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Harcèlement, discrimination, fatigue : pourquoi les pompiers craquent

De nombreuses procédures sont en cours chez les pompiers pour discrimination, harcèlement et même suicide. Le malaise est profond alors qu’ils sont un rouage essentiel de la sécurité civile. Enquête sur ces « héros » qui n’ont plus envie de se faire discrets.

 

« Sauver ou périr », la devise des pompiers de Paris pourrait-elle se transformer en « sauver et périr » ? Les pompiers sont essentiels pour la sécurité civile, mobilisée en cas de catastrophe ou de guerre pour secourir les populations. Le modèle français repose sur 43 000 pompiers professionnels présents dans les SDIS, les Services départementaux d’incendie et de secours, et surtout sur 200 000 pompiers volontaires.

« Ils ne sont pas bénévoles mais volontaires, c’est-à-dire rémunérés fort peu mais indemnisés pour le temps de garde ou d’astreinte qu’ils accordent à leur caserne », détaille Romain Pudal, sociologue et auteur du livre Retour de flammes, Les pompiers des héros fatigués paru en 2016. C’est essentiellement grâce à ces pompiers volontaires que la France assure des secours sur l’ensemble de son territoire. Ils prennent sur leur temps libre pour être d’astreinte, voire de garde en caserne. Ils sont beaucoup moins formés que les professionnels, qui ont un statut de fonctionnaire territorial. Ils font des vacations pour quelques centimes d’euros de l’heure, ou pour une dizaine d’euros s’ils partent en intervention.

 

« 96 heures de garde d’affilée »

Si plusieurs de ces pompiers volontaires ont expliqué à la cellule investigation de Radio France que ce n’était pas l’argent qui les motivait, d’autres ont admis que cela leur permettait de payer la scolarité de leurs enfants dans un établissement privé ou l’achat de leur voiture. « La hiérarchie les tient grâce aux vacations, aux grades et aux médailles », estime Bruno Ménard, le secrétaire général du tout nouveau syndicat des sapeurs-pompiers volontaires de France. Ils n’ont pas de CDI mais un contrat d’engagement renouvelable tous les cinq ans. « J’ai connu l’exemple d’un volontaire qui avait fait 96 heures de garde d’affilée. On est complètement hors des clous », explique le sociologue Romain Pudal, également ancien pompier volontaire. D’ailleurs, plusieurs décisions de justice ont considéré que le pompier volontaire pouvait être assimilé à un travailleur au regard de la directive européenne sur le temps de travail. Il devrait donc avoir un contrat de travail, avec une rémunération d’une autre nature.

Sur ce point, la direction générale de la sécurité civile a répondu à la cellule investigation de Radio France que « des réflexions étaient en cours pour consolider juridiquement le volontariat ». Il faut dire que selon un rapport sur l’activité de sapeurs-pompiers volontaire de l’inspection générale de 2023, il y a plus de 3 300 casernes en France qui n’ont que des volontaires dans leurs effectifs. Ces volontaires doivent même rester de garde sur place dans plus de 1 500 centres.

Sur les temps de garde trop élevés, la direction de la sécurité civile estime qu’« il peut arriver que certains centres de secours fixent des seuils de temps d’activité minimum. Les services sont très attentifs au repos physiologique de leurs personnels. Néanmoins, ils n’ont pas la possibilité de vérifier les cumuls d’activité auprès des employeurs des sapeurs-pompiers volontaires ». Si le pompier volontaire enchaîne les gardes et son travail sans repos et qu’il a un accident, il sera donc tenu pour responsable.

 

Des temps de trajet plus longs, des interventions plus tendues

Même si les effectifs de pompiers sont restés stables, le nombre de casernes a baissé de 30 % en 20 ans alors que la population française a augmenté et vieilli. Les interventions concernent à 86 % du secours à la personne, en particulier les téléalarmes des personnes dépendantes seules à leur domicile. Depuis 2000, le nombre total d’interventions est passé de 3,5 millions à près de 5 millions par an. « Avant, on assurait un départ en sept minutes. Maintenant il nous faut au moins vingt minutes », raconte un ancien pompier de Haute-Saône. Selon les données de la sécurité civile, le délai avant d’arriver sur une intervention a augmenté de deux minutes en moyenne, mais cela représente beaucoup plus en campagne avec les déserts médicaux.

« On se retrouve avec des tensions, des insultes, voire des coups, y compris en milieu rural, sur des interventions qu’on effectuait jusqu’à maintenant de manière tout à fait tranquille, parce que les gens nous reprochent le délai d’arrivée », renchérit Manuel Coullet, secrétaire national du syndicat Sud des SDIS.

Les pompiers sont un peu le thermomètre des difficultés sociales de la population. « Comme il y a moins d’assistantes sociales, moins d’éducateurs spécialisés, les seuls qui répondront toujours présents sont les pompiers », explique le directeur de recherche au CNRS Romain Pudal. Emmener des personnes à l’hôpital faute de suivi médico-social n’est pas considéré comme une mission d’urgence pour beaucoup de pompiers.

« Ils disent qu’ils ne sont que “des taxis rouges”, poursuit Romain Pudal. Nous avons ainsi documenté chez les sapeurs-pompiers de Paris, une forme de dépersonnalisation des victimes. Ils vont se mettre à les considérer comme des cas à traiter et plus comme des personnes. »

Des pompiers professionnels plus âgés

Si les pompiers partagent les valeurs d’altruisme, d’efficience et de discrétion, un certain nombre d’entre eux, volontaires comme professionnels, sortent aujourd’hui de leur réserve. Ils attaquent juridiquement leur hiérarchie, parce qu’ils estiment que leurs conditions de travail se dégradent. Les conflits se multiplient notamment dans les Vosges, la Meuse, les Alpes-Maritimes, la Savoie, l’Isère, le Pas-de-Calais, la Côte-d’Or, le Nord, le Rhône… Les pompiers de la métropole de Lyon ont ainsi fait quatre mois de grève entre octobre 2024 et février 2025 pour obtenir plus de postes. « J’ai 36 ans de métier et je suis toujours dans une ambulance. Ce n’est pas normal », dénonçait l’un des grévistes sur BFM Lyon en décembre 2024 tout en réclamant l’embauche de jeunes recrues.

 

 

En effet, la pyramide des âges augmente chez les pompiers professionnels avec le risque que le médecin chef les déclare inaptes physiquement à leur métier. « Chez nous, il y a clairement une chasse aux gros, estime Benjamin Calvario de la CGT du SDIS du Nord, avec le risque de ne faire que de l’ambulance et pas d’incendie ». Cela ne signifie donc pas que les pompiers en surpoids partiraient moins en intervention, mais qu’on leur enlèverait ainsi la possibilité de partir sur les plus périlleuses.

La réforme des retraites promulguée en avril 2023 préconise aussi de décaler l’âge de départ des pompiers professionnels de 57 à 59 ans. Du coté des volontaires, si leur engagement dure plus de dix ans, cela leur fait gagner des trimestres de cotisations. Ils peuvent même rester pompiers volontaires jusqu’à 65 ans sous certaines conditions. « On rigole parfois entre nous en disant qu’on va partir en intervention avec nos déambulateurs », dit amèrement Bruno Ménard, secrétaire général du syndicat des sapeurs-pompiers volontaires de France, créé il y a quelques mois.

Trop d’interventions, c’est aussi le risque de faire fuir les pompiers volontaires. Selon les informations de la cellule investigation de Radio France, la durée d’engagement moyenne en Île-de-France est de cinq ans. La direction générale de la sécurité civile précise qu’elle est de 12 ans et quatre mois en moyenne en France et que la région francilienne constitue un cas atypique avec une forte mobilité professionnelle et estudiantine.

[...]

« Une maltraitance institutionnelle »

A contrario, il arrive parfois que certains signalements ne soient pas remontés pour éviter de donner une mauvaise image des pompiers, en particulier vis-à-vis des élus qui dirigent le conseil d’administration du SDIS. C’est ce qu’a constaté Pascal dans son ancien service départemental, quand il a été témoin d’insultes d’un officier envers sa brigade.

« J’ai dit à mon directeur qu’il fallait déclencher la cellule de signalement pour qu’il y ait une enquête interne, qu’on connaisse les raisons et qu’on protège les agents. Mais le directeur a complètement refusé de mettre sur pied cette cellule interne de signalement », regrette l’officier.

Ces dispositifs internes servent-ils à dissimuler de mauvaises pratiques ? « Ce serait bien que les pompiers s’interrogent eux-mêmes sur leur environnement de travail avant de passer à la moulinette du “Me too” des pompiers », estime Sebastien Delavoux, de la CGT des SDIS.

Des pompiers volontaires harcelés moralement ou sexuellement ignorant leurs droits, le SSPVF, syndicat des sapeurs-pompiers volontaires de France en accompagne près d’une centaine dans 35 départements. « Nous sommes à la fois en appui dans des procédures administratives, mais aussi pénales », explique Bruno Ménard, le secrétaire national du nouveau syndicat des sapeurs-pompiers volontaires de France, dont le téléphone n’arrête pas de sonner. Il craint même un effondrement du modèle français qui se base à 80 % sur des volontaires, contrairement à d’autres pays. « Ce chiffre pose la question d’une maltraitance institutionnelle », réagit le sociologue Romain Pudal. On est au-delà de quelques cas problématiques. De son côté, la direction générale de la sécurité civile explique « ne pas disposer de données nationales consolidées concernant les cas de harcèlement moral », chaque service d’incendie et de secours constituant un employeur autonome.

Lire l’article entier sur francetvinfo.fr

 

Le malaise des pompiers vu par Radio France

 

La colère des pompiers

 

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37 Commentaires

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  • #3516319

    Je tente un raisonnement :
    L’Etat fixe un numerus clausus et une réglementation lourde sur les médecins et les hôpitaux.
    Résultat un manque de médecin et de lit.
    Résultat tout le monde fini aux urgences après avoir appelé les pompiers.
    Résultat les urgences et les pompiers (et probablement les policiers) sont à bout car surchargés et démotivés.
    Heureusement, les experts nous expliquent que c’est un problème de dérégulation et de néolibéralisme.

    Conclusion : Ca ne va pas s’améliorer.

     

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    • Il peut y avoir une régulation qui va dans le sens des intérêts de quelques uns. L oligarchie d abord. Et puis certaines corporations encore puissantes... c est ça le libéralisme, un certain crétinisme comme le disait marx : prendre les gens pour des cons.

       
  • #3516337

    Lorsque les corps de pompiers sont d’astreinte, à l’occasion d’un évènement, qui enrichit ses organisateurs, il y aurait lieu de prévoir un montant pour indemniser les secours.
    Il y a six semaines une voisine à mobilité réduite est tombée toute seule. On est venu me chercher pour la relever. Mais vu son état de santé et surtout sa corpulence, j’ai préféré ne pas intervenir, autrement qu’en appelant les secours. L’ambulance est arrivée très vite et deux gaillards, formés pour cet exercice, l’ont secourue. Ils ont interrogé la dame pour savoir ce qui lui était arrivé. Ne constatant aucune lésion, ils l’ont relevée avec la même aisance que je soulève un bac de bière (belch). Ils ne sont pas restés dix minutes en tout. Pourtant, une "douloureuse" de 80 € (SVP !) a été adressée à la pauvre femme.

    Donc si on facture l’intervention des pompiers, pour un particulier accidenté, à fortiori pour les organisateurs d’évènements, qui eux font du flouze, en utilisant un service de secours.

     

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  • Un sempiternelle débat qui débouchera inévitablement sur une victoire du pouvoir dont le but est la désintégration de ce pays et sont peuple. Cette manie de systématiquement parler et manifester est au delà du risible.

     

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  • Beaucoup de milliards pour allumer des feux, pas un rond pour les éteindre, enfin si, une goutte de bénévolat.

     

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    • #3516743
      Le 6 avril à 17:58 par Boljemoï de boljemoï
      Harcèlement, discrimination, fatigue : pourquoi les pompiers (...)

      Et trouver quelques millions dans le budget pour 3 ou 4 Canadairs de plus, c’est visiblement compliqué...
      Mais par contre pour les assoces gauchistes qui maltraitent les migrants ou le joueur de piano à queue, ça passe crème !

       
  • Tout mon soutien aux pompiers de France. Les soldats du feu mais aussi ne l’oublions pas des humains et des secouristes à notre service. Pompiers, Policiers, trop de suicides à cause de la fatigue. Oui un manque de sommeil important et chronique a un impact considérable sur la santé mentale.

     

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  • Il y a des réservistes pour faire la guerre contre les russes ,une guerre qui ne viendra jamais ;pourquoi ne pas aiguiller cette masse de réservistes providentielle vers la lute contre les incendies et vers le sauvetage.

     

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  • Les pompiers n’ont jamais récupéré leur perte dûe à la vaxxination rhume 19 obligatoire.
    D’ailleurs pour devenir pompier, je crois que le "vaxxin" est toujours obligatoire. (rhume 19 et hépatite B d’ailleurs...)

    C’est la raison principale des difficultés de recrutement.

    Ensuite concernant les gros ; ca choque quelqu’un qu’un pompier soit interdit de certaines missions s’il est trop gros ?
    C’est l’inverse qui est choquant. Comme pour les FDO. Des gras du bids qui ne peuvent pas courrir ni escalader un truc.
    On les imagine vachement entrain de porter quelqu’un sur un brancard dans des escaliers... ou plutot entrain de rendre leur poumon et de faire une attaque cardiaque en essayant de le faire....

    C’est vraiment le monde à l’envers.

    Pour le reste la place reste bonne. Que ce soit en pro ou en volontaire. Les deux ont des avantages conséquents.
    MAIS, il faut accepter la vaxxination, c’est à dire jouer à quitte ou double avec sa santé.

     

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  • #3516442

    S’en prendre à des pompiers en intervention devrait être puni de mort, point barre. Ceux qui font ça sont clairement des nuisances pour la société, de toute façon.

     

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  • #3516507

    Encore un article bien tronqué de la presse Main Stream....
    Ce n’est pas la peine de rappeler en permanence qu’ils se foutent du monde pour les invoquer quand ça vous arrange.
    Ancien pompier de Paris, je côtoie tous les jours désormais les pompiers volontaires, et très souvent des pros. Et bien je peux vous affirmer qu’ils ne sont pas malheureux, ni les uns, ni les autres.
    C’est juste qu’ils ont tellement négocié d’avantages absolument rocambolesques (surtout les pros...) que bien entendu, comme prévu ça ne passe plus. 70 gardes 24 quand un pompier de Paris en fait 120, cherchez l’erreur....
    Le nombre de pris ayant 2 métiers est incroyable, tout ce petit monde bosse au black tant qu’il peut, sans compter que oui, les pros sont aussi tous volontaires, histoire de se faire encore plus de fric.
    Alors je l’écris, avant de se plaindre ils feraient mieux de bosser, parce que ce que je dit pas l’article c’est la nullité du service, et désolé pour ceux que ça vexé. Je suis véritablement ébahit du niveau réel sur le terrain, et pourtant je suis en grande couronne parisienne.... Faibles en secourisme, désorganisés en intervention, sans discipline opérationnelle etc....
    A part leur grande gueule et leur capacité à récupérer de 06, il n’a pas grand chose.
    Heureusement que ND était secteur BSPP, parce que sinon elle serait par terre, c’est dans leur doctrine d’intervention et de toute façon les vieux de 50 balais à moitié obèses ça ne monte pas haut dans les étages.
    Je caricature bien sûr, mais ceux qui connaissent savent que je ne suis pas loin de la triste réalité.

    Réveil les gars !

     

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  • Un dernier commentaire pour opérer une distinction entre les pompiers parisiens et les pompiers de campagne.

    C’est un fait connu que les pompiers de paris, militaires, sont un repaire de connards. Et ceux qui ne le sont pas sont de toute manière méchamment bisutés pour le devenir.

    Le pompier de province dans un petit centre de campagne c’est souvent bien différent, même si ca change bcp d’une caserne à l’autre, et même si j’ai effectivement observé que pas mal de jeune pompier se la pète comme pas possible, alors que c’est un boulot de faible compétence de base.

    Il y a aussi un problème de niveau physique évident... si je prends la photo des pompiers de ma caserne du coin (le calendrier), y a 80% de gros et 10% de jeunes limités intellectuellement (ça se voit), y a même des filles (grosses aussi, un comble vu qu’elles sont de bases moins efficaces physiquement).

    D’autres commentaires sont véridiques : bcp de pompiers sont payés à glander... mais cela ne me choque pas. Car il faut bien glander, c’est à dire être mise à disposition pour être prêt à intervenir quand il y a besoin.
    Et oui les places sont bonnes : pour les pro 2 jours d’astreintes, 2 jours de récupération. Sans compter les vacances, ça fait énormément de jours de vacances réelles (surtout si en plus on a rien fait pendant les astreintes).
    Pour les volontaires : exonérés d’impôts. Et on est loin d’un travail à la chaine à l’usine...
    Comme je disais, les places sont bonnes.
    A condition d’accepter les piquouzes.

     

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