Ces derniers jours, Jacques Sapir a publié une série de trois papiers « Zone euro : sous les discours lénifiants, la crise continue de se développer » qui démontrent magistralement à quel point la situation reste instable, au contraire des discours du dernier sommet européen.
L’Europe du Sud étouffée
Dans le premier papier, il explique les causes de la crise de l’Europe du Sud. Il y a deux raisons principales : « la disparition du crédit » et les poitiques d’austérité. La disparition du crédit s’explique par le rapatriement par toutes les banques des capitaux qu’elles envoient dans les pays du Nord, certaines préférant même vendre leurs actifs grecs à bas coût pour ne plus être exposées. S’en suit une fuite colossale des capitaux qui ne permet plus de financer l’économie.
C’est ce que montre Jacques Sapir : l’investissement s’est effondré dans ces pays, passant de 31 à 20% du PIB en Espagne de 2007 à 2012 ou de 25 à 13% du PIB en Grèce, ce qui augure mal pour l’avenir. Il souligne également le rôle des politiques d’austérité, largement documenté aujourd’hui, et sur lequel il était revenu à l’occasion de l’étude du FMI qui démontrait que les politiques d’austérité en Europe ont un impact nettement plus néfaste sur la croissance.
Dans son second papier, Jacques Sapir montre l’ampleur de la fuite des capitaux puisque les dépôts de ménages sont passés de près de 200 milliards d’euros en 2010 à un peu plus de 125 aujourd’hui, privant l’économie des fonds nécessaires pour investir et croître. Les entreprises ont été encore plus radicales en coupant leurs dépôts de moitié depuis début 2010. Pire, il faut noter que le montant des crédits baisse fortement depuis le début de l’année, ce qui va aussi peser sur l’activité. Parallèlement, la consommation s’est effondrée d’un tiers depuis 2008 !
Des solutions illusoires
Sapir souligne aussi que les solutions évoquées sont « des réponses insatisfaisantes ». Pour lui, l’union bancaire est une réponse à la crise de 2007 et que parce qu’elle ne couvrera pas tout le secteur bancaire, n’apportera pas de protection déterminante. Ensuite, il souligne que le report des objectifs de baisse des déficits est insuffisant : « on passera de la logique d’une mort subite à celle d’une mort lente » et soutient un plan de relance des investissements, comme Krugman.
Dans son troisième papier, il revient plus en détail sur les politiques suivies et dénonce des politiques qui menacent de « conduire à l’effondrement économique, social et politique un certain nombre de pays ». Il plaide pour une sortie de la Grèce de la zone euro pour relancer son économie et enfin monétiser pour injecter de la liquidité dans son économie. Il souligne que le Portugal, l’Espagne et l’Italie suivent Athènes avec un certain décalage, qui laisse présager que le pire est à venir.
Pour Jacques Sapir, les « obstacles sur la voie du fédéralisme (…) ne sont pas véritablement pris en compte (…) le fédéralisme implique en effet des transferts importants ». Dans ce papier, il évoque le transfert de 200 milliards d’euros de l’Allemagne, 8% de son PIB, soit, tous les ans, un transfert d’un montant des garanties accordées au FESF (qui doivent être récupérées). Bref, pour lui, « l’union politique est une réponse hors sujet ». Du coup, la zone euro va s’enfoncer dans la dépression.
Bref, les institutions sont dépassées par la crise et les dirigeants ont failli. La situation va s’aggraver en 2013, créant des troubles dans toute l’Europe. Il finit en affirmant : « soyons persuadés que nos dirigeants seront tenus comptables de ce qui pourrait arriver en Europe en 2013 et 2014 ».