Bien que membre de l’Otan, la Turquie ne participera à la coalition internationale en cours de formation pour combattre les jihadistes de l’État islamique (EI) en Irak. Et sa base d’Incirlik ne devrait pas être utilisée comme point de départ pour les chasseurs-bombardiers qui seront engagés dans cette opération.
Pour Ankara, ce refus est motivé par la nécessité de ne pas compromettre la sécurité de 49 de ses ressortissants, retenus en otages depuis la prise de contrôle de la ville de Mossoul (nord de l’Irak) par l’EI, en juin dernier. « Nos mains sont liées à cause de nos citoyens retenus en Irak », avait même admis Ismet Yilmaz, le ministre turc de la Défense.
Est-ce en lien avec cette affaire ? Toujours est-il que les responsables turcs sont très mesurés quand il s’agit d’évoquer l’EI. « L’organisation que vous appelez l’État islamique peut être vue comme une structure radicale et terrorisante, mais il y a des Turcs, des Arabes et des Kurdes dedans. Les mécontentements du passé ont provoqué une large réaction. (…) Si les Arabes sunnites n’avaient pas été exclus en Irak, il n’y aurait pas une telle accumulation de colère », avait ainsi affirmé, le 7 août, sur la chaîne NTV, Ahmet Davutoglu, l’ancien chef de la diplomatie turque désormais devenu Premier ministre. De quoi susciter un certain malaise… alors que l’on apprenait l’ampleur des exactions commises par les jihadistes contre les populations chrétiennes et yazidis.
Toutefois, la Turquie devrait apporter, selon son président, Recep Tayyip Erdogan, « tout le soutien humanitaire nécessaire à la coalition ». Cependant, Ankara se retrouve dans une position compliquée dans la mesure où les autorités turques ont souvent été accusées d’avoir fourni des aux rebelles syriens, y compris à ceux de l’EI, du matériel militaire afin d’accélérer la chute du régime de Bachar el-Assad. Ce qu’elles ont cependant toujours nié. En outre, il leur est également reproché de ne pas en faire assez pour lutter contre le flux de candidats au jihad qui transitent par leur territoire avant d’aller en Syrie et en Irak.
D’un autre côté, le gouvernement turc ne voit pas d’un bon oeil les livraisons d’armes faites par certains pays occidentaux, dont la France, aux combattants kurdes irakiens (Peshmergas), au motif que ces dernières sont susceptibles de tomber un jour où l’autre aux mains des militants automistes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), en lutte armée contre Ankara depuis les années 1980.
Cela étant, l’armée turque envisage d’instaurer une zone tampon le longs des frontières que la Turquie partage avec la Syrie et l’Irak afin de faire face à la menace des jihadistes de l’EI. Cette information a été révélée par le président Erdogan, cité le 16 septembre par la presse. « Les forces armées turques (TSK) travaillent (sur des plans). Ils nous les communiqueront et nous prendrons une décision le cas échéant », a-t-il confié à des journalistes alors qu’il revenait en avion du Qatar.
Cette option a été confirmée auprès de l’AFP par une source gouvernementale turque. « L’état-major est en train de mener des inspections pour déterminer si une zone-tampon pourrait être mise en place mais rien n’est encore concrétisé », a-t-elle affirmé, en précisant qu’il s’agissait d’obéir à des motifs « strictement humanitaires »… Ce qui est une version différente de celle donnée par M. Erdogan.
« Notre principale préoccupation, c’est l’arrivée d’une nouvelle vague importante de réfugiés. Nous accueillons déjà près de 1,5 million de Syriens et nous pourrons pas en absorber une nouvelle vague de cette ampleur », a en effet expliqué cette source gouvernementale.
Pour rappel, et après plusieurs incidents, la Turquie a demandé le concours de l’Otan, fin 2012, pour renforcer sa défense aérienne le long de la frontière syrienne avec des systèmes anti-missiles. Depuis, 3 pays – États-Unis, Allemagne et Pays-Bas – y ont déployé chacun deux batteries Patriot dans le cadre de l’opération Active Fence.