Il devait forcément y avoir des journalistes présents au meeting de lancement de la campagne de Nicolas Dupont-Aignan dimanche 22 janvier, puisque la presse a rendu publiques la plupart des propositions du candidat souverainiste.
Sortie de l’euro, (remplacement de la monnaie unique par la monnaie commune), abrogation de la loi Hadopi (et son remplacement par la licence globale donnant accès, pour 5€ par mois, aux téléchargements légaux), rétablissement des frontières, recours au référendum, reconnaissance des votes blancs, sortie de l’Otan, défense des communes et du service public, réquisition de Total…
Nicolas Dupont-Aignan parle un langage clair, l’agricultrice normande venue témoigner de la colère des éleveurs laitiers également, l’ancien compagnon du général de Gaulle l’ambassadeur Maillard, ou le truculent député britannique Nigel Farage, pas moins.
Ce ne sont pourtant pas eux qu’on a vus, puisque tout l’espace médiatique était occupé par l’équipe du « Petit Journal » dont on se demande à quel titre ces gens-là ont une carte de presse. Connaître les motivations des partisans de Nicolas Dupont-Aignan leur semble infiniment moins intéressant que les mettre en difficulté : obtenir un bafouillement, un lapsus, une hésitation bref, tout ce qui permettra de faire rire aux dépens de braves gens sincères qui ont fait, pour beaucoup d’entre eux, des centaines de kilomètres pour soutenir leur candidat.
Pour le « Petit Journal », « Debout la République ! » n’est pas le nom du parti gaulliste, mais le prétexte à un jeu. Tandis que la salle, déjà pleine comme un œuf, patientait en rigolant et en scandant « NDA président ! », un cameraman est monté sur la scène et a proposé à la salle de se lever quand il dirait « Debout ». Vous avez saisi ? Quand il dira « Debout la République », tout le monde sera debout après « Debout ! »
Ouarf ! Kolossale finesse ! Qu’est-ce qu’on se marre ! Apparemment tous les militants de Debout la République ne regardent pas Canal+ et n’ont pas encore saisi l’état d’esprit de ces f… de m…. Et une bonne partie de la salle a accepté de se plier au jeu, sous les sifflements et les hurlements désapprobateurs de l’autre.
L’excellentissime Nigel Farrage a fait son intervention en anglais, secondé évidemment par un traducteur. Or, l’exercice d’un discours sur scène n’autorise pas la traduction simultanée, et l’interprète laissait l’orateur terminer ses phrases avant d’en communiquer l’essentiel au public.
Il se trouve qu’une grande partie de la salle était en mesure de comprendre le député britannique dans le texte, et de savourer en direct ses saillies impayables et si pertinentes contre Van Rompuy, Sarkozy ou Barroso. Assise au balcon non loin de l’équipe de tournage, je faisais partie de ces militants qui riaient et applaudissaient avant la traduction.
Toute à l’exercice difficile de l’attention soutenue que cela demandait, j’ai été perturbée par un remue-ménage venant de ma droite. En tournant la tête j’ai vu qu’un des collaborateurs du « Petit Journal » s’était approché à quatre pattes, sa caméra avec projecteur directement dirigée sur mon visage, et me tendait le micro :
Qu’est-ce qu’il dit ?
Je ne vois que trois hypothèses. Soit ce professionnel, tout à son travail, n’a pas pris le temps de comprendre que la traduction allait arriver et, voyant avec quelle délectation je suivais l’orateur, il venait me demander de l’affranchir. Soit il a voulu, - pourquoi tant de haine ? -, interrompre le plaisir que je prenais.
Soit, dernière supposition, il a supposé que je pourrais mal traduire, ou mieux, être incapable de traduire, et me prendre en flagrant délit de faire semblant de comprendre l’anglais. Et là, franchement, il aurait tenu une info. Une vraie. Une info digne du Petit Journal, petit-petit-petit…
A votre avis ?