En se pliant à l’air du temps et en ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, le gouvernement joue aux « apprentis sorciers » selon le psychanalyste et pédopsychiatre Christian Flavigny. Dans une tribune parue dans Le Monde, il dénonce la « mésestime de soi inexprimable » de ces enfants sans père et mère, et pointe du doigt le risque de voir tomber le tabou fondateur de l’inceste.
Qu’il semble loin le débat libertaro-moral que tentent de nous imposer les tenants de la doxa médiatique. Être pour ou contre le mariage homosexuel et son corollaire, le droit à l’adoption par les couples homosexuels, ne pourrait donc pas se résumer à la lutte manichéenne entre les forces du Progrès et l’armée obscure de la réaction (comme nous l’explique sans ciller l’excellente Audrey Pulvar).
À en croire Christian Flavigny, directeur du département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de la Salpêtrière, abolir la différenciation sexuelle au sein de la famille et dans le processus de filiation revient à jouer aux « apprentis sorciers » avec les fondements psychologiques des enfants. N’en déplaise à certains, il n’y a rien d’homophobe ou de rétrograde dans l’analyse de M. Flavigny, mais des arguments qui valent au moins ceux des partisans de « l’adoption pour tous ».
« S’il était adopté, ce projet gouvernemental ouvrirait le mariage et l’adoption à tous ; cela validerait qu’un enfant pourrait de droit n’avoir jamais son père et sa mère.
L’enfant délaissé par son père éprouve déjà une déception intense qu’il tend à attribuer à quelque défaut de sa part ; l’épreuve de l’enfant qui n’a jamais eu père et mère est d’une intensité bien plus vive, à la limite de l’inexprimable.
La mésestime de soi liée au fait de n’avoir jamais eu son père et sa mère ne trouve des voies d’apaisement, en cas de vie affective homosexuelle de sa mère, qu’à la condition que cette vie personnelle demeure étanche à l’égard du lien filial avec son enfant et ne cherche pas à convoquer la compagne au titre du second parent (tout ceci étant autant valable s’il s’agit d’un père seul avec son compagnon).
Mais qu’il soit convoqué comme un deuxième parent brouille la réflexion de l’enfant et plaque une figure factice sur celle manquante du père, dans un artifice de solution au défaut de père. Qu’une loi vienne conforter ce placage constituerait alors une falsification de son lien de filiation pour cet enfant. C’est le risque sérieux du projet gouvernemental actuel ».
Depuis le début du débat autour du « mariage pour tous », le bien-être de l’enfant n’est que rarement mis en avant par les partisans et les opposants au projet gouvernemental. Or, toujours selon Christian Flavigny, l’indifférenciation sexuelle dans laquelle grandiraient les enfants de couples homosexuels serait d’autant plus perturbante qu’elle menacerait le tabou de l’inceste, fondé sur les rôles combinés d’un père et d’une mère.
« Le placage comporterait une confusion nuisible à l’équilibre de toutes les familles. Il amènerait à faire disparaître les père et mère du fondement de la vie familiale, l’état civil les remplaçant par les notions indifférenciées de “parents” déclinées en 1 et 2 ou A et B. Cette indifférenciation dissipe le principe fondateur de la vie familiale : l’interdit de l’inceste. Le père, c’est la figure qui intime au garçon l’interdit de ses vœux incestueux à l’égard de la mère. Il ne peut jouer ce rôle que d’avoir été le fils de son père et d’avoir porté l’enfantement dans son union avec la mère, conditionnée par son lien marital qui a célébré son propre renoncement à ses vœux incestueux de jadis à l’endroit de sa mère.
Les lois ne conforteraient plus l’édification des interdits incestueux, pivots régulateurs de la vie des familles ; plus grave, elles se montreraient complices de leur transgression. Bref, les pouvoirs publics dans le projet de loi jouent aux apprentis sorciers avec l’interdit de l’inceste. »