Attention, cet article n’est pas très woke. Il paraîtra même quelque peu sexiste aux âmes sensibles. Et pourtant, tout y est vrai. Nous n’y avons rien ajouté ni retranché, la réalité dépassant la fiction, même la plus machiste. Et pourtant notre Rédaction, mâle et hétéro, est réputée par-delà les mers du mainstream pour son manque total de savoir-dire (mais pas de savoir-vivre car toute femme raisonnable préfèrera un macho protecteur et entièrement dévoué à son service).
C’est donc l’histoire de 342 femmes (sic !) qui naviguaient sur l’Internet, à la recherche de l’âme sœur ou peut-être d’une rencontre plus frivole. S’arrêtant sur un profil aguicheur, Anthony Laroche, architecte d’intérieur, 37 ans, 1m78, regard séducteur, ces 342 femmes (re-sic !) contactèrent le bel homme – ou tout au moins répondirent positivement à ses invitations épistolaires.
Après quelques semaines d’échanges électroniques, le bel Appolon invitait ces jeunes femmes à venir le rencontrer pour approfondir la relation chez lui. Mais, dans une mise en scène savamment orchestrée par de nombreux messages, il les convainquait d’entrer chez lui, puis de le rejoindre dans sa chambre dont les lumières étaient éteintes. Ensuite, celles-ci devaient se déshabiller dans l’obscurité, les yeux bandés, puis le rejoindre dans le lit où il les attachait aux barreaux de celui-ci. Avec, bien sûr, l’interdiction formelle de toucher l’Adonis fantasmé.
Les lecteurs qui sont restés jusqu’ici auront probablement senti la chute venir : le bel Appolon était en fait un vieil homme de 68 ans, « répugnant », « bedonnant » et « dégarni ».
Chacune dresse un portrait effarant de ce « vieil homme à lunette », « répugnant », qui, une fois démasqué, cachait son visage en répétant, craintif, « non, non, non ». La plupart évoquent un même sentiment de révulsion, l’une dit avoir eu « envie de vomir et s’est lavée à l’eau de javel », une seconde confie avoir été « effrayée, humiliée, salie et grandement détruite par cette histoire ». « Il a l’âge de mon père », s’horrifie une troisième.
Mieux :
D’autres avouent au contraire être tombées sous l’emprise de l’avatar d’Anthony Laroche et avoir continué à le fréquenter malgré le mensonge.
Ce brave homme, roi de la dissimulation et de l’escroquerie, s’appelait Jack Sion. Tel donc une parabole quasi biblique, cette histoire est riche d’enseignements mais aussi d’interrogations.
Peut-on dire qu’il y a viol, qu’il y a l’arrachement d’un consentement à moitié consenti ? Que ledit consentement n’était pas assez éclairé en raison du manque d’informations données par le valétudinaire internaute ? Ces femmes n’ont-elles pas été bernées par leur propre stupidité, ou leur capacité propre et naturelle à être dominée voire abusée ? La naïveté mélangée à la fantasmagorie féminine semble promettre encore de beaux jours aux dragueurs peu scrupuleux.
Et puis, ne peut-on pas y trouver quelque analogie avec une femme fort maquillée et habillée de sorte à masquer des courbes en réalité moins flatteuses, et qui montrerait son vrai visage au petit matin ? Les jeux de l’amour ne sont-ils pas aussi un peu hypocrisie, comédie ou dissimulation ? Et encore, nous n’abordons pas toute l’arnaque des filtres Instagram ou autres retouches Photoshop qui nous vendent du rêve féminin à longueur d’applications de rencontres.
Bien sûr, dans le cas qui nous occupe, nous condamnons ces pratiques a minima indélicates et profitant de la crédulité d’une femme engagée dans la spirale amoureuse et dans laquelle, il faut le reconnaître, elles se donnent parfois sans limite – sans clairvoyance diront d’aucuns. Mais enfin...
Car, que se serait-il passé si l’homme avait menti sur son profil et sa photo, mais s’était avéré beau et bien bâti ? Que peut-on dire d’un homme qui mentirait non pas sur sa beauté physique mais sur sa fortune personnelle ? Ou ses opinions politiques (enfer et damnation, un facho !) ? Y aurait-il également « viol par surprise » ?
Ce cas d’école ne laisse donc d’interroger et de susciter de vraies interrogations juridiques et même philosophiques.
Condamné en première instance pour « viol par surprise », le jugement a été cassée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui a estimé que « les éléments constitutifs du crime de viol n’étaient pas réunis, en l’absence de violences, menace, contrainte ou surprise, les plaignantes ayant adhéré au scénario mis en place ».
Mais la cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, trancha dans le sens contraire en février 2019 : « l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise ».
Le septuagénaire doit être jugé définitivement dans les prochains jours.
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