La sélection de l’avion de combat Rafale par New Delhi, au détriment de l’Eurofighter, dans le cadre de la phase finale de l’appel d’offres MMRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft) qui vise à acquérir 126 appareils pour remplacer la flotte de MiG-21 hors d’âge des forces aériennes indiennes, est bien évidemment une excellente nouvelle pour Dassault Aviation, et, plus largement, pour l’industrie aéronautique française.
Une fois passée l’euphorie de cette annonce, il faut désormais se concentrer sur l’étape suivante. Le groupe Dassault est un peu dans la position d’une équipe de football qui vient d’obtenir un penalty à la dernière minute du temps réglementaire d’une finale d’une coupe du monde. En clair, le plus difficile est fait (le Rafale a triomphé de ses rivaux, à savoir l’Eurofighter, le MiG-35, le Gripen, le F-18 et le F-16). Reste à marquer le but, ce qui n’est pas le moins facile non plus.
A partir de maintenant, des négociations exclusives vont être engagées entre le constructeur français et les autorités indiennes. Ce n’est qu’une fois que cette phase sera terminée (elle pourrait durer 6 à 9 mois, de source gouvernemental) que le contrat de vente pourra être signé. Seulement, ces discussions s’annoncent compliquées, notamment au sujet des compensations industrielles ou encore des transferts technologiques, le tout dans un contexte économique délicat.
Mais Dassault Aviation a un avantage certain : sa bonne image auprès des forces aériennes indiennes, qui utilisent des avions du constructeurs français depuis 1953, avec la mise en service de l’Ouragan. Cette coopération s’est poursuivie par la suite, avec la vente de Mirage 2000, ces appareils ayant fait merveille lors de la guerre du Kargil contre le Pakistan, en 1999.
Par ailleurs, et compte tenu du climat sécuritaire dans sa zone géographique, l’Inde a besoin d’avions de combat performants dans des délais relativement courts. Ce qui écarte, a priori, l’idée d’une remise en cause des résultats de l’évaluation faite par le minstère indien de la Défense, même si cela s’est déjà vu par le passé avec un important appel d’offres concernant des hélicoptères.
Cela étant, tant que le contrat n’est pas signé, tout est encore possible. Et certains concurrents (et alliés) aimeraient bien faire dérailler les négociations à leur profit. Ainsi, le Premier ministre britannique, David Cameron, qui soutient l’Eurofighter, appareil fabriqué dans son pays par BAE Systems, a estimé « décevante » la décision indienne au profit du Rafale.
« Mais les Indiens n’ont fait qu’identifier celui qui a présenté l’offre la plus basse et lui ont demandé de poursuivre les négociations. Ils n’ont pas encore attribué le contrat » a-t-il souligné, le 1er février. Et d’ajouter, le plus sérieusement du monde, que l’Eurofighter est « un avion superbe, avec de bien meilleures capacités que le Rafale, et nous allons essayer d’encourager les Indiens à penser de même. » Manifestement, le Premier ministre britannique ne doit pas lire les rapports de la Cour des comptes britanniques… Mais, après tout, c’est de bonne guerre…
Là-dessus, les Etats-Unis sont venus jouer le rôle du type qui vient importuner une jeune femme alors qu’elle tient son fiancé par la main. Alors que l’Inde ne lui a rien demandé – le pays développe lui-même un avion dit de 5e génération avec la Russie -, le Pentagone a rappelé être prêt à partager avec New Delhi toutes des informations au sujet du F-35, l’avion de combat actuellement développé non sans mal (et avec des dépassements de coûts) par Lockheed-Martin.
Jusqu’à une date récente, New Delhi ne souhaitait pas acquérir du matériel militaire américain en raison de l’alliance entre Washington et Islamabad. Mais les choses ont changé depuis peu, l’Inde étant devenu une carte importante dans le jeu des Etats-Unis pour ce qui concerne la région Asie-Pacifique, laquelle est au premier rang des priorités du Pentagone, afin de contrebalancer la puissance chinoise et d’exercer des pressions sur le Pakistan, ouvertement accusé de jouer double jeu avec les insurgés afghans.