Les policiers de la Brigade financière ont interpellé, hier, l’ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres à son domicile parisien. Ils ont également procédé à la perquisition de son appartement. Ce responsable de la Culture du parti sarkozyste UMP a été conduit dans les locaux de la Brigade financière pour y être placé en garde à vue. Il y restera pendant 48 heures au maximum.
Après cette garde à vue, Donnedieu de Vabres sera présenté, sans doute aujourd’hui, aux deux juges qui instruisent le volet financier de l’affaire Karachi, Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire. Ces deux magistrats décideront de mettre ou non en examen (inculpation) l’ancien ministre de la Culture.
Si ce dernier intéresse la justice, c’est en raison du rôle qu’il aurait tenu lors des tractations concernant le contrat de vente par la France au Pakistan de sous-marins, contrat signé en 1994 (lire ci-contre). A cette époque, Renaud Donnedieu de Vabres occupait le poste de conseiller spécial du ministre de la Défense nationale François Léotard. Un témoin – qui travaillait également au cabinet de ce ministre – a été interrogé il y a peu par les deux juges d’instruction.
Il affirme que Donnedieu de Vabres avait imposé comme intermédiaire pour la vente des sous-marins Ziad Takieddine, qui a été mis en examen dans ce dossier. Ainsi, un circuit de rétrocommissions (les intermédiaires retournant une partie de leurs commissions vers la France) aurait été mis en place, ce que conteste formellement Donnedieu de Vabres.
Cela dit, l’ancien ministre Charles Millon – qui avait succédé à François Léotard à la Défense – a exprimé, devant le juge d’instruction van Ruymbeke qui l’interrogeait, son « intime conviction » qu’il y avait eu bel et bien des rétrocommissions. Les juges veulent savoir si elles ont servi à financer la campagne électorale du premier ministre Edouard Balladur lors de la présidentielle de 1995. Ce dernier était privé de la machine électorale et financière du RPR auquel il appartenait mais qui était resté fidèle à Jacques Chirac.
L’interpellation de Donnedieu de Vabres marque un tournant. Pour la première fois, un responsable politique est ainsi impliqué. Dès lors, les adversaires de Nicolas Sarkozy dans l’actuelle campagne présidentielle ne manqueront pas d’utiliser ce dossier. En effet, l’actuel président était le porte-parole du candidat Balladur en 1995. En outre, deux amis de Sarkozy, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, ont été mis en examen dans l’affaire Karachi.
Les juges français viennent d’ailleurs de recevoir de la justice genevoise des documents bancaires indiquant que des montants importants avaient été retirés du compte que Thierry Gaubert possédait auprès de la banque Safdié à Genève, durant la période électorale soit au printemps 1995. Pourquoi ces retraits ? Les magistrats d’outre-Jura cherchent la réponse.