Une folie saisonnière s’est emparée de l’humanité. Un jour, on s’en souviendra comme d’une nouvelle chasse aux sorcières, mais à l’échelle globale. L’histoire des sorcières de Salem avait englouti une petite ville dans une lointaine colonie britannique, mais le confinement pour cause de Coronavirus a cassé les reins à l’économie du monde entier, paupérisé des millions de gens, enfermé trois milliards de personnes, causé d’innombrables suicides et malheurs. On pourrait comparer cela avec la Première Guerre mondiale, lorsque l’Ouest, au sommet de ses réalisations historiques, s’est précipité vers sa propre destruction pour des raisons si ténues qu’aucun des acteurs contemporains n’était en mesure d’en rendre compte de façon convaincante.
Cette folie, c’est la peur de la mort qui la nourrit. La mort, un événement normal pour nous aïeux, une transformation paisible, une fois que le corps devenu superflu repose au cimetière, et quand l’âme a rejoint son Créateur, est devenue la pire chose qui puisse vous arriver, une catastrophe à éviter à tout prix, parce qu’il n’y a pas d’au-delà, pas de Créateur à qui rendre son âme : ne reste que l’ici et maintenant. « Ils se sont embarqués dans la guerre contre la mort », comme l’a fait remarquer notre collègue C.J. Hopkins. En cherchant à échapper à la mort, l’humanité s’est infligée une blessure mortelle.
Ce n’est pas une coïncidence si le seul État occidental sain d’esprit, la Suède, avait évité la Première puis la Seconde Guerre mondiale : elle échappe à la terrible auto-destruction du corona. J’écris ces mots depuis la Suède, justement, où les écoles et les jardins d’enfants restent ouverts, dans la normalité, et où les parents ne deviennent pas fous au contact de leurs ados agaçants ; les magasins et les bars sont ouverts, les églises célèbrent leurs messes et autres services religieux, et les gens sont libres de traîner dans les parcs et les forêts somptueuses. Qu’il suffise de comparer la Suède avec son grand voisin : les Suédois passent 43 % de temps en plus que d’habitude dans leurs parcs, tandis qu’en Allemagne, les gens y passent 50 % de temps en moins.
Les Allemands risquent des amendes : 500 euros pour une visite à la famille ou aux amis ; même chose si trois personnes ou plus se rassemblent ; ou encore si on se tient à deux mètres ou moins d’une autre personne ; 75 euros si vous n’avez pas votre Ausweis sur vous. Les Suédois n’ont pas besoin d’autorisations, et ils sont libres de se rendre visite et de mener leur vie sociale.
La société allemande est en train de se disloquer. Les gens ont peur de se voir les uns les autres. Les enfants développent l’addiction aux jeux. La solitude se répand plus vite que le virus. La nouvelle génération d’Allemands et d’Européens en général sera hikimori, une génération d’ermites, de reclus sociaux. Au Japon, il y a des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes qui se mettent en retrait de la société. Et cette maladie sociale est en train de se répandre ; cela peut être le coup de grâce pour une Europe fracassée par les vagues migratoires, le néolibéralisme, le politiquement correct, et les délires homosexuels ou transgenriques.
L’union sexuelle de l’homme et la femme a été minée par la bataille sociétale contre la « masculinité toxique », le « sexe protégé », la facilité avec laquelle les gens peuvent être traduits en justice pour de supposés harcèlements ou viols. On touche le fond, et la prochaine génération va écouter avec horreur l’histoire d’Adam et Eve. Mais en entendront-ils seulement parler ? Les églises sont fermées, la messe est interdite. En voulant battre la mort, l’humanité s’est livrée à la mort. Les Allemands ont oublié les mots de leur grand poète, Goethe :
« Und so lang du das nicht hast,
dieses Stirb und Werde,
bist du nur ein trüber Gast,
auf der dunklen Erde. »
Ce qui donne en français :
« Et tant que tu ne comprendras rien
Au sens des mots : Meurs et Deviens
Tu seras un obscur passager
Sur cette Terre enténébrée. »
Soit peut-être encore mieux car concis : « Meurs et deviens ! »
De fait l’Europe peut s’attendre à des milliers de faillites et de suicides. Les petites et moyennes entreprises suédoises survivront, tandis qu’en Allemagne elles vont mourir. La Suède se remettra de la crise en tant qu’État démocratique, comme elle a survécu aux deux guerres mondiales ; tandis que l’Allemagne, la France et l’Italie se précipitent vers une dictature style 1984 dans leurs nations en ruines, comme les derniers usagers de Pornhub restent accros à l’Internet tant qu’il en reste.
Cet effondrement massif n’est même pas médicalement inéluctable. Le corona est dangereux, mais ce n’est pas la peste. Le taux de mortalité en Suède reste normal pour la saison ; ils ne font pas beaucoup de tests et n’ont pas de confinement, simplement on recommande aux gens de se laver les mains et de garder leurs distances. Les rassemblements de plus de cinquante personnes sont interdits. Il y a moins de gens dans les rues que d’habitude, mais la Suède n’est pas sous l’empire de la panique. Est-ce qu’il y a des Suédois qui en meurent ? Oui, absolument, mais ils n’étaient pas immortels avant le virus non plus.
Les morts liés au virus en Suède sont de l’ordre de 40 par million d’habitants, trois fois moins qu’en France et deux fois autant qu’en Allemagne, bien que ces deux pays aient mis en place un confinement sévère. Étant donné que la Suède, comme tous les pays occidentaux, a voulu ces dernières années se battre contre la mort en soi, et a maintenu en vie des quantités de gens malades et âgés, y compris par des moyens excessifs, on pourrait s’attendre à ce que cette moisson soit plus importante. Comme pour toutes les infections, les grandes villes sont plus dangereuses que les villages, et les maisons de retraite, véritables cocons où les vieux attendent une mort imprévue, sont les plus grands pièges mortels. La Suède n’a pas de grandes villes comme New York ou Londres, mais il y a beaucoup de gens âgés et très âgés qui pourraient succomber au virus.
Je suis fier des hommes politiques suédois, des sociaux-démocrates au pouvoir qui brandissent la torche de la liberté malgré l’énorme pression des médias occidentaux. Les journaux directeurs des Maîtres du discours, le New York Times et le Guardian, publient presque tous les jours des articles prédisant l’apocalypse pour la Suède, mais le Premier ministre résiste aux prophètes de malheur. Les médias suédois ne tombent pas dans le mode panique, et cela fait du bien. Je ne sais pas combien de temps les Suédois seront capables de résister à la pression, si les ennemis de la liberté tentent un changement de régime ou si on va juste les obliger à obéir de force, mais c’est ce qu’ils risquent vraiment.
Même aux États-Unis, la vérité toute simple a commencé à sombrer : la crise du corona est une crise médiatique, comme tellement d’événements récents l’ont été. Le 11 Septembre et la guerre contre le terrorisme en relèvent aussi. Depuis cet incident unique (et qui reste mystérieux) il n’y a pas eu d’attentat terroriste aux États-Unis. De rares attentats individuels en Europe ont été en général perpétrés par des gens détraqués par la guerre américaine au terrorisme. Plus de gens ont été tués par des meubles leur tombant dessus chez eux que par des terroristes islamistes, mais le prix qu’on a fait payer aux Américains et aux habitants du Moyen Orient pour cette guerre a été stupéfiant, parce que les médias ont su créer une vague de panique.
Il en va de même pour la pandémie. Même le très correct Los Angeles Times a fait remarquer que « la grippe a touché 36 millions d’Américains depuis le mois de septembre, et en a tué environ 22 000, selon le CDC, mais ces morts-là, on les passe sous silence ». Le virus est réel, et c’est mortel pour ceux dont la survie dépend exclusivement de la médecine de pointe. Pour le reste des gens, non. De temps en temps, les médias balancent une histoire de jeune ou d’enfant ayant succombé au virus. Ils ne mentionnent jamais que le jeune homme souffrait d’une leucémie (comme dans le cas de l’entraîneur de foot Francisco Garcia) ou que l’enfant était né avec un handicap tel qu’il ne pouvait pas vivre de façon autonome. Les gens malades sont plus susceptibles de succomber, c’est tout.
Les Russes sont très décevants. Ils ont renoncé à leur indépendance et franchi la ligne. C’était un spectacle ahurissant : pendant des semaines, les médias favorables au gouvernement (y compris les blogueurs) se sont moqués des mesures de confinement occidentales. Ils ont brandi tous les arguments que les dissidents occidentaux du corona soulèvent. Et puis, d’un jour à l’autre, ils ont basculé. Pas à cause des morts (la Russie a en tout en pour tout 34 cas liés au virus [58 décès à ce jour], un nombre infinitésimal, mais, sous le coup des pressions, Poutine a eu beau refuser le confinement ou des mesures comparables, il a permis aux gouverneurs des provinces de prendre les mesures requises localement, et tant Moscou que Saint-Pétersbourg ont craqué, avec appétit.
Et ce n’est pas tout, on chope de lourdes amendes si on est dehors sans son Ausweis, si on conduit, ou si on promène son chien à plus de cent mètres de chez soi. Ils ont fermé les parcs, limité la vente d’alcool, fermé les bureaux de tabac. Maintenant la vie dans les villes russes principales est aussi restrictive que partout ailleurs sur la planète-prison, mais ils envisagent de faire mieux, en introduisant un QR Code pour les gens autorisés à sortir de leur propre domicile. Il paraît que Poutine s’y oppose, mais Sobyanine insiste. Et comme de juste, le Financial Times pro-démocrate, le journal qui a soutenu Obama et Clinton, soutient désormais Sobyanine contre Poutine.
Les églises sont fermées ; les chrétiens, dans ce pays très pratiquant, se voient interdire d’assister aux célébrations : plus de communion, plus de liturgie. Même sous Staline, pendant la guerre, quand les troupes allemandes étaient à quelques miles du Kremlin, les Moscovites avaient la permission d’aller aux messes de nuit pour communier, mais pas maintenant.
Les médias russes et les blogueurs ont épousé le virage, sans ciller. L’opposition pro-occidentale libérale s’en est réjouie parce que c’est dans le style proprement moderne et occidental, et les partisans d’un autoritarisme de droite ont approuvé parce qu’ils aiment les restrictions. C’est triste à dire, mais les Russes, ces gens formidables, n’ont pas de vraies convictions. Ils étaient tous pour le communisme jusqu’au jour où on leur a dit de laisser tomber, et ils ont obtempéré comme on laisse tomber son chapeau. Ils étaient pour Poutine et pour l’indépendance, mais quand ils ont eu l’impression que Poutine était en train de perdre la bataille au plan intérieur, ils ont immédiatement tourné casaque.
Maintenant la majorité des médias russes et des blogueurs disent que Poutine avait fait preuve de faiblesse, quand il n’avait pas appelé au confinement, et, nonobstant permis au maire de Moscou Sergueï Sobyanine de le faire à sa place. Ils auraient voulu que le grand homme se mette lui-même en quarantaine. C’est stupide, mais je pense qu’il est toujours bon de comprendre ce qu’il se passe vraiment. Pour les Russes, c’est à nouveau 1991, l’effondrement du monde tel qu’ils l’habitaient, le monde des vacances à l’étranger, en Turquie ou en Égypte, en France et en Espagne, le monde des cafés sympas et des coiffeurs. Le nouveau monde est aussi strict et menaçant que la sombre époque de l’occupation allemande avec ses nombreux interdits, mais ils essayent de survivre.
Mais il y aura un autre revirement, parce que le confinement est très difficile pour les Russes avec leurs très petits appartements. Si cela dure, on peut s’attendre à beaucoup de conflits familiaux et de violences. Les familles russes modernes travaillent habituellement, et se retrouvent seulement le soir. Peut-être, alors, que Poutine pourrait arriver comme le sauveur, pour les délivrer de leur captivité.
Mais l’endroit le pire, en ces temps obscurs, c’est Israël. Ils ont vaincu la mort, et en même temps tué la vie, le revers de la médaille. Israël a très, très peu de morts en rapport avec le virus. Il s’agit toujours de gens de plus de 80 ans, dans des maisons de retraite. Plus une école, plus une crèche d’ouverte. On interdit aux gens de s’aventurer dehors, le Mossad et la police sont à leur trousses, tout le temps.
Et la guerre à la mort est une guerre contre Dieu. Les églises sont fermées par décret gouvernemental, même la vénérable église de la Résurrection ou celle du Saint-Sépulcre. Les mosquées sont fermées aussi, même la mosquée al-Aqsa. Et c’est contre les juifs pieux que le régime sioniste et sans Dieu s’est déchaîné. Leurs meutes militaires ont scellé les synagogues avec les techniques mises au point contre l’Intifada palestinienne, quand ils avaient bouclé les échoppes palestiniennes dans la vielle ville de Jérusalem.
Ils ont envoyé leurs meilleurs combattants, les unités de commandos, pour arracher des vieillards à leurs familles ou les extraire de leurs foyers, et ont traîné ces vieux juifs pieux dans des hôtels réquisitionnés, pour les séquestrer dans la solitude. La ville principale des juifs orthodoxes, Bene Brak, a été cernée et mise sous blocus comme la bande de Gaza. Leurs voisins sionistes à Ramat Gan demandent à ce que Bene Brak soit encerclée par un mur, pour que les juifs religieux ne s’aventurent pas à l’extérieur. Les ados défient bravement la police et l’armée, en les traitant de nazis, et ils leur toussent ostensiblement à la figure. Les hommes vont prier dans des synagogues souterraines, juste pour se voir dénoncer par des voisins dévots de l’intérêt public supérieur, comme à l’époque d’Anne Frank. Cette répression des juifs croyants est probablement ce qui est arrivé de pire en bien des années d’histoire juive.
La religion juive a beaucoup de défauts, aucun doute là-dessus, mais l’attachement juif à la foi, leurs nuques raides, leur propension à se rebeller plutôt qu’à se soumettre, constituent un bel exemple pour le monde. Je me sens fier de ces rebelles orthodoxes dans leurs défroques médiévales, qui défendent leur droit à prier Dieu et à faire face à la puissante armée, exactement comme leurs concitoyens les Palestiniens qui ont combattu la même armée pour al-Aqsa.
Quand les juifs sont bons, ils sont très bons. Quand ils sont mauvais, ils sont vraiment mauvais. Et les juifs sans Dieu sont souvent dans la deuxième catégorie. Ils poussent leur envie de vivre trop loin, et leur guerre à la mort est une guerre totale, comme le bombardement de Dresde. Israël est probablement la seule nation au monde où des patients de 90 ans sont branchés de force à des respirateurs. Le prix à payer, c’est une quarantaine totale ; ce qui n’empêche nullement les banques de monter leurs taux d’intérêt, et de forcer les sans emploi à continuer à payer leurs loyers exorbitants à leurs propriétaires absents.
Aux États-Unis, il y a deux forces qui s’affrontent, pour la riposte au virus. Les financiers et les industriels, soit la monnaie d’autrefois et la nouvelle, ou Hollywood contre la Rust Belt [les zones industrielles périmées], les appellations sont variables. Il semble que les deux seront vaincus, comme l’Angleterre et l’Allemagne avaient toutes deux perdu, dans la guerre mondiale précédente. Le président Trump veut sauver son pays, et on se souviendra de son beau geste, quand il a refusé de porter un masque, mais il n’est pas assez fort pour faire les changements nécessaires.
Je ne sais pas s’il y a encore moyen de faire marche arrière vers un peu de normalité, et si le monde d’hier est mort pour ne plus ressusciter. Mais avant de sombrer dans cette affreuse dystopie, il y a encore une chance. Le Carême est presque fini, et voici Pâques qui arrive. Ce serait une bonne chose d’en finir avec ces restrictions et de laisser les gens en liberté sur la merveilleuse Terre que Dieu nous a donnée. Et pour ce qui est de la guerre à la mort, le président Trump et le président Poutine peuvent déclarer qu’ils l’ont gagnée, en laissant les gens se retrouver dans leurs églises, et déclarer que le Christ est ressuscité, et que la mort a été battue à son propre jeu.