Depuis le discours qu’il a prononcé à Prague en avril 2009, l’on sait que le président Obama milite pour « un monde sans armes nucléaires ». A ce titre, il a accordé une importance toute particulière au succès des négociations portant sur le nouveau START (Strategic Arms Reduction Treaty), fixant la taille – revue à la baisse – des arsenaux nucléaires américains et russes.
Le texte de cet accord, signé par les deux parties à Prague en avril 2010, après de longues tractations, avait failli ne pas être ratifié par le Congrès américain, en raison de l’hostilité exprimé à son égard par les élus républicains. Le président Obama avait dû alors consentir des concessions pour faire passer ce traité.
Seulement voilà, la Russie a fait savoir, le 16 mai, par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, qu’elle pourrait abandonner le nouveau START à cause de la poursuite du déploiement du bouclier antimissile américain en Europe, lequel a franchi une nouvelle étape avec un accord récemment passé entre Bucarest et Washington pour l’installation de missiles intercepteurs sur le territoire roumain.
« Comme nous l’avons déclaré à plusieurs reprises, la Russie aura le droit de sortir du traité START si le développement quantitatif et qualitatif du potentiel de défense antimissile américain présente une menace pour les forces russes de dissuasion nucléaire » a ainsi déclaré Sergueï Riabkov, lors d’une réunion au parlement russe concernant la coopération avec l’Otan.
« Nous nous rendons bien compte qu’aucune des deux parties n’a l’intention de développer ses forces stratégiques pour affaiblir le potentiel de l’autre. Cependant, nous n’avons pas assez de garanties pour l’avenir », a-t-il encore ajouté.
Deux jours plus tard, la menace de ne plus appliquer le nouveau START a été réaffirmée par le président russe, Dmitri Medvedev, au cours d’une conférence de presse donnée à Moscou. Ainsi, si Washington continue de déployer son bouclier antimissile en Europe sans y associer Moscou, la Russie devra « prendre des mesures de rétorsion, ce que nous préférerions vraiment éviter. (…) Il s’agirait de développer le potentiel offensif de nos capacités nucléraires. Ce serait un scénario qui nous ferait revenir à l’époque de la guerre froide » a-t-il ajouté.
Le 30 novembre dernier, le président Medvedev avait tenu sensiblement le même discours, sauf qu’il n’avait pas mentionné une éventuelle sortie du nouveau START étant donné qu’il n’avait pas été encore ratifié par la Douma et le Congrès américain à l’époque.
Lors du sommet de l’Otan à Lisbonne, il avait été proposé à la Russie de coopérer à la defense antimissile que l’Alliance atlantique compte mettre en place, en y intégrant notamment le bouclier américain. Ce que le président Medvedev avait accepté, à condition que son pays soit traité en « partenaire ».
Depuis, les discussions entre la Russie et l’Otan au sujet de cette défense antimissile n’ont pas vraiment avancé. Les Russes souhaiteraient y jouer plus important que celui envisagé par l’Alliance atlantique, qui parle d’une coopération basée sur l’échange d’informations et la mise en place de procédures d’alertes mutuelles.
Cette déclaration du président Medvedev, qui reflète donc une position déjà affirmée, est à mettre en relation avec sa mise en doute apparente de la version donnée par les Etats-Unis concernant la mort d’Oussama ben Laden.
Est-ce l’expression d’une conviction profonde ? Pas si sûr. Ce raidissement de l’hôte du Kremlin à l’égard de Washington peut s’expliquer par la volonté américaine de sanctionner le président syrien, Bachar el-Assad, pour sa répression des manifestations qui agitent la Syrie depuis quelques semaines. Mais la raison la plus probable reste encore la rivalité qui oppose Dmitri Medvedev avec son Premier ministre, Vladimir Poutine.
L’année 2012 sera, comme en France et aux Etats-Unis, marquée par une élection présidentielle. Et les deux hommes, qui ont affiché des divergences profondes, pourraient bien se retrouver face-à-face. Dans ces conditions, les déclaration musclées de Medvedev peuvent être une façon de ne pas se montrer plus « faible » que son concurrent politique.