Il fut un temps où le mot « Occident » avait une signification. Il contenait des buts et des valeurs, la dignité de la démocratie et la justice envers la tyrannie et l’arbitraire. Mais ça, c’est le passé. L’Occident n’existe plus. Celui qui veut évoquer l’Europe et les Etats-Unis dans un même souffle, devrait en avoir le souffle coupé. Après tout ce que nous entendons par ce terme, l’Amérique n’est plus un pays occidental.
Longtemps, les Etats-Unis ont été fiers d’être une société juste dans laquelle chacun avait les mêmes chance de s’élever dans la société, mais les statistiques montrent autre chose : Un citoyen pauvre et même un citoyen appartenant à la classe moyenne a moins de chances de parvenir au sommet de la société que dans beaucoup de pays d’Europe. Il est défavorisé dès le départ. C’est ce sentiment d’un système injuste n’offrant aucune perspective qui a provoqué l’embrasement du Proche-Orient : La hausse du prix des denrées alimentaires et un chômage des jeunes croissant n’ont été que l’étincelle.
Le fait que le chômage des jeunes aux Etats-Unis se situe aux alentours de 20% (et à certains endroits, il est deux fois plus élevé dans certains groupes socio-démographiques) ; le fait qu’un Américain sur six qui voudrait avoir un emploi à temps plein n’en trouve pas, le fait qu’un Américain sur sept reçoive des coupons alimentaires (et que la même proportion à peu près souffre d’« insécurité alimentaire »), tout cela indique assez que quelque chose a bloqué l’extension vers le bas de la prospérité réservée au 1% supérieur ». […]
Le 1% supérieur des Américains accapare aujourd’hui un quart de la totalité des revenus annuels du pays. Si l’on considère la richesse plutôt que les revenus, on constate que ce 1% supérieur en contrôle 40%. Et sa situation s’est considérablement améliorée. Il y a 25 ans, 12% de la population contrôlaient 33% de la richesse. […]
Si l’on considère simplement la masse de richesses que le 1% supérieur contrôle dans ce pays, on est tenté de penser que cet accroissement des inégalités est un acquis purement américain. Au début, nous étions à l’arrière du peloton mais maintenant nous pratiquons l’inégalité au niveau mondial et il semble bien que nous allons encore développer cet acquis pendant des années car ce qu’il a rendu possible s’auto-maintient. […]
Argent et politique correspondent parfaitement : Presque tous les sénateurs et la plupart des députés à la Chambre des représentants font partie du 1% supérieur au moment où ils entrent en fonctions et leur argent les y maintient. Ils savent que s’ils favorisent ce 1%, celui-ci les en récompensera quand ils quitteront leurs fonctions. D’une manière générale, les décideurs politiques les plus importants en matière de commerce et d’économie appartiennent à cette classe. […]
Au plan des inégalités de revenus, les Etats-Unis se situent derrière tous les pays de la vieille Europe que George W. Bush tournait en dérision, la jugeant sclérosée. Nos pendants les plus proches sont la Russie avec ses oligarques et l’Iran. Alors que beaucoup des anciens foyers d’inégalités d’Amérique latine, par exemple le Brésil, se sont efforcés ces dernières années avec un certain succès à lutter contre la pauvreté et à réduire les différences de revenus, les Etats-Unis ont laissé se creuser les inégalités. […]
Au XIXe siècle, les économistes essayaient de justifier les inégalités qui leur paraissaient si inquiétantes, or elles étaient bien moins marquées qu’aujourd’hui. […]
Les inégalités aux Etats-Unis défigurent notre société de toutes les manières imaginables. […]
Ces dernières semaines, nous avons vu des milliers de personnes descendre dans les rues pour protester contre la situation politique, économique et sociale qui règne dans les sociétés répressives où elles vivent. […]
Observant la passion exprimée par certains peuples dans les rues, nous devons nous poser la question de savoir quand cela se produira aux Etats-Unis. A bien des égards, l’Amérique ressemble à ces pays lointains en crise...