Une hausse de 0,8 % du chômage en juillet. Une croissance nulle aux premier et deuxième trimestres. Nul ne l’ignore, l’économie française va mal. Ou plutôt les travailleurs français, dont les difficultés ne s’arrêtent pas à ces statistiques macro-économiques mais se prolongent dans la précarisation chronique du marché du travail (temps partiel, intérim…). Néanmoins, à en croire les reversements de dividendes des entreprises françaises à leurs actionnaires, la crise est une notion toute relative.
En effet, les entreprises françaises ont reversé 40 milliards d’euros au cours du deuxième trimestre 2014, soit une hausse, sans ajustement de taux de change, de près de 30 %. Ceci place la France en deuxième position mondiale en la matière, derrière les États-Unis (89,4 milliard d’euros). Chez nos voisins espagnols, où le taux de chômage bat tous les records, les entreprises ont reversé 10 milliards d’euros, soit une hausse de 74 % [1].
Comment de tels chiffres sont ils possibles quand la croissance est presque nulle ? On peut d’abord raisonnablement penser que les très grandes entreprises représentent une immense partie de ces dividendes. Or, il ne faut pas oublier que les multinationales génèrent une hausse de leur chiffre d’affaires grâce aux pays dits émergents, un phénomène souvent sans apport direct pour le travailleur français (quand on parle d’investissements), mais aussi potentiellement synonyme de perte d’emploi (quand on parle des délocalisations, aussi pudiquement appelées des « redéploiements ») [2]. Les géants du secteur tertiaire, qui ont été vaguement grondés (et parfois aidés) pour leur bêtises il y a quelques années, savourent aujourd’hui le retour de la prospérité. AXA tient la palme des reversements, avec 2,7 milliards d’euros sur le trimestre. Le Crédit agricole reverse pour sa part 1,2 milliard d’euros [3].
Le contraste entre cette bonne tenue des résultats des grands groupes et la déliquescence des conditions économiques et sociales du travailleur français fait apparaître en pleine lumière une réalité certaine : tous les débats vaporeux qui nous sont servis dans les médias, ces oppositions de politiques de l’offre ou de la demande, de politique d’austérité ou de relance, sont absolument vains. Notre système de libéralisme biaisé, c’est-à-dire ce nivellement par le bas des conditions de travail via la mise en compétitions du prolétariat au niveau mondial, couplé à une mainmise privée sur les mécanismes monétaires et sur la dette, a pour conséquence irrémédiable la paupérisation continue des travailleurs et des petits producteurs au profit du Capital.