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Rapport : de l’argent destiné aux sous-traitants des USA va aux talibans

Des fonds américains destinés au paiement des agences privées de sécurité en Afghanistan se sont retrouvés entre les mains de seigneurs de la guerre et des talibans, c’est ce qu’a dénoncé, jeudi, un rapport du Sénat américain.

Selon cette enquête de la commission de la Défense du Sénat, le gouvernement américain s’est montré incapable de vérifier les embauches de contractants privés travaillant pour les autorités américaines en Afghanistan, bien que les contrats s’élèvent à des milliards de dollars, et les résultats sont catastrophiques.

"Notre dépendance à l’égard des agences de sécurité privées en Afghanistan a trop souvent profité aux seigneurs de la guerre locaux et aux agents d’influence qui agissent, en-dehors de tout contrôle gouvernemental, à l’encontre des intérêts de la coalition" (forces d’occupation), a déclaré Carl Levin, le président de la commission.

"Cette situation menace la sécurité de nos troupes et fait peser un risque sur le succès de notre mission", selon lui.

Le rapport révèle notamment que la société ArmorGroup, une filiale de la Britannique G4S, a fait appel, dans le cadre d’un contrat avec l’Armée de l’air américaine, à des seigneurs de la guerre, y compris des "soutiens des talibans", pour recruter des gardes de sécurité.

Pendant que ce contrat était en vigueur, l’un de ces chefs de guerre a été tué dans un raid militaire américano-afghan "pendant une réunion des talibans qui se tenait à son domicile".

La commission, qui a étudié plus de 125 contrats de sécurité passés par le Pentagone entre 2007 et 2009, a découvert "des failles systématiques, y compris dans la vérification par les compagnies de sécurité de la qualité de l’entraînement reçu par leur personnel armé".

Le rapport salue néanmoins les efforts du commandant des forces américaines et de l’Otan en Afghanistan, le général David Petraeus, qui a ordonné une réforme des contrats de sous-traitance et averti que des dépenses élevées sans supervision adéquate pouvaient alimenter la corruption et la rébellion.

Le secrétaire américain à la guerre, Robert Gates, a reconnu le problème dans un courrier à Levin et a souligné que le Pentagone avait largement amélioré la supervision des contrats passés avec des sociétés de sécurité privées et créé des équipes chargées spécialement de cette tâche.

Mais l’armée américaine est confrontées à un dilemme, a souligné Richard Fontaine, chercheur au Center for a New American Security, interrogé par l’AFP.

"Dans certains cas, le choix semble ardu : soit permettre aux sous-traitants de payer les talibans pour obtenir une protection, —et donc payer l’ennemi avec les dollars du contribuable—, soit interdire de payer pour cette protection et se trouver face à un plus grand risque d’attaques".

"Ce choix est d’autant plus difficile que nous dépendons des sous-traitants, et non de personnel militaire, pour tout un ensemble de missions de sécurité, y compris la protection des convois", ajoute-t-il.

Le gouvernement afghan a condamné le rôle des sociétés de sécurité privées, et interdit cette semaine huit d’entre elles, dont l’Américaine Xe, ex-Blackwater, impliquée dans plusieurs scandales, en particulier la mort de 14 à 17 civils à Bagdad en septembre 2007.

Le président afghan Hamid Karzaï a signé le 17 août un décret ordonnant l’interdiction totale des "contractors" d’ici la fin de l’année.