Pris entre la droite sioniste et la gauche shoahtique : Dieudonné s’est expliqué plus en détails dans une vidéo diffusée sur sa Dieudosphère.
Dieudonné demande-t-il pardon à Alain Soral pour sa soumission (à partir de 9’56) ou s’essaye-t-il à un nouvel humour, la « chutpzah inversée » ?
Analyse des forces en présence
Entre la lettre publiée par Israël Magazine – et lue chez Hanouna – qui a mis le feu aux média et la vidéo, il y a les réactions des deux camps, le lobby juif de gauche, incarné par Rachel Khan, et le lobby juif de droite, incarné par Gilles-William Goldnadel. Les premiers ne croient pas à la sincérité de Dieudonné, ils persistent à le persécuter et à le poursuivre en justice. Les seconds acceptent son pardon, qui ressemble fort à une soumission.
Commençons par la gauche. Rachel Khan s’est expliquée le 11 janvier 2023 sur le site du Point, l’hebdo dans lequel BHL distille sa prose.
Le Point : Comment avez-vous réagi lorsque vous avez découvert la séquence dans laquelle Cyril Hanouna lisait aux téléspectateurs de son émission la lettre d’excuses à la communauté juive de Dieudonné ?
Rachel Khan : J’ai trouvé cela fou. Cette émission n’est ni le lieu ni le cadre pour le faire. Républicaine, je crois aux tribunaux, pas aux médias, ni à Cyril Hanouna endossant le rôle de procureur. C’est à la justice de tirer les conséquences des propos éperdument violents et offensants de Dieudonné. Il ne suffit pas de faire diffuser une lettre pour s’en disculper, cela se réglera devant les tribunaux. Si Dieudonné tient à demander pardon, qu’il vienne au tribunal, devant les représentants de la loi et de la justice ; il n’était même pas là en première instance ! Par ailleurs, s’il tenait vraiment à demander pardon et reconnaissait la gravité de ses actes, il retirerait son appel, qui est pour l’heure maintenu.
Mais il y a plus dur encore : Hubert Bouccara, un spécialiste de Kessel selon Tribune Juive qui a refusé de publier la lettre de Dieudonné.
Emprunté au philosophe Jankélévitch, célèbre pour son « presque rien », et d’ailleurs pas grand-chose d’autre, l’argumentaire de Bouccara :
Jankélévitch pressentait le danger lorsqu’il écrivait que l’antisémitisme n’a jamais disparu et ne disparaîtrait jamais. « Comme les perversions, il revêt toutes sortes de métamorphoses (…). N’en doutez pas : l’antisionisme est actuellement son alibi le plus redoutable, son camouflage le plus dangereux. C’est l’aubaine inespérée, l’introuvable prétexte, la motivation providentielle ! Avoir le droit, et même le devoir de haïr les Juifs dans l’incarnation que représente Israël, il fallait y penser ! Tel est le génie de la perversité antisémite : il permet de rassembler, de justifier tous les instincts nazis et (ce qui est un comble) leur donne une légitimation "démocratique". Qui dit mieux ? » (« De l’antisémitisme », Information juive, juillet 1975).
La haine des Juifs nous montre chaque jour un incroyable potentiel d’adaptation et de surprises. Oublier, c’est pardonner. Pardonner, ce serait faiblir. La lucidité nous conduit à ce terrible aveu : « Le pardon est mort dans les camps de la mort ».
Dans le genre pas de pardon, la sortie de Marc Knobel, « historien » directeur des études au CRIF :
Il réagit aussi sur le site de La Règle du Jeu, la revue de BHL :
Pardonner ?
Dans ces conditions quel crédit accorder à un activiste antisémite et négationniste lorsqu’il vient demander pardon à la communauté juive ?Les fourberies de Dieudonné, je connais. J’ai eu l’occasion avec mes camarades de SOS Racisme, de l’UEJF, de la LICRA et du MRAP et d’autres associations, de le voir, de l’entendre, de le regarder, et de l’affronter, lors de différentes audiences.
J’ai vu son petit rire moqueur lorsqu’au tribunal, l’on projetait quelques-unes de ces vidéos « assassines ». J’ai vu sa satisfaction, son orgueil démesuré et sa brutalité. L’homme (en bermuda) devant les juges, sans attendre de nous entendre, je l’ai vu se régaler de ses saillies misérables et racistes. Je l’ai vu également sur Internet, se régaler de ses mots/maux et exciter son public, notamment les jeunes de banlieue, jetant comme on jetterait aux chiens, des os. Lui, Dieudonné M’Bala M’Bala jetait en pâture les Juifs, avec une expression particulière du visage et un sourire carnassier…
Alors, pardonner ? Jamais. Par contre, nous continuerons de le traîner devant les tribunaux, afin que justice soit rendue.
Voilà pour les principales réactions des représentants médiatiques de la communauté juive de gauche. On rappelle que Rachel Khan est le lieutenant de la très influente héritière du groupe Publicis, Élisabeth Badinter, qui avait autorisé l’islamophobie sur France Inter.
En face, chez les hiérarques juifs de droite nous trouvons l’animateur-producteur Hanouna, bien sûr, qui a accepté le pardon de Dieudonné en direct, et surtout l’avocat sioniste Goldnadel, qui est devenu son nouvel ami, son « frère en humanité » comme le qualifie Dieudonné dans sa vidéo. On y apprend aussi que l’humoriste a été mis en contact avec le rédacteur en chef d’Israël Magazine par le chanteur Francis Lalanne, qui fait depuis des années des appels du pied à la communauté juive. D’abord en 2010 avec cette interview sur Torah TV :
Puis en 2017 lors de la Tsedaka (soirée de dons pour les pauvres d’Israël) dans une interview donnée à Actualité Juive.
Actualité Juive : Voilà une transition toute trouvée : de la célébration de la vie à votre engagement aux côtés de la communauté juive dont vous vous êtes toujours déclaré très proche…
Lalanne : Quand on trinque en hébreu, ne dit-on pas Le Haïm, À la vie ? La communauté juive préfère célébrer la vie plutôt que la mort. À la vie, à l’amour, Le Haïm, Le Ahavah et c’est surtout en cela que je me sens très proche d’elle.Actualité Juive : Avez-vous un lien à la communauté, autre qu’affectif ?
Lalanne : Vous me demandez si je suis juif ? Non, je n’ai pas d’origine juive. Mais on n’est pas obligé d’être juif pour avoir de la sympathie pour la communauté juive. Du moins, je l’espère… Je serais plutôt le Ger toshav, l’étranger qui sympathise. Dans la communauté, j’ai souvent entendu : « Francis, c’est un Mensch » !Actualité Juive : Le Mensch a répondu présent en acceptant d’interpréter l’hymne pour la Tsédaka…
Lalanne : Gérard Garson, le président de la Tsédaka et le compositeur Claude Solier ont eu l’idée de créer un hymne et ils m’ont fait l’honneur de me demander de l’interpréter. Qu’il y ait un chant reliant tous ceux qui se mobilisent autour des valeurs, des projets et des causes de la Tsédaka est une très belle idée.
La paire Goldnadel-Hanouna flanquée du barde Lalanne peut en outre compter sur Élisabeth Lévy, la pasionaria sionarde alcoolique, qui s’est ainsi exprimée sur Sud Radio dans sa rubrique Sans interdits.
« Il change de registre aujourd’hui, malade, il part finir sa vie au Cameroun, il semble vouloir solder les comptes, faire la paix avec ceux qu’ils a offensés. (...)
En 2012, quand il présentait sa liste antisioniste aux Européennes avec Soral, qui lui est un antisémite dangereux, rabique et non repenti, il ne rigolait pas. Quand il affirmait les juifs sont des négriers reconvertis dans la banque, il ne rigolait pas. »
En ajoutant sournoisement qu’il n’est « pas un intellectuel ». Elle termine sur un pragmatique :
« Et puis après tout, un antisémite de moins, eh bien c’est toujours ça de gagné ! »
Gilles-William Goldnadel, lui, moins vindicatif, accorde son pardon, mais « sous conditions » (cliquez sur l’image, mais la vidéo complète est payante).
Bonus 1 : extrait de l’interview filmée à Israël Magazine
EXTRAIT de l'interview de Dieudonné réalisé hier matin.
Après visionnage la chaîne israélienne, décide de ne pas le diffuser :https://t.co/79GxTMCcDg https://t.co/gvqT7rzbOu pic.twitter.com/BhHXuWN3vp— Jugé Coupable (@JCoupable) January 12, 2023
Bonus 2 : le verbatim de la réponse de Dieudonné
Le contexte politique et people de cette opération sans pareille étant posé, passons à la vidéo d’explications, ou de justifications, de Dieudonné. Elle a été mise en ligne sur sa Dieudosphère le 12 janvier 2023 à 19h30. En voici le verbatim complet. On ne pourra pas dire qu’on a ôté les citations du maître humoriste de leur contexte. Il manque juste les passages vidéo de la lettre lue par Cyril Hanouna et de la réaction d’Alain Soral sur le site E&R.
Cela faisait plusieurs années que je tendais la main, en vain. Je la tendais à ceux et celles que j’avais pu sincèrement heurter, choquer, blesser à travers mes innombrables gesticulations artistiques. Et puis il y a quelques mois donc, les choses ont évolué.
Jean-Marie Bigard s’est rapproché de moi et a émis le souhait de faire un duo, ensemble. Le sujet central de ce foutu spectacle était le pardon. Une fois de plus je me suis donc retrouvé seul après la défection de Jean-Marie, seul sur scène à porter mon pardon à travers la France.
Donc après la démission de Jean-Marie, je rencontrai Francis Lalanne, et puis un jour Francis m’a appelé et il m’a demandé pardon. (...) Et puis qui a fini par faire de nous des amis.
« Tu es certainement un des comiques les plus drôles, il faut te réhabiliter. Est-ce que ça te dérangerait de demander pardon ? » Je lui ai répondu que non, que j’avais fait cette démarche à maintes reprises mais que je n’avais jamais réussi à faire entendre cette demande.
Il m’a donc demandé de rédiger un texte, un texte qui a fait le tour de France, une demande de pardon, donc je l’ai fait, et lui l’a transmise à son ami Franck Khalifa [un attaché parlementaire RN, NDLR], des amis que je ne connaissais pas, qu’il a à son tour transmise à André Darmon. Alors lui je l’avais rencontré, mais il y a 20 ans, et qui lui André Darmon, après moult hésitations, a publié donc cette lettre sur son site Israël Magazine, et là…
Cyril Hanouna a lu ma missive en direct dans une émission, c’était quelques heures après sa publication, et tout s’est enchaîné. Il l’a lue avec une certaine, euh, il était habité par quelque chose, écoutez-le. […]
Donc cette lettre a ouvert en 24 heures un large débat national sur le pardon. Peut-on pardonner Dieudonné ?
Cyril Hanouna a répondu dans son émission en direct, « ben moi je pardonne », donc là je remercie évidemment sincèrement donc Cyril Hanouna. Je sais qu’il y a quelques semaines, quelques mois, il ne voulait pas me parler, et là il me pardonne. En me pardonnant, et pour la première fois, il m’a, il m’a fait plaisir, il m’a touché, c’est vrai, donc je lui dis, et il ne fut pas le seul, y a eu Gilles Verdez sur le plateau, qui quelques semaines avant me pourrissait la vie. Et puis là il était « non, si Dieudonné demande pardon, il faut lui pardonner ».
Et ils ne furent pas les seuls ! Gilles Goldnadel, alors lui je vous cache pas que j’étais lié à cet homme par un mépris que je pensais absolument indéfectible, eh bien lui aussi m’a pardonné. Et là comme par enchantement, en une seconde nous sommes devenus quelque part reliés par ce pardon, frères en humanité. Le pardon mes amis, et je vous le dis du fond du cœur, le pardon est le chemin le plus rapide vers l’autre, vers la paix.
Certains de mes amis m’ont, comment dire, m’ont transmis leur totale incompréhension. C’est le cas d’Alain Soral.
Je vais vous parler d’Alain Soral, j’en parle rarement, qui dans un message posté sur son site, et donc rendu public, donc je peux en parler, il répond à mon initiative de pardon en ces termes. […]
Ça c’est son côté professoral hein, il aime bien mettre des notes. Alors je tiens ici à répondre à mon ami Alain Soral, à mon frère de combat contre la censure, pendant des décennies nous avons mené combat ensemble, contre cette censure, pour la liberté d’expression.
Alors il s’en réfère au credo. Alors pour ceux qui ne connaissent pas, le credo de l’Église catholique, le credo en latin c’est « je crois ». Ça désigne le texte officiel de la profession de foi chrétienne :« je crois en un seul dieu tout puissant… »
Alors Alain qui comme moi est inspiré par le Christ et il est de culture et de religion chrétienne, nous explique donc que le credo nous invite donc à pardonner à nos ennemis et à demander pardon à Dieu, oh mais là-dessus y a rien à dire, c’est formidable, mais Alain s’arrête en chemin car pour lui il est encore inconcevable de demander pardon à Israël Magazine.
Alors je lui réponds ici que je suis d’accord, que je l’encourage aujourd’hui à faire un pas supplémentaire sur le chemin du pardon, car accorder son pardon à l’ennemi, comme le fait quelque part William Goldnadel, Goldnadel avec moi, je trouve ça extraordinaire, certes, demander pardon à Dieu c’est admirable, c’est fantastique, mais, mais, mais c’est encore facile, Alain.
Ça reste concevable, accessible, à notre orgueil, mais demander pardon à l’adversaire demande un effort supplémentaire, c’est parvenir à dépasser son ego pour se livrer entre les bras de l’Éternel, qui l’a fait pour nous.
C’est ce que Benoît XVI d’ailleurs a fait dans son testament spirituel rendu public par le Vatican le 31 décembre dernier, testament dans lequel il demande, je cite « à tous ceux à qui j’ai fait du tort, d’une manière ou d’une autre, je demande pardon, du fond du cœur ».
Merci monseigneur Benoît XVI, merci Joseph Ratzinger, vous m’avez quelque part montré l’exemple, à mon tour de montrer à d’autres cet exemple, exemple du pardon, et à commencer par mon ami Alain Soral, allez Alain, Alain, Alain, encore un pas, demande pardon à Israël Magazine, qu’est-ce ça peut foutre ? Et à tous ceux qui t’énervent et que tu énerves demande pardon, accompagne-moi dans cet ultime combat mon ami, contre cette arrogance qui ronge le monde, qui nous ronge tous !
Osons nous dépouiller des oripeaux de l’ego, Alain.Alors oui bien sûr certains crient « il se soumet, c’est Mamadou Sakho, c’est un renoncement, c’est de la lâcheté ! » À ceux-là j’ai envie de dire quand même je me suis jamais senti aussi courageux qu’aujourd’hui, aussi digne, droit dans mes bottes, je suis spectateur, mes amis, de mon propre panache que je trouve immense ! Et ce panache nous l’avons tous, c’est ça qui est extraordinaire avec le pardon.
Demandez pardon et votre vie va changer.J’ai envie de m‘adresser à Vladimir Poutine par exemple, que je crois très proche, lui, de la parole de Jésus Christ, je m’adresse à lui en disant, « au nom de Jésus Christ, demandez pardon à l’Ukraine, et je m’adresse à monsieur Zelensky je lui dis, demandez pardon à la Russie, au peuple russophone du Donbass ! »
On me reproche ma proximité avec l’Iran, mais monsieur Khamenei, demandez pardon au nom du Christ à votre peuple, je demande évidemment à Israël de demander pardon à la Palestine, de la Palestine oui, de demander pardon à Israël.
Demandez pardon, et retrouvez le lien qui nous manque aujourd’hui dans ce monde.
Donc à ceux qui ne parviennent pas à me pardonner et ils sont évidemment très nombreux, ils se manifestent aujourd’hui, je leur dis en fait en vous demandant pardon je n’attends rien en retour de vous, moi je continue ma vie à faire mes spectacles… Et je ferai rire les gens jusqu’à ma retraite, jusqu’au moment où je me retirerai dans ma forêt, au Cameroun, parce que à un moment donné je me dois de retourner chez moi.
Le débat que j’ai ouvert sans vraiment le vouloir sur le pardon a poussé certains à sortir de l’indifférence générale pour prendre parti, en refusant mon pardon. Mais c’est leur liberté, je comprends, ils ont le droit, mais quelque part je les plains, car je crains que leur refus ne les enferme encore dans leur colère, pour ne pas dire leur haine.
C’est étonnant mais ce pardon que j’ai demandé a révélé certaines haines, quoi qu’il en soit je leur souhaite, à ceux qui refusent, le pardon une bonne route, même si je considère que le chemin de la rancune, de la colère, est un cul-de-sac.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Ben nous verrons bien, j’ai envie de dire peu importe, je ne comprends pas ce qui se passe, sur le champ de bataille médiatique j’ai posé les armes et j’ai demandé pardon, à la stupeur générale. Donc certains ont accepté ce pardon et ensemble nous allons construire un après, après ce pardon. Comment ça va se passer ?, j’en sais strictement rien. J’ai proposé à André Darmon, le rédacteur en chef d’Israël Magazine de me présenter un humoriste juif, à qui j’aimerais présenter un humoriste iranien particulièrement talentueux que je connais bien, parce que je connais bien la culture iranienne, je m’y suis rendu plusieurs fois, j’aimerais leur écrire un spectacle, j’aimerais les mettre en scène dans un spectacle justement autour de ce thème, faisons rire ensemble les peuples iraniens et les peuples israéliens, ce serait formidable. Avançons encore un peu, comme moi mon travail c’est de faire rire, ben laissez-moi travailler, dans une direction qui est celle du pardon. Alors parviendrons-nous à mettre en place ce spectacle ?, je ne sais pas, inch’Allah.
Mon invité mystère, qui n’est plus si mystérieux que ça, puisqu’il est sorti du bois, sera là. Il m’a dit « écoute Dieudo, beaucoup de pression, énormément de pression », mais il sera là. Aujourd’hui vous connaissez son nom, il s’appelle Francis Lalanne, et il a pris le risque de tout perdre, cette fois-ci. Il avait déjà plus grand-chose, mais là… Donc venez le soutenir dans cette initiative.
Sachez en tout cas que je me sens extrêmement libre aujourd’hui, vraiment. Très libre et je me sens digne et je me sens en phase avec ce que je pense, profondément. Donc pardonnez vous aussi, vous verrez, c‘est magique.