L’accord de Vienne, signé le 14 juillet par le groupe 5+1 (les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne) et l’Iran doit donc, en théorie, empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire pendant 10, voire 15 ans. Que se passera-t-il après ?
Le diplomate Dennis Ross, ancien conseiller spécial du président Obama sur les affaires iraniennes, a estimé que, passé ce délai, l’Iran aura atteint le seuil nucléaire. Aussi, d’ici-là, a-t-il ajouté, lors d’un entretien à Defense News, il faudrait augmenter la capacité de dissuasion d’Israël en lui transférant des bombes anti-bunker GBU-57 « Massive Ordnance Penetrator » (MOP), capables d’atteindre les installations iraniennes les mieux protégées, comme celle de Fordo, construite à flanc de montagne. Cela permettrait aussi de dissuader Téhéran de ne pas appliquer les termes de l’accord conclu à Vienne.
« Pour avoir une option militaire crédible, il ne suffit pas de dire que toutes les options sont sur la table. Nous devons être beaucoup plus brutal », a affirmé Dennis Ross.
Deux types d’avions peuvent emporter la GBU-57 : les bombardiers B2 (furtif) et le B-52 Stratofortress, mis en oeuvre par l’US Air Force depuis 60 ans. Et comme il n’est pas question de céder le premier, il ne resterait donc plus que le second pour équiper l’aviation israélienne.
Pour Dennis Ross, des pilotes israéliens pourraient venir aux États-Unis pour se former au pilotage du B-52 dans un « très court terme », ce qui permettrait à leur pays de disposer de cette nouvelle capacité rapidement.
L’idée émise par le diplomate américain n’est pas nouvelle : elle a déjà été exprimée en avril 2014 dans les colonnes du Wall Street Journal par Michael Makovsky, président du Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA), et David Deptula, un ancien général de l’US Air Force.
« En transférant à Israël des B-52H et des MOP, l’administration enverrait le signal que son allié, qui a déjà la volonté, aurait maintenant la possibilité d’empêcher l’Iran » d’obtenir l’arme nucléaire, avaient-ils avancé.
Seulement, Israël n’a jamais exprimé le besoin de diposer de bombardiers stratégiques comme le B-52H. « Je ne crois pas que ce soit la bonne réponse, ni que ce soit pertinent pour les forces aériennes israéliennes. Ce serait comme acheter une paire de chaussures trop grandes », a commenté Giora Romm, un général israélien en retraite.
Et d’expliquer : « Nous ne disposons pas de l’insfrastructure nécessaire pour mettre en oeuvre le B-52, sans parler de la capacité de soutien ». En outre, il faudrait établir un nouveau concept d’opérations pour un équipement qui serait « extrêmement coûteux » et d’une « valeur opérationnelle limitée ».
Le sentiment est identique pour le général Eitan Ben-Eliuahu, ancien commandant des forces aériennes israéliennes. Mais il a ajouté que les B-52 « pourraient facilement être abattus par le système russe S-300 » qui sera bientôt déployé en Iran. Qui plus est, cela entraînerait un course aux armements conventionnels dans la région et inviterait la Russie à vendre « 10 fois plus de S-300 aux Iraniens ».
Aussi, pour le général Ben-Eliahu, le mieux reste encore d’étoffer la défense antimissile israélienne, qui compte trois couches avec les programmes Arrow 3, « Fronde de David » et « Iron Dome ».
Quoi qu’il en soit, le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, se rendra très prochainement en Israël et en Arabie Saoudite pour « renouveler les engagements des États-Unis pour la sécurité de ses alliés dans la région, notamment face au comportement déstabilisateur de l’Iran ».
« Nous aurons des discussions sur une grande variété de sujets, dont les ventes d’armements (…) mais franchement ce sont les mêmes conversations que nous aurions eues s’il n’y avait pas eu d’accord sur le nucléaire iranien », a précisé un haut responsable militaire américain. « Nous sommes ouverts à toute discussion sur la coopération militaire, mais nous n’avons pas de grosses propositions ou annonces à faire aux Israéliens (…) ni aux Saoudiens », a-t-il poursuivi.
Selon la presse israélienne, le Premier ministre de l’État hébreu, Benjamin Netanyahu, chercherait à obtenir de la part des États-Unis une garantie d’intervention armée en cas d’attaque iranienne, une rallonge de l’aide militaire consentie par Washington (d’un montant actuellement de 3 milliards de dollars par an) ou bien des avions F-35 supplémentaires, en plus des 33 déjà commandés.