« Bien plus que de l’école, la réussite des enfants dépend de leur famille. Pierre Bourdieu l’avait démontré, en son temps, en se penchant sur le destin des étudiants. Plus de 50 ans après “Les Héritiers”, le constat reste d’actualité, comme le relève aujourd’hui France Stratégie : un enfant né d’un père cadre supérieur a “4,5 fois plus de chances” qu’un enfant d’ouvrier d’appartenir aux 20 % les plus riches du pays. D’abord parce que les plus aisés anticipent les règles de l’école à la maison et surtout parce qu’ils déploient, dès le berceau, des trésors d’ingéniosité pour que leur enfant réussisse. »
« Les stratégies de ces parents qui font réussir leurs enfants », c’est un article du Figaro qui tombe à pic : de plus en plus de parents font de moins en moins confiance aux écoles, majoritairement publiques, pour faire réussir leurs enfants. Pas d’affolement : il ne sera pas question ici de dire si vouloir faire réussir ses mômes c’est bien ou mal, mais de comprendre les déterminants de cette problématique. Car c’en est une : d’abord pour ceux qui ne réussissent pas, au sens admis par tous ou presque, puis pour les parents réussisseurs, acceptons le barbarisme, car c’est une gageure, et enfin pour les enfants sous la pression de la réussite.
La crise économique qui a raréfié le travail et diminué les rentrées des foyers des classes moyenne et inférieure (mais les cadres vont beaucoup passer à la casserole fiscale sous Macron) met une pression grandissante sur les familles qui ne veulent pas voir leur progéniture subir le déclassement. Et pourtant, c’est une réalité. On a diffusé un article dernièrement qui montrait une institutrice qui comparait son sort économique avec celui de ses parents, également instituteurs : il n’y avait pas photo. Dégradation tangible des conditions de vie, malgré des rentrées théoriquement supérieures. Mais l’argent en euros constants est une chose, la réalité en est une autre.
La réalité, elle a été étudiée par Bernard Lahire, prof de socio à Normal Sup. Il sort une enquête de 1 200 pages basée sur le travail de 16 chercheurs sur 4 ans de vie de 35 enfants de 5 ans issus de toutes catégories sociales (les CSP des parents), à partir de la maternelle. Les stratégies de réussite – ou de non réussite, car tout le monde n’a pas accès à la réussite – des familles y sont décortiquées. Nous allons diffuser quelques-uns de ces cas qui recouvrent une réalité sociologique, c’est-à-dire qu’ils sont emblématiques d’un groupe plus étendu.
Premier exemple, le haut du panier :
La fillette est scolarisée à l’école publique dans le VIIe arrondissement de Paris, un quartier tellement favorisé que l’enseignement public offre le maintien de « l’entre-soi de la bonne société de la bourgeoisie parisienne ». Ses parents, momentanément au chômage, étaient auparavant directeur financier d’une PME et responsable ressources humaines.
Les jeunes filles au pair qui gardent Valentine sont uniquement des anglophones d’Amérique du Nord : « On trouvait ça bien d’avoir quelqu’un d’un peu lointain, plutôt que l’Angleterre », raconte la mère. Chaque été, ils partent à l’étranger plusieurs semaines, à New York, à Chicago, en Suède. Et visitent souvent des amis à l’étranger. L’idée est de connaître d’autres cultures et « de pratiquer l’anglais », atout professionnel indispensable. De fait, la petite fille commence à faire des phrases en anglais. « C’est tout un ensemble de dispositions de l’élite internationale qui s’intériorise, où le capital de la famille conduit à avoir des relations un peu partout dans le monde (…). »
La fillette, qui pratique déjà la natation, le tennis et la danse, est soumise à un apprentissage parfait de l’autocontrôle. Les dessins animés, rares, sont toujours choisis par les parents, les écrans interdits, les bonbons fortement limités. Pas de récompenses pour la fillette car son bon comportement est « normal ». Pas de punitions non plus, dans cette famille où l’autorité s’exerce en douceur. Le soir, sa mère lui lit un livre sur la mythologie grecque, insistant sur la guerre de Troie… Valentine, qui manie déjà l’usage du passé simple, est bien sûr une bonne élève.
Ensuite, comme on n’a pas le droit de mettre trop de contenu d’un article, car on est déjà mal vus dans la profession (et pourtant on nous pompe un nombre impressionnant de contenus, d’angles et d’analyses), on va résumer les autres « classes ».
Mathilde, c’est la fille de la classe moyenne. Ses parents corrigent son langage au moyen d’un dictionnaire, sa mère lui emprunte des livres sélectionnés à la bibliothèque municipale, les trois rejetons de la fratrie sont dans un établissement public à Nantes mais les parents commencent à lorgner sur le privé « qui représente pour eux une certaine garantie de tri social ». La petite Mathilde est éduquée dans un esprit assez rigoriste, et fait partie des très bons élèves de sa classe.
On se permet une petite incise : ça sent le vote de gauche qui se prend le mur de l’immigration ou de la mixité sociale en plein visage et qui change en douce ses enfants de bahut. Beaucoup de parents électeurs de gauche font ce calcul séparatiste honteux. L’école privée en France n’arrive plus à absorber toutes les demandes des familles, mais le rapport public/privé reste encore de 80/20. Pourtant, les bons établissements privés croulent sous les demandes et les parents se rabattent sur les établissements privés de moindre réputation, en cascade.
Le dernier cas proposé est celui d’Aleksei, originaire de Toulouse, pour qui les parents refusent toute compétition. Ils privilégient son bien-être, donc pas de stress sur les notes ou la réussite. Il est bon, dans un sujet sur la réussite, d’avoir un contrepoint.
Dans leurs choix éducatifs, tout en choisissant, par exemple, ses lectures avec soin, les parents d’Aleksei montrent le refus de toute compétition, aucune volonté affirmée de « réussir ». Réussir leur vie est plus important que « réussir dans la vie ». Sa mère imagine très bien qu’Aleksei puisse devenir jardinier comme son propre père, là où d’autres parents feraient tout pour éviter à leurs enfants « l’indignité sociale » des métiers manuels. Elle n’a pas souhaité laisser son fils à la gymnastique parce que « ça bascule beaucoup dans la compétition. Je ne veux pas rentrer là-dedans ».
Étude d’un modèle de réussite
Tout ceci nous fait penser au parcours d’un Jacques Attali qui est entré 43e au concours de l’X et sorti major, ce qui veut dire premier. Il est sorti en outre 3e de l’ENA et incarne ce qu’on appelle la réussite républicaine à la française, même si son papa avait une belle affaire dans le XVIe à Paris. Son frère jumeau, Bernard, considéré comme aussi brillant, fera Sciences Po puis l’ENA. Pendant que Jacques était le conseiller numéro un, le sherpa de Mitterrand, Bernard enfilera les postes de PDG, notamment d’Air France. Les deux ont enseigné dans des écoles prestigieuses comme l’X ou l’ENA.
Ceci étant dit, les délires mondialistes d’un Jacques Attali montrent les limites d’une hyperréussite : si l’intelligence c’est vouloir d’un gouvernement mondial à Jérusalem 100 % israélienne, alors les 99,99 % du habitants du monde sont des cons. Mais ça ne semble pas monter au cerveau de Jacques, qui poursit inlassablement sa propagande socialo-sioniste dans les médias. Ça, c’est pour les cons. Pour les autres, il y a les dîners.
Jacques organise chaque dimanche un grand dîner somptueux (pour 10 à 12 convives) entre grands de ce monde dans sa grande maison de Neuilly, où il a justement présenté un jour le jeune Macron au grand François Hollande.
Extrait du Point du 23 octobre 2014 :
« Nathalie Kosciusko-Morizet joue au flipper dans le salon. Anne Lauvergeon bouscule Hubert Védrine, Steve Ballmer et Carole Bouquet pour atteindre le buffet. Guillaume Sarkozy s’ennuie ferme, Jean-Claude Trichet devise avec Alain Minc non loin de Matthieu Ricard et, dans la cuisine qui lui sert de loge, Christophe Barbier, en petite tenue, se change avec sa troupe : ce soir, il jouera du Feydeau. Mais le clou du spectacle est sans doute au jardin, où sous l’œil inquiet de ses camarades, qui le savent doué pour tout sauf pour le barbecue, un énarque au grand front tente de faire griller des saucisses. Cet homme, c’est Jacques Attali. Ces gens, ce sont quelques-uns de ses innombrables “amis”, et cette scène reconstituée pourrait être une de celles, nombreuses du genre, à s’être déroulées à Neuilly, dans cette drôle de maison à trois étages où l’inusable conseiller-banquier-essayiste-musicien reçoit, depuis trente ans, avec une constance et un éclectisme sans équivalent à Paris. »
avait pronostiqué la faillite d’Apple au moment de la sortie de l’iPhone...
Tout le gratin français, et même international, se presse aux gueuletons du sherpa, qui aime marier les « talents ». Mais il y a un petit hic, c’est encore Jean-François Kahn qui met son grain de sel dans les saucisses de Jacquou :
« C’est très sympathique, dit Jean-François Kahn, plusieurs fois convié. Mais ce sont des gens qui vivent entre eux, du beau monde qui parle de façon civilisée, vous n’y verrez jamais de radicaux, de subversifs, c’est le concept même du Tout-Paris, bien-pensant et complètement déconnecté des réalités. »
C’est là où l’on voulait en venir : cette réussite que beaucoup de parents veulent pour leurs enfants mène à un formatage social, par le haut certes, mais qui n’est pas forcément bon pour le pays. Il l’est pour l’élite qui en profite, pas toujours pour les autres.
Le formatage « X-ENA » donne d’excellents gestionnaires qui ont réussi... à foutre le pays par terre, en le revendant à la découpe. Parce qu’Attali ne fait pas que dans le mariage de talents ou l’humanitaire, le microcrédit dans le tiers-monde, il fait aussi dans la fusion-acquisition, comme Macron chez Rothschild, et c’est Macron qui a déglingué Alstom, ce fleuron stratégique de l’industrie française.
Tout ça pour ça, aurait dit Claude Lelouch.