Il est des livres qui marquent une rupture avec l’idéologie traditionnelle. Celui de Shlomo Sand en était un, qui a ébranlé quelques fondamentaux de l’histoire du peuple juif sur lesquels fut fondé le sionisme.
La question de l’identité juive, marquée par l’emprise de l’idéologie sioniste et de la « centralité » d’Israël, vient de connaître un bouleversement sans précédent, grâce au livre de Gilad Atzmon. On pourra dire qu’il y aura un avant et un après, tant les analyses de l’auteur sont novatrices et percutantes.
Le sionisme, d’après Atzmon, ne serait pas uniquement la réalisation d’un destin national sur une terre « promise », ni un renversement de la pyramide sociale (selon les sionistes marxistes) qui rendrait au juif cosmopolite sa dignité d’agriculteur, de guerrier, et/ou d’artisan, encore moins un havre de sécurité justifié historiquement a posteriori, ni même seulement un mouvement colonialiste au risque de choquer les tenants d’une vision impériale manichéenne.
L’auteur réinvente presque, ou du moins lui donne-t-il une dimension inédite, la notion de tribalisme, qui fait du sionisme un « mouvement mondial alimenté par une solidarité tribale ».
Les juifs de par le monde sont sommés de faire de leur identité la priorité et l’allégeance suprêmes. Des dizaines de milliers d’entre eux collaborent ainsi avec le Mossad, parfois contre les intérêts de leur patrie de résidence, en devenant des sayanim (informateurs en hébreu).
L’identité juive serait même supérieure aux règles de droit. Au point que Joseph Lapid, fondateur d’un parti politique laïc en Israël et ancien ministre de la Justice, avait lancé aux juifs concernés un appel au meurtre de Victor Ostrovsky, ex-agent du Mossad, considéré comme le juif le plus « félon de l’histoire juive moderne ».
Même ceux qui, en tant que juifs, critiquent la politique israélienne, participent de ce tribalisme, et l’auteur leur réserve ses flèches les plus acérées.
Les juifs entretiennent ainsi une nouvelle marginalité dans leurs pays d’accueil, à l’image d’un Israël bunkérisé et marginal dans le concert des nations, qui les mènera fatalement dans un cul-de-sac politique, social et culturel.
La nouvelle politique de l’Agence juive vient corroborer la vision identitaire de Gilad Atzmon. Alors que cette institution avait un objectif, une obsession dirons-nous, de faire venir le maximum de juifs en Israël, son nouveau directeur, l’ancien refuznik Charansky, a quasiment supprimé les aides à l’Alya (immigration) pour les consacrer au renforcement de l’identité juive et des liens unissant les diasporas juives à Israël.
Israël, Centre de l’Union ? Gare aux lendemains qui déchantent !