Des dizaines de milliers de manifestants pro-démocratie déterminés ont transformé le centre de Hong Kong, dans la nuit de lundi à mardi 30 septembre, en une grande fête de rues, après une nouvelle journée de confrontation lundi avec la police qui a paralysé la ville autonome sous tutelle chinoise.
La campagne de désobéissance civile qui couve depuis des semaines dans l’ancienne colonie britannique tenait bon lundi à Hong Kong qui a connu ce week-end les pires troubles civils depuis son retour dans le giron de la Chine en 1997.
Atmosphère festive et lumineuse
À la nuit tombée lundi, les milliers de protestataires qui bloquaient l’une des grandes voies principales, ont allumé leurs téléphones portables, créant une atmosphère festive et lumineuse dans le quartier d’affaires d’Admilralty
Mais après les affrontements du week-end, les manifestants restaient vigilants et mobilisés malgré l’ambiance musicale.
« Nous ne pouvons pas nous laisser aller », a expliqué Felix Kan, « On est en Chine, on ne sait jamais ce qui peut arriver », ajoute le graphiste.
« Nous ne comprenons pas »
Dans des scènes de rue chaotiques, auxquelles Hong Kong n’était guère habituée, les policiers avaient tiré dimanche dans la nuit des salves de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants rassemblés du cœur de l’île de Hong Kong, et jusque dans Kowloon, sur le continent.
« Nous ne comprenons pas comment la police a pu faire ça », avait déclaré plus tôt Shum Yuen-ping. « Nous voulons notre propre démocratie, et nous sommes venus soutenir les étudiants », a ajouté ce professeur.
« Révolution des parapluies »
Les manifestants, qui ont aussi essuyé des jets de gaz au poivre, étaient pour la plupart vêtus de ponchos en plastique et s’étaient enveloppé le visage avec du film alimentaire pour tenter de se protéger.
L’expression « Révolution des parapluies » faisait florès sur les réseaux sociaux, en référence à cet accessoire familier dans la ville écrasée par le soleil ou noyée par les pluies de mousson, et que les manifestants avaient déployés.
La police a fait état lundi d’une quarantaine de blessés, dont 12 policiers, et 78 arrestations.
Retrait de la police antiémeute
Dans un geste apparent d’apaisement, le gouvernement de Hong Kong a annoncé le retrait lundi à l’aube de la police antiémeute. En échange, les manifestants ont été invités à « libérer les routes occupées dès que possible pour laisser le passage aux véhicules d’urgence et rétablir les transports publics ».
Le gouvernement a annoncé la fermeture des écoles pour mardi dans deux des quartiers du centre.
L’objectif : « une vraie démocratie »
La foule des manifestants a grandi au fil des heures lundi, et ils étaient environ 20’000 en fin d’après-midi dans Admiralty, non loin du siège du gouvernement, selon les estimations de journalistes de l’AFP. Les militants ont aussi pris le contrôle d’au moins deux carrefours routiers majeurs.
« Je reste jusqu’à la fin, jusqu’à ce que nous obtenions ce que nous voulons, c’est-à-dire une vraie démocratie », déclarait à l’AFP Michael Wan, un lycéen de 18 ans.
Plus de 200 lignes d’autobus ont été suspendues ou déviées, la circulation des tramways était perturbée et des stations de métro étaient fermées. De nombreuses écoles sont restées fermées portes, comme bon nombre d’entreprises.
Une mainmise grandissante de Pékin
Les étudiants et les lycéens sont le fer de lance de la campagne de désobéissance civile lancée pour dénoncer ce que nombre de Hongkongais perçoivent comme une mainmise grandissante de Pékin sur les affaires locales.
Le mouvement pro-démocratie Occupy Central, s’est à son tour jeté dans la bataille appelant ses troupes à devancer son mot d’ordre d’occupation du quartier financier, initialement prévue mercredi.
Pékin a annoncé en août que le futur chef de l’exécutif local serait bien élu au suffrage universel dès 2017 mais que seuls deux ou trois candidats sélectionnés par un comité seraient habilités à se présenter.
Refléter les aspirations des Hongkongais
Occupy Central réclame « le retrait » de la décision de la Chine et « une relance du processus de réformes politiques (...) qui reflète pleinement les aspirations » des Hongkongais.
Le président de l’exécutif, Leung Chun-ying, a rétorqué en demandant aux protestataires « de ne pas perturber la vie quotidienne des Hongkongais ».
Les manifestants demandent sa démission et lui ont opposé une fin de non-recevoir. « Quiconque doté d’une conscience devrait avoir honte d’être associé à un gouvernement qui fait si peu de cas de l’opinion publique », a lancé Occupy.
Les sites chinois censurés
A Pékin, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hua Chunying, a répété la position des autorités chinoises condamnant des « actes illégaux qui nuisent à l’Etat de droit et à la sécurité publique ».
Selon le site américain China Digital Times, qui assure un suivi de la propagande chinoise, les autorités ont ordonné à tous les sites internet chinois d’enlever« immédiatement » toute information sur les manifestations de Hong Kong.
Pour Surya Deva, professeur à la City University de Hong Kong, on se dirige vers une impasse : « Aucun antagoniste ne semble vouloir reculer et il est impossible de dire lequel finira par plier », dit-il.
Les manifestants invités à rester pacifiques
Les festivités ont annulé le traditionnel feu d’artifice du 1er octobre, jour de la fête nationale hongkongaise.
Londres, réagissant lundi par un communiqué du Foreign Office, a appelé à l’ouverture de discussions « constructives » susceptibles de conduire « à des progrès sensibles vers la démocratie ».
Et Washington a appelé les autorités de Hong Kong à faire preuve de « retenue » et les « manifestants à s’exprimer de manière pacifique », selon un porte-parole de la Maison Blanche.
Les images de cette nuit à Hong Kong (CNN) :