Vous l’avez sûrement remarqué, les suggestions de « nouveaux amis » pullulent lorsque vous vous connectez à Facebook. La façon dont ces derniers sont préconisés peut paraître évidente avec une logique a priori simple : les amis de mes amis sont amis. Mais en réalité, les algorithmes peuvent vous associer avec des inconnus de manière diablement plus sophistiquée qu’une interaction humaine classique. Au point de passer pour de l’espionnage.
Imaginez : vous êtes dans un bar. Vous croisez une multitude de personnes, parlez brièvement à un ou plusieurs inconnus. Le lendemain, bien que vous n’ayez aucune relation en commun, ces personnes apparaissent dans votre liste de suggestions « des personnes que vous pourriez connaître ». L’entreprise assure depuis longtemps ne pas utiliser la localisation de votre smartphone pour vous suggérer des amis. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas capable de le faire.
- Ce que tu regardes te regarde
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Plus d’amis = plus d’argent
Pourquoi autant d’insistance de la part de Facebook pour nous faire multiplier les « amis » ? Évidemment, pas par pur désir altruiste de sauver notre vie sociale. Mais parce qu’il parie sur la capacité à nous faire interagir sur le réseau social. C’est ce même désir d’engagement qui a poussé Mark Zuckerberg, ce mois-ci, à expliquer que désormais, ses algorithmes seraient d’autant plus résolument tournés vers les proches des utilisateurs. Car plus nous sommes actifs, présents sur le réseau, plus nous consommons de la publicité. Cette théorie est même inscrite dans un de leurs brevets : provoquer des réactions – des commentaires, des likes, en bref, de l’engagement – sur leur réseau « correspond à une augmentation, par exemple, des opportunités publicitaires ».
Mais pour multiplier les opportunités publicitaires, la plateforme a bien d’autres moyens de deviner si vous avez fait la connaissance d’autres personnes, et ce sans utiliser la géolocalisation. Sur Facebook, plusieurs sources peuvent aider le réseau à identifier ce que fait une personne. Il y a évidement les choses que vous faites, les informations que vous donnez sciemment au réseau. Ensuite, il y a celles que vos « amis » publient sur vous. Et puis, il y a le reste, la zone grise. Les données que vous donnez en acceptant la politique de confidentialité et le règlement des applications, mais sans en avoir vraiment conscience. Est-ce que c’est légal ?
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Votre « profil de l’ombre » dit tout de vous
Parmi ces données que vous apportez à Facebook, il y a d’abord les applications de votre smartphone. Celles que Facebook s’empresse de piller en profitant des autorisations d’accès que vous lui donnez quand vous ouvrez Messenger sur votre téléphone. Prenons le cas de figure où vous acceptez de partager vos contacts WhatsApp, ou d’une autre application de messagerie. À ce moment là, les données récoltées atterriront directement dans les serveurs de la firme californienne. C’est ici qu’intervient le terme énigmatique de shadow profile, ou « profil de l’ombre » que la plateforme constitue sur chacun des ses utilisateurs. « Des personnes peuvent se connaître dans la vraie vie, mais pas sur Facebook. Soudain, elles peuvent être recommandées l’une à l’autre alors qu’elles n’ont aucun lien en ligne visible. Tout ça, à cause de leur profil de l’ombre, leur profil caché », explique Jeramie D. Scott, du centre de recherche sur la vie privée électronique, basé à Washington.
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En France, si les règles auxquelles sont soumises Facebook sont plus strictes que celles des États-Unis, vos données s’envolent donc toujours dans des serveurs en Californie, et ce de manière toujours plus créative. Le nouveau règlement européen de protection des données, qui entrera en vigueur en mai 2018, pourrait contribuer à préserver un peu de votre intimité – mais dans la limite de ce que vous, personnellement, consentez à ne pas partager. Car la seule manière d’avoir réellement le contrôle sur sa vie privée semble aujourd’hui de supprimer son compte.