Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Douche froide pour le GIEC

L’Onu épingle les responsables de cet organisme dont l’alarmisme ne fait pas l’unanimité. Ses opposants se sont regroupés au sein du Heartland Institute. Nous avons rencontré ces experts qui parlent franc.

Rangez vos sahariennes. Sortez vos canadiennes. Nous entrons dans une période froide ! C’est le cri d’alarme du géologue Don Easterbrook, professeur émérite à la WesternWashington University. Il fait partie de ces milliers de scientifiques qui contestent les bilans alarmistes et catastrophistes du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), dont l’organisation et les méthodes de fonctionnement viennent d’être tancées sévèrement par l’Onu.

Dans un rapport remis le 30 août par le Conseil interacadémique, organisme consultatif composé de quinze académies des sciences, l’Onu recommande au Giec de « réformer fondamentalement sa structure de direction », aujourd’hui présidée par le très controversé chercheur indien Rajendra Kumar Pachauri, fragilisé par la critique, et de « renforcer ses procédures pour faire face à des évaluations climatiques de plus en plus complexes ».

Sans remettre en cause les conclusions climatologiques du Giec dont la présidence avait demandé ce rapport d’audit, conjointement avec l’Onu, le président du Conseil interacadémique, Harold Shapiro, professeur d’économie à Princeton, a été d’une grande franchise : « Je pense que les erreurs faites (par le Giec) ont entamé la crédibilité du processus. »

Le manque de transparence et de rigueur du Giec, créé en 1998 et récompensé par le prix Nobel de la paix en 2007 (partagé avec Al Gore), avait été mis en cause en 2009, après les révélations sur des erreurs et des manipulations de données de sa part, renforçant son alarmisme sur le réchauffement de la planète.

Du coup, le courant des “climatosceptiques”, opposé au Giec, a repris de la vigueur après avoir lancé une sorte de contre-offensive scientifique organisée autour du Heartland Institute, la principale organisation scientifique américaine regroupant tous ceux qui doutent de la thèse du réchauffement des températures. En mai dernier, ses principaux représentants étaient réunis à Chicago pour leur quatrième conférence internationale sur le changement climatique.

Fondé en 1984 à Chicago, le Heartland Institute s’est installé dans la ville symbole de l’école libérale américaine, dont Milton Friedman fut l’une des figures de proue. L’institut défend avec passion la liberté de marché, s’oppose à toute régulation fédérale tendant à limiter l’esprit d’entreprise et à tout oukase ou à toute idéologie sur la recherche scientifique. Fort d’un budget de 5,2 millions de dollars (en 2007), il soutient ainsi les fabricants de tabac, les marchands d’alcool mais aussi les producteurs d’énergie.

Ses détracteurs sont nombreux. L’institut est accusé d’être à la solde des grands lobbies industriels. Il répond qu’il ne reçoit que 16 % de ses revenus de tels grands groupes – 84 % provenant de particuliers et de fondations. Il souligne qu’il n’accepte aucun fonds gouvernemental et qu’il n’effectue aucune recherche spéciale au profit de lobbies industriels. Le site Exxon-Secrets.org l’accuse pourtant d’avoir touché près de 800 000 dollars depuis 1998 de la société pétrolière Exxon-Mobil : « Le Heartland Institute n’est pas une organisation scientifique mais un moulin à propagande. » L’institut se défend : « Ces attaques viennent essentiellement de gauchistes qui s’opposent à notre position en faveur de la liberté individuelle et d’un État faible. »

Tous les chercheurs du Heartland Institute ne partagent pas les vues exprimées par Don Easterbrook pour qui le réchauffement de la planète s’est achevé pour plusieurs décennies et reprendra vers 2030, dans le cadre d’un cycle faisant alterner le chaud et le froid tous les trente ans. Le refroidissement à venir, affirme-t-il, sera encore plus néfaste que le réchauffement : il tuera deux fois plus de gens qu’une chaleur extrême, la production alimentaire diminuera, la consommation d’énergie augmentera ainsi que son prix, ce qui pourra entraîner une instabilité politique et sociale mondiale.

Richard Lindzen, du Massachusetts Institute of Technology, lui aussi venu à Chicago, est plus nuancé : « Dire que le réchauffement est dû aux activités humaines est trivialement vrai mais essentiellement dépourvu de sens. » À ses yeux, les alarmistes du Giec tentent d’appuyer les données qu’ils ont créées, au lieu de tester les hypothèses. Les chercheurs proches du Heartland Institute doutent aussi de l’impact des nouvelles lois antiréchauffement.

De son côté, l’économiste espagnol Gabriel Calzada a calculé que les emplois verts, en raison de la taxe imposée pour développer les énergies renouvelables, ont fait grimper le prix de l’électricité de 77 % entre 1998 et 2009. Son collègue italien Carlo Stagnaro estime que, pour un emploi vert créé, près de sept pourraient l’être ailleurs dans le secteur industriel, à investissement égal. L’ancien gouverneur de Virginie, George Allen, recommande de son côté de développer l’énergie nucléaire. Son argument : « Si les Français peuvent le faire, les Américains le peuvent aussi. »

« Tout ce que la gauche a réussi à faire, c’est de relégitimer le nucléaire », sourit Joseph Bast, le président du Heartland Institute. La polémique dite du Climategate, mettant en cause les méthodes du Giec, ne l’a pas étonné : « C’est un grand moment pour être sceptique. C’est un grand moment pour être libertaire. » La révélation par des courriels que le Centre de recherches sur le climat de l’université d’East Anglia (Royaume-Uni) aurait tenté d’étouffer les voix des climato-sceptiques en refusant de publier leurs articles a troublé les scientifiques.

Le climatologue Fred Singer, l’un des chefs de file du mouvement climatosceptique américain, estime lui aussi que cette affaire a changé le ton et l’atmosphère de la discussion entre scientifiques : « Le débat dure depuis près de vingt ans mais la publication des courriels concernés a confirmé ce que nous soupçonnions depuis longtemps. Un petit groupe d’individus a essayé de limiter le débat, ou, plus exactement, a tenté d’éviter qu’il ne devienne public. »

Enseignant les sciences environnementales à l’université de Virginie, fondée par Thomas Jefferson, Fred Singer connaît bien le milieu scientifique, autant que l’administration dans laquelle il a occupé de nombreuses fonctions, y compris à la Nasa. Expert mondialement reconnu pour ses travaux sur les questions d’énergie et d’environnement, Singer est l’un des fondateurs du Groupe international non gouvernemental sur le changement climatique (NIPCC, dans son sigle anglais), véritable machine de guerre contre le Giec dont il a disséqué les méthodes assez peu scientifiques : « Ils ont agi en écartant les dissidents, en exerçant des pressions sur les éditeurs pour qu’ils ne publient pas leurs travaux. L’aspect le plus important est qu’ils ont caché des données ou les ont manipulées, ce qui est pire. Ils ont, pour les citer, “dissimuler” le déclin de la température au public. »

Fred Singer poursuit : « Il est toujours dangereux de dire qu’une période est chaude ou froide, sauf si vous spécifiez de quelle période vous parlez, poursuit-il. De toute évidence, le climat s’est réchauffé depuis l’ère glaciaire, il y a 20 000 ans. Il s’est aussi réchauffé au cours des 200 dernières années. Mais il s’est refroidi depuis 1998. On ne peut pas dire qu’il fait plus froid ou plus chaud si on ne précise pas la période dont on parle. Cela n’a pas de sens. »

Le chercheur n’est pas avare en explications et en clarifications. Pour lui, une température peut baisser au cours des 10 ou 15 dernières années, tout en étant la plus élevée des 100 dernières années : « Cela n’est pas contradictoire. Dans un cas, on parle d’une tendance, mesurée en degrés centigrades par an ; dans l’autre cas, on parle d’une température en degrés centigrades. L’un est un taux de changement de température, l’autre un niveau de température. Ce sont deux concepts différents, comme la vitesse et l’accélération pour parler de la vélocité. »

Fred Singer ne nie pas que la température a été plus élevée au cours des 10 dernières années qu’au cours des 100 dernières. Avec ses amis du NIPCC, il montre que la température a en fait baissé durant les 10 dernières années. C’est la tendance : « On peut avoir une température en hausse et une “tendance” à la baisse. Ce qui compte, c’est la “tendance”, car elle prend en compte les gaz à effet de serre qui n’ont cessé d’être émis depuis la révolution industrielle. »

L’effet de serre ne l’effraie pas et le NIPCC estime qu’un réchauffement est dû à l’augmentation du CO2 : « L’effet de serre existe, mais les données ne le montrent pas. Nous croyons aux données, pas à la théorie. » C’est ce qui diviserait aujourd’hui la communauté scientifique : « Il y a ceux qui croient en la théorie : que la température doit augmenter car c’est ce que disent les modèles ; et ceux qui, comme nous, croient en l’observation de l’atmosphère. »

Le dialogue entre sceptiques et “réchauffistes” n’est pas rompu. « Il y a quelques très bons scientifiques dans l’autre camp », sourit Singer. Pour redorer son blason, le Giec a compris qu’il fallait inclure dans ses rapports des opinions dissidentes de scientifiques qui ont travaillé sur les mêmes informations, mais sans arriver aux mêmes conclusions.

Il a aussi subi des pressions. « Un scientifique chinois a suggéré que le groupe s’ouvre aux contestataires, poursuit Singer, mais je ne crois pas que cela arrive. Nous continuerons à écrire nos opinions séparément, avec le NIPCC pour les diffuser. Notre objectif est de publier des mises à jour annuelles et un rapport complet en 2013. »

Les débats scientifiques ont toujours existé. Ils continueront : « Il y a toujours une majorité qui s’accroche à une certaine position jusqu’à ce qu’on lui prouve qu’elle a eu tort. Le débat est sincère, il va dans la direction des sceptiques, car un vrai scientifique doit toujours être sceptique. » Ses adversaires “réchauffistes” ne lui semblent pas malveillants : « Ils ne sont pas mauvais. Ils ont simplement tort. C’est tout. Mon espoir est qu’après ce qui s’est passé à Paris et à Londres, les choses vont changer, très bientôt. »

Fred Singer et ses amis du NIPCC perçoivent un grand mouvement en France. « L’Académie des sciences a enfin reconnu le sérieux du débat et il doit y avoir une discussion publique en octobre à Paris. Plus important encore, la Royal Society de Londres, la plus ancienne société scientifique du monde, extrêmement alarmiste, vient de reconnaître que les opinions dissidentes sont importantes. »

Elle a créé une commission chargée d’examiner les modèles. Ses conclusions auront un effet sur les autres académies, « notamment sur l’américaine, qui a publié un horrible rapport ne faisant que répéter toutes les fictions, toutes les hypothèses, ignorant les opinions divergentes et produisant un ramassis d’arguments éculés. Tout cela après avoir dépensé 6 millions de dollars »