Il est régulier dans le discours politique, et même juridique d’entendre parler d’un droit ou devoir de désobéissance. Ce serait la possibilité de désobéir au détenteur de l’autorité, et en dernier ressort, au détenteur de la violence légitime, c’est à dire, l’État, violence plus auto-légitimée qu’à proprement parler légitime.
Ainsi, dans la doctrine juridique allemande, depuis la constitution de 1946, existe l’idée qu’il est possible pour le citoyen de se révolter contre le gouvernement, si celui-ci touche aux points essentiels de la constitution, garantis par la clause d’éternité, interdisant de toucher aux vingt premiers articles de cette constitution.
Ainsi, il serait possible de désobéir, voir de renverser un gouvernement démocratiquement élu, allant à l’encontre de la volonté des constituants originaires, par n’importe quel citoyen, mettant ainsi au-dessus des promesses faites au peuple lors d’une campagne électorale, la volonté des constituants de 1946, et interdisant toute évolution du droit dans un autre sens, fût-ce par la voie démocratique.
Il y a alors une certaine hypocrisie de ce prétendu droit de désobéissance.
En analysant plus généralement le droit de désobéissance, illustré par exemple en droit militaire par la théorie des "baïonnettes intelligentes" il existe deux points de vue.
Du point de vue de l’État, accepter le droit de désobéissance, c’est admettre qu’un ordre donné puisse ne pas être réalisé, et au final, cela revient à se tirer une balle dans le pied.
Du point de vue du citoyen, prétendre pouvoir désobéir à l’État, lorsque celui-ci ne reconnaît pas ce droit, revient à se trouver confronté à la sanction qui en découle, pour un motif allant de la simple infraction pénale, à la haute trahison.
Ainsi, il n’est possible de désobéir qu’à un ordre juridique, celui-ci étant valable au moment où il serait possible d’y désobéir. Ce ne peut être qu’au nom de valeurs que celui qui désobéit considère supérieures au droit en question, mais alors il sort du positivisme (l’idée majoritairement défendue par les juristes selon laquelle le droit ne se justifie que par sa procédure d’adoption) pour rentrer dans le naturalisme (l’idée selon laquelle, le droit ne se justifie que par une conformité à un idéal de justice valable en tout temps, en tout lieu, extérieur et antérieur à l’État).
Mais alors, cette désobéissance ne peut être légitimée qu’a posteriori, si elle réussit, ce qui distingue le terroriste du résistant. L’État ne reconnaît jamais de résistant face à lui, il ne constate que l’existence d’un terrorisme qui veut le détruire. Le résistant n’étant jamais qu’un terroriste qui a réussi.
Au mieux, le "droit de désobéissance" est impossible à envisager juridiquement, au pire, c’est un moyen hypocrite de juguler la démocratie, en interdisant par avance le contenu de certaines normes.