Le gouvernement suédois a annoncé en novembre que le pays avait besoin de « répit » concernant l’afflux de réfugiés, et qu’il prendrait des mesures pour dissuader les demandeurs d’asile. Alors que 80.000 personnes sont arrivées en Suède durant les deux mois précédant l’annonce du gouvernement, il y a des migrants qui décident désormais de retourner et de s’installer au Moyen-Orient.
Bien que les lois plus strictes sur l’asile les préoccupent, certains réfugiés et migrants interrogés par HuffPost Arabi pensent également que les barrières linguistiques et les différences culturelles représentent de sérieux obstacles à leur assimilation dans la société suédoise. Nael Hamadi, 28 ans, portait en lui des petits rêves et des grands projets pour l’avenir lors de son voyage qui l’a mené de Turquie à l’un des camps de réfugiés dans la ville de Jönköping, dans le sud de la Suède.
Hamadi, qui détient un Bachelor en ingénierie de l’Université de Damas en Syrie, a récemment décidé de quitter la Suède et de se diriger vers le Moyen-Orient . « Je pourrais retourner en Turquie ou au Liban », a-t-il dit au HuffPost Arabi . « Je ne sais pas exactement . Mais je vais revenir au sein d’une société qui est mieux adaptée pour moi », en ajoutant : « Repartir de rien, ici, est quelque chose que je ne pouvais pas supporter. » Hamadi a expliqué qu’il y a encore de « longues années d’attente ». Il lui faudrait une année avant d’obtenir la résidence permanente, et une autre année pour obtenir le regroupement familial. Il a laissé sa femme et sa fille de trois mois en Turquie. « Et puis il y aura de nombreuses années jusqu’à ce que j’apprenne la langue, valorise mon diplôme , et trouve un emploi », dit-il. « Concrètement, je dois attendre sept ou huit ans avant de pouvoir commencer ma vie ici, et c’est une période que je ne suis pas prêt à perdre. » Le voyage de Hamadi vers la Suède n’a pas été facile. Il a dit avoir payé des milliers de dollars à des passeurs et mis sa vie en danger pendant des mois. « J’ai passé plus de neuf heures à nager dans les eaux à partir du moment où le bateau qui me transportait de Turquie vers l’île grecque de Mytilène s’est renversé », dit-il . « Il me fallait venir ici pour apprendre que ce pays n’est pas une terre promise. » « Je peux faire vivre ma famille et moi n’importe où », poursuit-il. « Je n’ai pas à attendre. » Hamadi dit avoir demandé à retirer sa demande d’asile, mais il doit attendre que sa demande soit acceptée avant qu’il puisse quitter le pays.
Samar, 32 ans, qui est originaire d’Alep en Syrie, n’a pas encore fait une révocation de sa demande d’asile, mais elle dit qu’elle va bientôt le faire. « Ma décision a été prise en réaction à la récente décision gouvernementale », dit-elle. « Les chances que je puisse amener mes enfants ici ont été diminuées – elles ont quasiment disparu. »
Selon l’annonce faite par le gouvernement suédois, la plupart des demandeurs d’asile ne recevront plus que des permis de séjour temporaires à partir d’avril. Le premier ministre suédois, Stefan Löfven, a dit que le regroupement familial en Suède serait sévèrement limité. « J’ai traversé illégalement la moitié de la planète afin de garantir un meilleur avenir pour mes enfants », déclare Samar. « Après les dernières modifications apportées aux lois sur l’immigration, j’ai perdu cette chance. » Et je ne vais certainement pas rester ici sans eux, et je ne vais pas essayer de les amener ici illégalement. Il est même impossible pour moi de l’envisager. « J’ai fait face à la mort un certain nombre de fois sur le chemin ici », poursuit-elle. « Nous avons passé quatre jours perdus dans les bois en Macédoine, sans nourriture . Je ne vais pas prendre le risque qu’il leur arrive la même chose. Voilà pourquoi je vais revenir. » Samar est en Suède depuis cinq mois. Elle passe le plus clair de son temps à parler à ses enfants sur skype – Hayam, 8 ans, Hala, 5 ans, et Rabei, 4 ans. Ils vivent à Gaziantep, une ville du sud de la Turquie, avec leur grand-mère.
Abu-Adel, 48 ans, a également pris la décision de ramener sa famille vers la Turquie . « La Suède n’était pas le bon choix pour nous », dit-il au HuffPost Arabi. Il est le père de trois adolescentes et d’un jeune garçon. « Je ne peux pas les élever ici. La grande marge de liberté, qui confine au chaos, s’est transformée en un fantôme qui me hante partout où je vais », dit-il. « L’indépendance que les enfants reçoivent, leur liberté de faire ce qu’il leur plaît, et la menace constante de perdre mes enfants si je les force à suivre nos coutumes et nos traditions, sont devenus un cauchemar qui me tient éveillé la nuit. » Abu-Adel dit qu’il est accoutumé à une « société conservatrice », où il a été élevé, et que la liberté sexuelle est sa plus grande crainte. « Je vais les ramener à notre région », dit-il. « Je ne laisserai pas une de mes filles avoir une relation avec un jeune homme, sous le couvert de l’amitié. Et je ne peux pas m’imaginer, assis dans le fauteuil d’un spectateur, regarder mon fils boire de l’alcool. Tout est permis là-bas, et je ne peux absolument pas continuer comme ça. »
Hamza Agaan, 22 ans, estime également qu’il est inadapté face aux modes de vie occidentaux. « Je ne peux pas vivre comme ça », dit-il. « Les gens sont très différents dans ce pays. » Il décrit les gens qu’il a rencontrés comme « antisociaux, introvertis et qui manquent de compétences en communication ». Il dit que lors des sept mois qu’il a passés en Suède, il n’a pas été en mesure d’entretenir de relation avec qui que ce soit. Agaan dit également qu’il ne peut pas s’adapter à la façon de vivre en Suède. « Les rues sont vides après 18 heures Il n’y a pas de cafés. Même les bars ne fonctionnent pas, sauf le week-end. » « C’est tout simplement une terre d’ennui et de misère. Il est difficile d’apprendre la langue et de trouver des emplois. Je perds l’espoir d’être capable de tenir ici. » « Les nombreuses difficultés auxquelles nous sommes confrontés en tant que migrants , qui vont du défi de trouver un logement dans les villes au racisme rampant dirigé contre nous, m’ont poussé à prendre la décision de partir », poursuit-il. « Je vais revenir auprès de ma famille et de mes amis, et je vais essayer de construire mon avenir dans un pays que je comprends, et qui me comprend. Ici c’est assurément une autre planète, qui contraste grandement avec celle d’ où je viens. »