Egalité et Réconciliation
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L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

Ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. Lorsqu’ils ont déployé les tentacules de l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie, les dirigeants occidentaux n’ignoraient pas qu’ils jouaient avec le feu. Ils savaient pertinemment qu’ils se comportaient en apprentis-sorciers, prenant le risque d’un embrasement dont le peuple ukrainien serait la première victime et l’Europe tout entière paierait les pots cassés.

 

Lors de la conférence sur la sécurité en Europe, en mars 2007, Vladimir Poutine demandait déjà aux Occidentaux :

« L’OTAN a placé ses forces de première ligne à nos frontières ! Contre qui cette expansion est-elle tournée ? Et qu’est-il advenu des assurances données par nos partenaires occidentaux après la dissolution du pacte de Varsovie ? »

Un silence glacial accueillit ces propos de bon sens, et l’OTAN a poursuivi aveuglément son Drang nach Osten (poussée vers l’Est). Il en fallait sans doute davantage pour lui faire entendre raison. Continuation de la politique par d’autres moyens, la guerre se chargerait bientôt d’assigner des limites à cette expansion mortifère.

Les Russes, pourtant, ne sont pas les les seuls à avoir mis en garde les pays membres de l’Alliance atlantique. De hauts responsables du « monde libre » les avaient aussi prévenus contre le danger de l’ultime transgression, celle qui ferait tout basculer : après l’extension inconsidérée de l’Alliance atlantique à la plupart des pays de l’Est européen, l’absorption de l’Ukraine serait l’étincelle qui mettrait le feu aux poudres. En transformant ce pays-frère de la Russie en bastion avancé de l’OTAN, elle achèverait l’encerclement périlleux du territoire russe. Elle mettrait ses grandes agglomérations urbaines à quelques minutes d’un tir de missile. Elle transformerait la Mer Noire en piscine d’exercice pour l’US Navy. Ne pouvant reculer davantage, dos au mur, Moscou ne resterait pas sans réagir. Ce serait la guerre. Inévitable.

Ce pronostic réaliste, quelques sommités du « monde libre », peu suspectes de constituer une cinquième colonne pro-russe, l’avaient formulé depuis belle lurette. Ex-ambassadeur des États-Unis en Union soviétique, Jack F. Matlock Jr. déclare en 1997 que l’expansion de l’OTAN est « une profonde bévue stratégique, encourageant une chaîne d’événements qui pourrait produire la menace la plus grave pour la sécurité depuis l’effondrement de l’Union soviétique ». Stratège célébrissime de la guerre froide, George Kennan considère en 1998 que l’expansion de l’OTAN est une « erreur tragique » qui provoquera une « mauvaise réaction de la Russie ». Ex-directeur de la CIA, William Burns affirme en 2008 que « l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est la plus brillante de toutes les lignes rouges ». Secrétaire à la Défense de Bill Clinton, William Perry explique dans ses Mémoires que l’élargissement de l’OTAN est la cause de « la rupture des relations avec la Russie ».

Avec le coup d’État qui chasse du pouvoir le président Viktor Ianoukovitch en février 2014, la situation s’envenime. Lors du sommet de Bucarest, en 2008, George W. Bush avait proposé à l’Ukraine d’entrer dans l’OTAN. La prise du pouvoir par une junte pro-occidentale ouvre la voie à l’adhésion, dont le principe est inscrit dans la nouvelle Constitution ukrainienne par les autorités de Kiev. Raison de plus, pour Henry Kissinger, de tirer la sonnette d’alarme : l’ex-secrétaire d’État affirme sans ambages que « l’Ukraine ne devrait pas rejoindre l’OTAN ». Robert Gates, ex-secrétaire à la Défense, écrit dans ses Mémoires qu’« agir si vite pour étendre l’OTAN est une erreur. Essayer d’amener la Géorgie et l’Ukraine dans l’OTAN est vraiment exagéré et constitue une provocation particulièrement monumentale ». Un point de vue partagé par Noam Chomsky en 2015 : « L’idée que l’Ukraine puisse rejoindre une alliance militaire occidentale serait tout à fait inacceptable pour tout dirigeant russe », et ce désir d’adhérer à l’OTAN « ne protégerait pas l’Ukraine, mais la menacerait d’une guerre majeure ». Sombre prédiction qui rejoint celle de Roderic Lyne, ex-ambassadeur britannique en Russie, qui déclare en 2021 que « pousser l’Ukraine dans l’OTAN est stupide à tous les niveaux ». Et il ajoutait : « Si vous voulez déclencher une guerre avec la Russie, c’est la meilleure façon de le faire ».

Aujourd’hui, c’est chose faite. La guerre est là, et l’OTAN en porte l’écrasante responsabilité. Occultant ces nombreux avertissements, la doxa occidentale s’empresse évidemment de blanchir l’Alliance atlantique. « L’OTAN ne menace pas la Russie », lit-on chez de faux naïfs qui nous feraient prendre des vessies pour des lanternes. Le seul coupable, paraît-il, c’est le président russe Vladimir Poutine. Assoiffé de pouvoir, l’autocrate du Kremlin serait prêt à tout pour plier ses voisins à la loi du plus fort et conquérir de nouveaux territoires. Doublement nostalgique de l’URSS et de l’empire des Tsars, il serait en proie à une démesure qui le prédisposerait aux agissements les plus criminels. On lui prête même une paranoïa dont la fiction permet d’oblitérer les véritables causes du conflit, comme si la psychiatrisation de l’adversaire ne faisait pas partie de ces grosses ficelles dont toute propagande est coutumière. Heureusement, cette hystérie est à double tranchant. Car ceux qui dépeignent Poutine sous les traits d’un fou dangereux tirent un but contre leur propre camp. En prêtant au conflit actuel une causalité diabolique, ils s’interdisent de comprendre la situation et entretiennent l’impuissance occidentale.

Terrifiant les populations de l’Ouest abreuvées du matin au soir par cette histoire de croquemitaine, la légende de Poutine-le fou-furieux sape la crédibilité des va-t-en-guerre qui rêvent d’une zone d’exclusion aérienne ou veulent affronter l’armée russe sur le terrain. Qui a envie de se battre contre les Russes qui désarment l’Ukraine et règlent leur compte aux nazillons ? Si le tyran moscovite a le doigt sur le bouton nucléaire, les héros en puissance qui peuplent les plateaux télé du « monde libre » ne risquent pas de passer à l’acte. Allez-y sans moi ! Inutile, d’ailleurs, de brandir la menace atomique. Pratiquant l’inversion accusatoire dont il est coutumier, l’Occident pousse des cris d’orfraie lorsque la Russie met en alerte son dispositif de dissuasion nucléaire. L’OTAN ayant un budget militaire qui fait seize fois celui de la Russie et ses missiles étant installés aux frontières russes, on peut quand même se demander si ce n’est pas une sage précaution.

Comme celle de la France, la doctrine nucléaire russe est purement défensive et ne prévoit aucun usage d’une telle arme en première frappe. Parce qu’elle s’autorise cet usage depuis sa révision stratégique de 2002, la puissance nucléaire de Washington, au contraire, fait peser une menace mortelle sur la Russie. Les missiles déployés en Pologne et en Roumanie peuvent atteindre Moscou en quinze minutes. Ceux qui devaient l’être en Ukraine auraient pu atteindre la capitale russe en cinq minutes. Une menace d’autant moins fictive que les États-Unis ont dénoncé unilatéralement, en 2018, le traité de limitation des armes à moyenne portée.

La Russie ne brandit pas la menace nucléaire contre l’Occident : c’est plutôt l’inverse. En revanche, elle utilise contre la piétaille occidentale la pédagogie roborative des frappes chirurgicales dont l’OTAN a fait largement usage au cours des dernières décennies. L’arroseur arrosé est un classique des relations internationales, et Vladimir Poutine ne se prive pas de renvoyer à l’Occident belliciste l’image en miroir de celui qui frappe à distance les forces maléfiques lorsque l’occasion s’en présente. Il est vrai que les États-Unis et l’OTAN – ensemble ou séparément – ont ouvert la boîte de Pandore en démolissant la Serbie en 1999, l’Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003, avant de récidiver contre la Libye et la Syrie en 2011.

L’OTAN n’est pas une association philanthropique, mais une alliance militaire, une machine de guerre dotée de moyens colossaux. C’est aussi un dispositif de vassalisation qui soumet les États-membres, sous couvert d’assurer leur sécurité, à l’hégémonisme des États-Unis. Lorsqu’elle a été fondée, en 1949, c’était officiellement pour défendre le prétendu monde libre contre la menace soviétique. Elle aurait donc dû disparaître en même temps que le Pacte de Varsovie, créé en 1955, qui a rendu l’âme en 1990. Non seulement l’OTAN n’a pas disparu, mais elle s’est renforcée et étendue à l’Est de l’Europe en violation des engagements pris. Au lieu de tourner la page de la guerre froide, l’OTAN a tout fait pour encercler et menacer la Russie, qui a remplacé l’URSS dans l’imaginaire belliciste occidental. Enfin, elle s’est livrée à des agressions militaires illégales, sans aucun mandat de l’ONU, qui ont pulvérisé les fondements de la sécurité collective en Europe et dans le monde.

Le moment-clé de cette mutation est l’agression contre la Serbie, en 1995 et 1999, qui a réintroduit la guerre en Europe et constitué le banc d’essai de la nouvelle stratégie de l’OTAN dans la période post-soviétique. Une agression qui avait deux caractéristiques : elle eut lieu hors du territoire de l’OTAN et elle a visé un État n’ayant jamais menacé un État-membre de l’Alliance. Au prix de 78 jours de bombardements et de 3 500 victimes civiles, cette double transgression a transformé l’OTAN en alliance offensive dont le champ d’intervention n’a plus de limite géographique. Désormais, l’OTAN frappe qui elle veut quand elle veut. En décembre 2001, elle intervient en Afghanistan sans aucun mandat de l’ONU. En 2003, les États-Unis et le Royaume-Uni, pays membres de l’OTAN, envahissent et dévastent l’Irak en violation flagrante du droit international. En mars 2011, l’OTAN outre-passe le mandat de l’ONU et détruit l’État libyen. À la même époque, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Turquie arment les mercenaires takfiristes en Syrie et soumettent l’État syrien légitime à des sanctions mortifères.

Sans illusion sur une légalité internationale que les Occidentaux ont copieusement foulée aux pieds, la Russie a décidé de mettre fin à l’hypocrisie ambiante en mettant au pas le régime ukrainien. Ce dernier a pris ses désirs pour des réalités en s’imaginant que la tutelle de l’OTAN valait assurance-tous-risques. Il est vrai que les signes avant-coureurs d’une véritable acquisition de l’Ukraine par l’OTAN ne manquaient pas. Dès 1997, une charte de partenariat a lié l’Ukraine et l’Alliance atlantique. Le 8 juin 2017, le parlement de Kiev a voté par 276 voix contre 25 un amendement législatif rendant prioritaire l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Conseillers techniques et organismes divers affilés à l’OTAN sont omniprésents dans le pays. Comme on l’apprendra en mars 2022, trente laboratoires de recherche biologique parrainés par l’Occident sont à pied d’œuvre. Pourtant, cette merveilleuse idylle avec l’Alliance atlantique n’a pas mis le régime ukrainien à l’abri des foudres moscovites. En devenant un avant-poste occidental dirigé contre la Russie, l’Ukraine a tendu les verges pour se faire battre.

La guerre actuelle aura valeur de test. L’Alliance atlantique a beau avoir un budget militaire qui représente seize fois celui de la Russie, elle est prise dans les filets d’un conflit asymétrique où le plus fort n’est pas celui que l’on croit. L’OTAN n’est pas près d’envoyer ses troupes secourir l’armée ukrainienne, et la précision balistique russe tient lieu de force dissuasive. La cruelle expérience des mercenaires vitrifiés dans leur baraquement par un missile près de la frontière polonaise vaut avertissement. Si l’on ajoute l’utilisation des armes hypersoniques contre les installations militaires ukrainiennes, la Russie ne manque pas d’instruments didactiques. À ce jour, la démonstration de force semble suffisante pour dissuader l’OTAN de s’engager davantage. Cette alliance militaire agressive a mené des guerres dévastatrices et détruit plusieurs États souverains. Mais elle va y réfléchir à deux fois avant d’aller défier l’ours russe dans sa sphère d’influence. Ce que montre l’opération militaire en cours, c’est que les Russes ne plaisantent pas lorsqu’ils défendent leurs intérêts nationaux. D’autant qu’en faisant passer leur président pour un psychopathe prêt à déclencher l’apocalypse, les Occidentaux s’infligent la double peine. Ils justifient leur propre inaction en inhibant toute velléité d’intervention sur le terrain. Ils déchaînent les passions russophobes, mais elles sont sans effet sur le théâtre des opérations.

Le bon côté des choses, c’est que l’emphase délirante des condamnations occidentales est inversement proportionnelle à leur action militaire contre la Russie. Chaque fois que Washington, Londres ou Paris ouvrent la bouche pour vilipender Moscou, c’est pour ajouter aussitôt qu’ils n’enverront aucun soldat mourir pour Kiev. Tant mieux. La guerre sera plus courte et moins meurtrière. Les négociations vont reprendre. La neutralisation de l’Ukraine, qui est la seule issue rationnelle à ce conflit, aura quelque chance de voir le jour. C’est du moins ce qu’il faut espérer, dans l’intérêt de la Russie, de l’Ukraine et de la paix mondiale. S’il est sain d’esprit, aucun Européen n’a envie de se faire trouer la peau pour l’Ukraine, et encore moins de risquer l’escalade nucléaire. Si la Russie conduit cette opération militaire, à l’inverse, c’est parce que ses enjeux sont vitaux pour la nation russe. La question n’est donc pas de savoir si la guerre est moralement condamnable, car elle l’est toujours, en tout temps et en tout lieu. Noam Chomsky dit à la fois qu’il condamne catégoriquement l’intervention russe, et qu’elle était absolument inévitable compte tenu des provocations de l’OTAN. Mais si la seconde proposition est vraie (elle l’est), on se demande alors quel est le sens de la première. La vraie question, c’est de comprendre pourquoi les Russes font la guerre, et pourquoi les Occidentaux la font faire par les Ukrainiens. Et la réponse est que les Russes veulent obtenir par la force les garanties de sécurité qu’on leur a refusées, tandis que les Occidentaux s’acharnent surtout à affaiblir la Russie aux dépens des Ukrainiens.

Ces derniers finiront-ils par comprendre qu’ils sont les dindons de la farce ? Volodymyr Zelensky a fait toute sa carrière dans la comédie, mais son destin est en train de virer au tragique. Il multiplie désespérément les appels au secours, il s’agite devant les caméras, mais c’est en pure perte : en guise de réponse on lui envoie du matériel dont le seul effet sera de prolonger un conflit perdu d’avance. Il dit que si l’OTAN ne vole pas à son secours ce sera « la Troisième Guerre mondiale » alors que c’est exactement l’inverse : si les Occidentaux se contentent de prodiguer de bonnes paroles accompagnées de livraisons d’armes, c’est précisément pour éviter le choc frontal avec la Russie. Quant aux pacifistes du dimanche qui brandissent le drapeau d’un régime dont l’OTAN tire les ficelles, ils ont autant d’influence sur le cours des choses que des sanctions dont le résultat est l’augmentation de la facture gazière. En réalité, la principale erreur des Européens est de refuser de voir que cette guerre est la leur mais qu’il leur est impossible d’y participer. On ne combat pas des chars et des missiles avec des jérémiades et des subventions, et si l’Europe ne franchit pas le cap de l’intervention militaire, c’est tout simplement parce que la Russie le lui interdit. Washington, de son côté, sait aussi que le jeu n’en vaut pas la chandelle et n’en fera pas des tonnes pour sauver le régime de Kiev. En revanche, le sens de la manœuvre adoptée par l’État profond américain est parfaitement clair : cette guerre est le pourrissement de la crise provoquée par le putsch de février 2014, et Moscou a davantage à y perdre qu’à y gagner. L’OTAN a provoqué un conflit qu’elle va désormais tenter de faire durer à tout prix : l’essentiel est de favoriser l’enlisement de la Russie dans un conflit interminable, et ce sont les populations civiles qui en feront les frais. La distribution d’armes létales aux néo-nazis et aux gangs mafieux est ce que les Occidentaux ont trouvé de plus intelligent à faire pour combattre les Russes sur le terrain. Ils font en Ukraine ce qu’ils ont fait en Syrie au profit des terroristes adoubés par la CIA. Cette politique risque de rendre le conflit plus long et plus meurtrier, et c’est exactement ce que souhaitent les criminels qui gouvernent le « monde libre ».

Mais après tout la misère humaine n’a aucune importance à leurs yeux. Il suffira d’imputer à Poutine ce surcroît de malheur infligé aux populations civiles, et le gain symbolique sera capté par les moralisateurs occidentaux. La guerre tout court se double comme d’habitude d’une guerre informationnelle. On sait que le Donbass était bombardé sans répit depuis huit ans, que le gouvernement de Kiev refusait d’appliquer les accords de Minsk et qu’une offensive de grande ampleur se préparait contre les républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk. Mais pour la doxa dominante peu importe la chaîne des causalités : par son ampleur, l’intervention militaire du 24 février permet à la narration occidentale d’attribuer le rôle de l’agresseur à la Russie. Et elle offre à Washington l’opportunité de resserrer les rangs atlantistes en franchissant une étape supplémentaire dans la diabolisation de l’ogre moscovite.

Depuis une quinzaine d’années, la Russie avait remplacé l’Union soviétique dans l’imaginaire manichéen des Occidentaux. Elle remplissait la fonction de bête noire du monde libre, vouée à l’exécration des nations pour sa brutalité légendaire. La crise actuelle permet de parachever cette mise au ban de la communauté soi-disant internationale et de repousser la Russie aux marges du monde civilisé. Les Occidentaux font semblant de croire à cette fable grossière, mais la réalité des rapports de forces est moins avantageuse à leurs intérêts qu’il n’y paraît. Tout ce que les pays membres de l’Alliance atlantique peuvent faire, en réalité, se résume à deux options complémentaires : pousser Kiev au sacrifice ultime pour les beaux yeux de l’OTAN et déverser une avalanche de propagande contre Moscou. Dans les deux cas, l’Occident ne pèsera que marginalement sur le cours des événements. La poursuite de la guerre apportera son lot de victimes et de souffrances, mais la Russie risque fort d’imposer militairement ce qu’elle n’a pu obtenir par la négociation : la neutralisation de l’Ukraine et la sanctuarisation du Donbass.

La tâche sera d’autant plus rude pour les adversaires de Moscou qu’ils comptaient sur un isolement de la Russie qui a largement fait chou blanc. Les médias occidentaux ont clamé un peu précipitamment que « le monde entier est contre la Russie » et qu’elle est « complètement isolée sur la scène internationale ». La réalité est moins enthousiasmante pour la coalition antirusse. Au Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine et l’Inde, qui représentent 40 % de la population mondiale, se sont abstenues. À l’Assemblée générale de l’ONU, les pays qui n’ont pas voté pour la résolution condamnant l’intervention russe représentent 59 % de la population mondiale.

Lorsque les Occidentaux prennent des sanctions contre la Russie, ils se retrouvent seuls avec le Japon, et les pays qui refusent de le faire représentent 83 % de la population mondiale. Loin d’être isolée sur la scène internationale, la Russie bénéficie de l’abstention d’une large majorité de l’humanité. La Chine, l’Inde, le Pakistan, le Brésil, le Venezuela, le Mexique, l’Algérie, l’Afrique du Sud et beaucoup d’autres pays refusent de diaboliser Moscou pour son action militaire contre un vassal de l’OTAN.

Au fond, la Russie dont rêvaient les Occidentaux, c’était celle de Boris Eltsine : impuissante et ruinée, dirigée par un alcoolique manipulable à loisir, c’était une proie facile pour les prédateurs étrangers et les conseillers en démocratie pour rire. Si seulement les Russes s’étaient laissé encercler gentiment et avaient consenti à cette cuisson du homard, s’ils avaient accepté de subir sans broncher les bombardements du Donbass une décennie de plus, s’ils s’étaient résignés à voir l’Ukraine otanisée et la Mer Noire transformée en mare nostrum par les Yankees, on n’en serait pas là. Mais les peuples ont rarement le tempérament suicidaire, du moins ceux qui n’ont pas renoncé à leur souveraineté et accepté de servir de supplétif à l’Oncle Sam. Le pays qui a vaincu les Tatars, Napoléon et Hitler ne sera pas une proie facile. Coriace et obstinée, la Russie ne se résigne pas à disparaître. Elle a choisi l’épreuve de force parce que l’OTAN l’a poussée dans ses retranchements. Mais le paradoxe est que si jamais elle réussit à neutraliser son vassal ukrainien, elle donnera une leçon de sagesse à l’Occident qui voulait la soumettre.

Bruno Guigue

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19 Commentaires

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  • #2929937
    Le 23 mars 2022 à 16:21 par De passage
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    En plus d’être un sniper, Bruno GUIGUE, nous montre qu’il est un habile mitrailleur en rafales qui sait asséner une séries de vérités et de restitution des faits en un éclair façon blitzkrieg !

    tout y est résumé.

     

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  • #2929955

    Il y a encore des gens intelligents et intègres. Que cela fait du bien de vous lire.

    Merci pour ce plaidoyer rétablissant la vérité.
    Le mensonge, la tromperie, la manipulation sont devenus le credo de nos pays occidentaux.
    La bêtise, âme soeur de l’arrogance, de ceux qui accompagnent cela, témoigne de la pauvreté intellectuelle qui gangrène nos sociétés.

     

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  • #2929991
    Le 23 mars 2022 à 17:45 par Patrie Haute
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    Quelle erreur de penser que les maîtres du monde sont débiles...

    Ils sont tout, sauf stupides. Sinon ils ne domineraient pas le monde. Car dominer le monde en étant stupide signifierait une succession de chances fortement improbables en elles mêmes et carrément impossibles successivement.

    Ainsi, leur non stupidité est un axiome à toute réflexion. Hormis à démonter le contraire (bon courage) Donc toute réflexion portant sur autre chose est elle-même stupide.

    Partant de là, qu’en penser ?
    Je relève que les analyses partant sur la stupidité de l’élite mondiale partent du principe qu’elle est indissociable de l’occident... Hum, pour qu’elle auguste raison ?
    L’effondrement de l’Occident signifie t-elle leur fin à eux ? La pauvreté de l’Occident signifie t-elle leur pauvreté à eux ? Qu’on m’explique pourquoi...
    Autre piste de réflexion : Ont-ils le choix ? Leur choix est-il mauvais ou est-il le moins mauvais ? Voire le meilleur ?

    Bon désolé pour l’arrogance mais après ce petit rappel de logique de base, je me permets de ne pas exposer la suite de mon analyse ici, car celle-ci devient ma foi assez évidente une fois les bonnes bases retenues et puis un commentaire ne doit pas être un article en soit...

     

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    • #2930283

      Je ne trouve aucune arrogance dans votre commentaire, il pique plutôt ma curiosité. Si je suis sur ce site, c’est pour m’informer, comprendre, et nourrir mon esprit critique. Mon inculture est telle que l’évidence de votre analyse ne l’est pas pour moi, j’aurai donc souhaité que vous développiez celle-ci.
      Au plaisir de vous lire

       
    • #2930686
      Le Mars 2022 à 17:49 par Patrie Haute
      L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

      @ Anna Lyse

      J’ai beau me relire, je ne vois aucun passage qui n’est pas clair. Mais un commentaire se doit d’être compréhensible pour les autres, sinon il ne sert à rien.

      Donc dites moi quel point particulier développer, s’il vous plaît, et je tenterai de mieux l’exprimer.

       
  • #2930055
    Le 23 mars 2022 à 19:08 par le moine vengeur
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    Ce n’est pas parce que certains de pays,qui se sont abstenus et qui représentent une majorité de la population mondiale qu’il faut y voir un succès russe,certes c’est moralement très important,mais ce qui compte ,c’est le poids politique et économique des opposants:en termes de monnaie,de biens manufacturés,de poids diplomatique,car ni l’Inde,ni le Brésil,ni les autres,sauf la Chine, ne fournissent grands biens de consommations au reste du monde,ils sont même plus ou moins dépendant de l’Empire.
    C’est l’Allemagne qui souffre le plus de cette politique:sans doute voulait-elle "annexer " économiquement l’Ukraine,en douceur,(main d’oeuvre,sous-traitance...)tout en bénéfiçiant du gaz russe,mais voyant le désastre,et l’impasse dans laquelle est fut poussée, la voilà qui augmente son budget militaire tout en achetant des armes aux USA,s’éloignant encore un peu plus des rêves utopiques français,qui eux,n’ont pas compris qu’il est vital de s’entendre avec la Russie,ne serait-ce que pour garder un équilibre prudent avec ses amis,(seuls les ennemis sont sincères)et combien de fois l’histoire ne nous l’a-t-elle pas montrée !En éloignant la Russie de l’Europe,nous la poussons vers l’Asie,elle qui a pourtant toujours rêvé d’appartenir au monde occidental,et nous scions la branche sur laquelle nous sommes.Les USA ne feront pas grand chose pour l’Ukraine comme pour nous demain si le vent venait à tourner et nous pouvons même être sûrs qu’il tournera de gré ou de force.Nous avons donc perdu pour rien notre souveraineté,notre diplomatie,notre équilibre naturel.
    - 

     

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  • #2930175
    Le 23 mars 2022 à 21:54 par goy pride
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    Je ne sais pas si l’info est vraie mais les Russes auraient avant-hier détruit un bunker anti-atomique ukrainien avec un missile hypersonique. Si l’info est exacte le message est on ne peut plus clair ! "On ira vous chercher jusque dans les chiottes de vos bunkers !"
    C’est en fait exactement ce que j’avais tenté d’expliquer en ce qui concerne la forte improbabilité d’un affrontement nucléaire authentique qui ne serait pas une mise en scène où l’on balancerait d’un commun accord 2 ou 3 bombes sur des endroits définis à l’avance par les belligérants complices de la mise en scène. Si les Russes sont sérieux et ne veulent pas jouer à la guerre mondiale mais compte bien aller jusqu’au bout sans faire semblant, alors une guerre nucléaire est impossible. D’abord l’idée de survivre sur le long terme dans un bunker anti-atomique cela fait d’excellents scénarios de science-fiction mais dans le monde réel cela constitue un défi technologique et logistique qui est loin d’avoir été complètement surmonté et dont l’issue peut être très hasardeuse. Ensuite tous les services de renseignements connaissent la localisation de ces bunkers, de ce fait si Poutine est sérieux il n’aura qu’à envoyer quelques salves de missiles hypersoniques pour les détruire ou les rendre inopérationnels.

     

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  • #2930179
    Le 23 mars 2022 à 22:00 par goy pride
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    A la la la ! La bonne époque du Boris Eltsine ! On était si près de la Parousie à cette époque ! Je me souviens de ce bon vieux Bill Clinton goguenard ! De ce bon vieux Boris hilare ! C’était la bonne époque de "La fin de l’Histoire" de Francis Fukuyama où l’on était tellement heureux que l’on pleurait de rire tous les jours ! Vous les jeunes vous n’avez pas connu cette époque ! Pauvres malheureux !

     

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    • #2930499

      Étant vieux, je m’en souviens...la séquence passait en boucle dans les médias français aux anges : fou rire de Clinton ( larmes de joie) car Eltsine était tout joyeux , hilare, d’avoir pété sur l’estrade où ils étaient.
      Image d’une Russie en pleine déchéance, dégénérée et impuissante qui réjouissait nos maîtres.

       
    • #2930642

      Encore mieux, le bombardement de la Douma en 1993, ordonné par Eltsine sans aucune réprobation dans nos médias occidentaux, et même approbation aux USA..... entre autres. Imaginez les commentaires si Poutine faisait la même chose !
      Voir l’article : https://www.wsws.org/fr/articles/20...

       
  • #2930227
    Le 23 mars 2022 à 23:17 par Victor le grisonnant
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    Pas un mot ni même de syllabe à ajouter .
    Merci Bruno Guigue pour ton éloquence.

     

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  • #2930312
    Le 24 mars 2022 à 07:00 par Travis Visart
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    OTAN = Organisation Terroriste Anti Nations. C’est pas de moi, mais je trouve que ça sonne bien.

     

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  • #2930722

    Quid des mercenaires de l’ OTAN ( Academia, ex Black water ) et paramilitaires de la CIA surarmés qui vont affluer en renfort de l’armée et milices nationnalistes ukrainiennes ?
    Le but de l’opération russe est ( était) de forcer l’OTAN ( gouvernement fantoche ukrainien) à négocier sur la neutralité du pays. Les USA/OTAN vont infiltrer leurs effectifs pléthoriques non-officiels en Ukraine....la guerre peut durer très longtemps et l’ouest du pays être entièrement occupé par l’Occident ( déjà le cas ?). Un nouveau mur "de Berlin " va t il partager l’Ukraine ? ....enfin dans ce cas l’Ukraine en guerre permanente ne pourra entrer dans l’o.t.a.n. - Biden arrive en Europe, c’est pas pour rien :
    https://www.wsws.org/fr/articles/20...

     

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  • #2930934
    Le 25 mars 2022 à 07:31 par VaeVictis80
    L’OTAN va-t-elle se faire tuer jusqu’au dernier ukrainien ?

    L’OTAN va surtout se faire tuer jusqu’au dernier européen !

     

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