Vous trouverez ci-dessous deux extraits de Tableau noir (1), ouvrage au succès large et mérité, coécrit par Gérard de Sélys et Nico Hirtt. Les passages choisis révèlent avec clarté le projet machiavélique que nourrit l’OCDE quant au devenir des éducations nationales.
Le propos est consternant et énoncé sans aucune ambiguïté : l’enseignement est un business qui doit échapper à terme au monopole d’Etat. On note, dans la deuxième citation, que les gouvernements ne font qu’obéir aux consignes européistes en appliquant les techniques de démantèlement qui leur sont dictées. Il est alors bien aisé d’imaginer le sourire satisfait de ces dirigeants de l’ombre à la vue des manifestations qui prennent président et ministre en point de mire.
Ces derniers, simples exécutants, ne contrôlent quasiment plus rien et apparaissent comme les simples garde-fous d’une idéologie larvée qui aspire à l’anéantissement progressif des structures en place. Il semble donc urgent que cette contestation de rue envisage avec recul le réel contexte des opérations et prenne conscience de sa très relative efficacité dans un jeu de dupe organisé au plus grand mépris des élèves, parents et populations. Il en va de l’avenir de nos enfants et de notre pays.
Collusion (extrait)
A nouveau, l’OCDE vient à la rescousse en dévoilant que les choses sont déjà bien engagées. Dans un nouveau rapport, elle écrit : « Aux Etats Unis, le projet Annenberg/CPB collabore avec des producteurs en Europe, au Japon et en Australie, pour créer plusieurs types de nouveaux cours devant être utilisés dans l’enseignement à distance. Les étudiants deviennent des clients et les établissements (les écoles et les universités) des concurrents luttant pour obtenir une part du marché.
Les établissements financés par l’Etat sont obligés d’entrer en concurrence les uns avec les autres et également avec les prestataires privés. Les établissements sont incités à se comporter en ntreprises et à considérer qu’ils ont pour mission de réagir à l’évolution de la demande des programmes d’étude. Les étudiants doivent payer tout ou une partie du prix de leurs cours, ce qui vise à imposer la discipline du marché aux producteurs de cours. Les possibilités de pénétration du marché en particulier dans les pays très peuplés et dans ceux qui ont des langues communes, semblent considérables. ”. Sans commentaires ! (2)
Confirmation (extrait)
Mais d’abord, un avis qui nous avait échappé à l’époque, et qui vaut son pesant de cynisme. Il émane de Christian Morisson (3), un des principaux responsables de l’OCDE en matière d’enseignement : « Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse.
On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population ». (4)
(1) : Tableau noir (Editions EPO, 1998) : œuvre de Gérard de Sélys et Nico Hirtt. Les auteurs s’emploient dans ce livre à démontrer comment les organismes européens et les grands groupes financiers sont les décideurs de la privatisation de l’éducation. Les nouvelles technologies sont clairement présentées comme un vecteur de pénétration du privé dans le public. Ils dévoilent, par ailleurs, dans ce livre des documents confidentiels de très grand intérêt. 7 fois édités.
(2) : citation extraite de Les technologies de l’information et l’avenir de l’ensignement post-secondaire, Documents OCDE, Paris 196, ISBN 92-64-24923-0.
(3) : ancien élève de l’ENS, professeur de sciences économiques à Tunis puis à Paris 1, directeur du laboratoire d’études politiques à l’ENS, chef de la division du centre de développement à l’OCDE, consultant auprès de la Banque Mondiale, du Bureau International du travail et de l’OCDE.
(4) : citation extraite des Cahiers de l’économie politique, n°13, centre du développement de l’OCDE1