Mon père fait ce métier depuis sa vingtaine aussi. Comme pour tout métier, il faut, pour le juger, mettre de côté les choses qui ne sont pas liés à ce métier en lui-même, comme la confiance en sa femme, la propagande radiophonique, la malbouffe par exemple. Ma mère était une femme dévouée à son foyer et ses enfants, préparait ses repas pour la semaine à mon père, se méfiait justement du libertinage que propose souvent bien des relations amicales. De plus, comme elle le rappelait souvent elle n’avait tout simplement "pas le temps" pour ces conneries. Un peu de bon sens suffit à reléguer cela à la rêverie, aux films sentimentaux, avant de revenir à la vie réelle, à la fois bien plus intéressante et visant plus loin que l’horizon fade d’un(e) bourgeois(e) mondain attardé(e).
J’ai d’ailleurs pu constater que parfois un bon foyer est celui où la femme et l’homme doivent avoir l’occasion de passer beaucoup de temps chacun dans leur monde pour pleinement alimenter le foyer : l’on ne passe pas son temps à se marcher dessus, à délibérer inutilement selon deux modes de raisonnement complémentaires mais non juxtaposables, deux vision du monde avec des envies parfois fondamentalement divergentes (l’extérieur pour l’homme, l’intérieur pour la femme).
Ce qui est propre à ce métier de routier donc, c’est d’abord le voyage en majeure partie solitaire quand on est sur la route, avec ce plaisir serein de découvrir et apprécier seul le monde. Vient ensuite le sentiment de communauté avec les autres routiers, mais aussi les gens des dépôts de son entreprise, et ceux à qui l’on livre les marchandises. C’est important d’avoir un métier qui alterne entre ces deux pôles des besoins humains : la solitude et l’échange communautaire (surtout entre gens qui bossent et sont réellement utiles à la société). Mon père a été comblé durant bien deux décennies par cela avant les crises économiques et l’import de travailleurs étrangers. C’est un beau métier pour la plupart des hommes, comme marin ou soldat, où l’on vit ce besoin de voyage, de découverte du monde, de partage dans l’aventure, de l’esprit de communauté et d’entreprise qui diffère de celle d’un sédentaire.
Ce qu’il faut surtout regarder, c’est le choix de l’entreprise. Il faut y trouver un juste milieu entre grosse entreprise qui paie bien, fournit un bon équipement, et une entreprise plus familiale avec un rapport entre les bureaux de la logistique, le patron et le chauffeur qui reste respectueux et agréable au quotidien.
Répondre à ce message