Une prison de 40 millions de dollars (31,5 millions d’euros) vide, dans le désert près de Bagdad. Un hôpital pour enfants de 165 millions de dollars (130 millions d’euros) inoccupé. Une station d’épuration de 100 millions de dollars (78,7 millions d’euros) à Fallouja, où les eaux usées continuent de s’écouler dans la rue. Tandis que les soldats américains quittent l’Irak, des centaines de projets de construction ont été abandonnés ou demeurent inachevés.
Une prison de 40 millions de dollars (31,5 millions d’euros) vide, dans le désert près de Bagdad. Un hôpital pour enfants de 165 millions de dollars (130 millions d’euros) inoccupé.
Une station d’épuration de 100 millions de dollars (78,7 millions d’euros) à Fallouja, où les eaux usées continuent de s’écouler dans la rue. Tandis que les soldats américains quittent l’Irak, des centaines de projets de construction ont été abandonnés ou demeurent inachevés.
Plus de cinq milliards de dollars (3,9 milliards d’euros) ont ainsi été gaspillés, selon les services de l’inspecteur général spécial pour la reconstruction en Irak (Sigir) après analyse de plus de trois cents audits. La somme disparue représente plus de 10 % des 53,7 milliards de dollars (42,3 milliards d’euros) dépensés par les Etats-Unis pour rebâtir l’Irak, note l’organisme de surveillance créé par le Congrès américain et dirigé par Stuart Bowen.
Des centaines de commissariats, d’infrastructures de sécurité, des ports pétroliers comme à Oum Qasr (sud) ont été remis en état. Mais dans de nombreux cas, des projets mal ficelés voire irréalistes, une mauvaise répartition des tâches, des doublons et des malfaçons ont abouti à faire partir des milliards de dollars en fumée.
L’exemple de gâchis le plus flagrant est une prison avec sa douzaine de miradors et de hauts murs en béton qui a surgi dans le désert à Khan Bani Sadr, au nord de Bagdad. Les seuls signes de vie aperçus il y a peu dans cet établissement conçu pour 3 600 détenus sont un poste de garde à l’entrée, et deux agriculteurs exploitant un champ voisin.
Le gouvernement américain, qui avait confié en 2004 la construction de cette prison à l’entreprise californienne Parsons, a résilié le contrat en juin 2006, en raison des retards pris par rapport au calendrier prévisionnel et des "dépassements massifs" des coûts initiaux. L’entreprise a répondu avoir fait ce qu’elle pouvait, dans une région en proie à l’insurrection et aux violences. Les Etats-Unis ont finalement abandonné le projet en juin 2007 et remis l’établissement au ministère de la justice irakien, qui a refusé d’"achever, occuper et assurer la sécurité" de cette prison, selon le Sigir. Des matériaux de construction d’une valeur dépassant 1,2 million de dollars (950 000 euros) ont été abandonnés sur place. "Quarante millions de dollars gâchés dans le désert", souligne Stuart Bowen.
La coordination avec les autorités irakiennes laisse aussi à désirer. Shaymaa Mohammed Amin, directrice du comité de reconstruction et de développement de la province de Diyala, au nord-est de Bagdad, raconte ainsi comment les Américains lui ont livré une clinique... construite sans escaliers.
Une autre fois, poursuit-elle, ils ont mis en service une usine fabriquant du miel de datte, un aliment qui ne fait pas partie des priorités dans un pays où plusieurs écoles de la région manquent du nécessaire. Ces équipements, "nous avons été presque forcés de les prendre. Des sommes énormes ont été gâchées", constate Mme Amin.
A Fallouja, dans le centre du pays, les Etats-Unis avaient confié en 2004 à l’entreprise FluorAMEC un contrat pour la construction d’une nouvelle station d’épuration. Mais il était irréaliste "de penser que FluorAMEC pouvait entamer la construction de ce projet, et encore moins le terminer, alors que de violents combats se déroulaient quotidiennement" alors contre l’insurrection, a conclu un audit. L’usine de retraitement est aujourd’hui pratiquement terminée, avec quatre ans de retard et plus de trois fois le coût de départ. Les capacités de la station ont été revues à la baisse, et elle ne pourra servir qu’un tiers de la population. Il manque de toute façon les canalisations nécessaires pour raccorder les égouts de certains quartiers à la station d’épuration, selon la municipalité. Résultat, les eaux usées continuent à se déverser dans certaines rues.
A Bassora (sud), un hôpital pédiatrique dont la construction devait être achevée en décembre 2005 n’a toujours pas ouvert ses portes. Le budget initial de 50 millions de dollars (39,4 millions d’euros) a largement été dépassé, pour atteindre 165 millions de dollars (130 millions d’euros). Quant aux équipements médicaux, censés être à la pointe du progrès, ils sont déjà dépassés