C’est un nouveau papier essentiel que Jacques Sapir vient de faire sur la monnaie unique européenne. Il y étudie de manière précise non seulement le coût de la sortie de l’euro mais aussi (aspect souvent oublié par les défenseurs de cette tour de Babel monétaire), le coût du maintien. Saignant.
Le coût de la sortie n’est pas énorme
Tout d’abord, il souligne que l’expérience de l’ex-URSS montre que « le coût technique de l’introduction d’une nouvelle monnaie est de 300 à 700 millions d’euros, selon la taille du pays », soit 0,07% du montant des prêts accordées par la BCE aux banques. Pour lui, il n’y aurait pas d’impact sur les dettes publiques dans le cadre d’une dissolution car « toutes les dettes, qu’elles soient publiques ou privées, sont instantanément re-dénominées en monnaie nationale. Telle est la règle de droit internationale ». En outre, Jonathan Tepper rappelle que 85% de la dette français reste de droit français.
Bien sûr, le prix des importations augmentera, mais c’est justement le moyen de rééquilibrer son commerce. Les dévaluations britannique, suédoise et islandaise ont permis de relancer leurs économies… Bien sûr, l’Allemagne exporterait moins, mais elle avait supporté les dévaluations de1993 et la baisse du prix de ses importations apporterait du pouvoir d’achat à sa population. L’argument de la désorganisation des relations commerciales entre les pays de la zone euro est risible : nous arrivions bien à commercer ensemble avant l’euro et nous parvenons toujours à le faire avec des pays qui n’ont pas la même monnaie.
Enfin, il est bien évident qu’une sortie de la monnaie unique aurait des conséquences sur les banques. Néanmoins, pour Jacques Sapir, le coût serait de seulement 35 à 50 milliards d’euros pour l’ensemble de la zone euro (hors restructuration des dettes souveraines), un chiffre très limité par rapport aux montants actuellement engagés pour essayer de faire marcher le machin monétaire européen. Il faut noter que les banques, anticipant cette éventualité, s’y préparent, ce qui limiterait les problèmes…
Le coût du maintien de l’euro
Bref, Sapir tord le cou à l’idée, trop répandue, que la sortie de la monnaie unique provoquerait les sept plaies d’Egypte, un effondrement du pouvoir d’achat, du chômage, un défaut sur les dettes, une faillite du système bancaire… ce qui arrive aujourd’hui aux pays qui essaient d’y rester. Pire, toute l’histoire économique démontre le contraire, comme l’a rappelé l’économiste anglais Jonathan Tepper, dans une étude de la fin d’une soixante d’unions monétaires dans le siècle précédent. Mais nous avons davantage droit à des évangélisations qu’à des des discours rationnels.
Mieux, Sapir chiffre également le coût du maintien dans l’euro. Outre la participation de la France au FESF et au MES (qui nous engage jusqu’à 160 milliards d’euros), il a calculé le coût annuel provoqué par cette expérience monétaire hasardeuse, qui pénalise notre croissance et a fait exploser le chômage. Pour lui, il se chiffre aujourd’hui à 48 milliards d’euros par an (2,4% du PIB) – hors pertes (prévisibles) du FESF - soit près du double du coût de la sortie (non récurrent).
Ce faisant, l’économiste se fâche en soulignant que « conserver l’euro signifie plonger pour au moins 10 ans, et très probablement plus, les pays du sud de la Zone euro dans une dépression structurelle (…) Il faut être fou pour croire que les situations de ce genre puissent perdurer sans engendrer de graves troubles politiques et sociaux ». Il craint le « retour à des régimes dictatoriaux » et « des situations de guerres civiles » et qualifie l’entêtement actuel de « folie enfantine ».
Il conclut en appellant les dirigeants européens à « choisir la voie du courage, celle de reconnaître une erreur avant qu’il ne soit trop tard (…) abandonner l’utopie de la monnaie unique pour sauver la construction européenne ». On ne saurait mieux dire.