française » qui, depuis un demi siècle, tente de nous persuader que les ethnies sont des créations coloniales…