Alleluiah ! Pour la énième fois, l’euro est sauvé ! Super Mario (NDLR : Mario Draghi - photo ci-contre) et la BCE sont intervenus pour stopper les méchants spéculateurs qui veulent casser l’euro. Mais cette interprétation des faits ne résiste pas une seconde à l’analyse des déclarations du président de la Banque Centrale Européenne.
Une aidée plus limitée qu’il n’y paraît
Bien sûr, les marchés ont répondu très positivement à l’annonce d’hier puisque le CAC 40 a progressé de plus de 3%. Dans un sens, on pourrait croire que ceux qui défendaient la monétisation des dettes souveraines par la BCE ont gagné, mais il faut aller au-delà des grands titres. Deux bémols considérables doivent être soulignés. En effet, il faut souligner que le précédent programme était inconditionnel et portait notamment sur les créances à 10 ans.
Mais après avoir engrangé près de 200 milliards d’euros de créances espagnoles et italiennes, la BCE y met fin et elle annonce des règles du jeu complètement différentes. Tout d’abord, ne sont concernées que les créances de 1 à 3 ans. Ensuite, la BCE n’activera son programme de rachat que si le pays concerné fait appel au FESF ou au MES et se soumettre à ses exigences. En revanche, le programme n’a pas de limite et ces créances ne seront pas considérées comme privilégiées.
En outre, la monétisation ainsi réalisée sera stérilisée pour continuer à lutter contre le fantôme de l’inflation. Bref, tout ceci signifie que la BCE met des conditions extrêmement strictes aux pays qui souhaiteraient avoir son soutien sur les marchés. En effet, il faudra qu’ils passent sous les fourches caudines de la troïka technocratique et, du fait que seules les créances de 1 à 3 ans sont concernées, la laisse sera tenue bien courte du fait du besoin de se refinancer fréquemment.
Un répit limité pour l’euro
Bref, alors que les Etats voient leur souveraineté toujours davantage piétinée par ces technocrates apatrides et irresponsables, les banques gagnent deux douceurs. Les créances rachetées par la BCE ne seront pas considérées comme « senior » et seront traitées comme celles des autres banques (ce qui, il est vrai, facilite aussi le retour sur le marché, contrairement à l’option inverse). Mieux pour les banques, les exigences de collatéraux sont encore allégées pour les titres d’Etat.
Bref, la BCE est devenue la poubelle financière de l’Europe, où les banques peuvent déverser à volonté les titres dont elles ne veulent plus et qui sont invendables sur les marchés, et notamment ceux des dettes souveraines des pays en difficulté (notamment la Grèce), qui ne seront sans doute remboursés que très partiellement… Il faut dire que Mario Draghi défend son emploi en agissant de la sorte, quitte à créer une immense bombe financière, qui explosera bien un jour.
Mais cette annonce recèle une autre pépite. En effet, la Bundesbank s’est opposée au plan présenté par la BCE, mais elle n’a pas eu gain de cause dans un système où elle n’a pas de droit de veto. Cette nouvelle humiliation pour les grands argentiers allemands provoque un tollé en Allemagne et rappele à nouveau au pays que s’il s’engageait dans plus d’intégration, alors, ses partenaires pourraient lui imposer de payer pour les autres. Autant dire que cela n’a aucune chance.
Joseph Stiglitz a bien raison de s’opposer à l’indépendance des banques centrales. Leur politique peut être aberrante et inhumaine, comme le montre la récente proposition de passer à une semaine de 6 jours en Grèce. Bientôt, le travail des enfants et l’esclavage pour payer les créances des banques ?