Dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, le gouvernement russe condamne l’ « attentat odieux » de Damas : « Nous souhaitons que les organisateurs de l’attentat de Damas soient identifiés et punis comme il se doit ».
Le communiqué poursuit : « Nous voyons dans cet attentat une nouvelle tentative de déstabilisation de la Syrie (…) Nous avons la conviction que les autorités et le peuple de ce pays, tous ces vrais patriotes feront preuve de la volonté politique nécessaire dans ces dures épreuves, ainsi que du désir de parvenir au plus vite au règlement pacifique de cette crise intérieure ».
Sans solliciter exagérément le texte, c’est bien un soutien net à l’actuelle direction syrienne de la Russie qu’il exprime. Et Moscou ne se contente pas de déclarations de circonstance : les diplomates occidentaux s’attendent au désormais traditionnel double véto sino-russe au Conseil de sécurité contre un projet de résolution euro-américain prévoyant de nouvelles sanctions contre Damas, projet dont la discussion a été reportée à demain. Russes et Chinois défendent eux un texte d’appui au plan Annan non assorti de sanctions contre Damas..
Poutine est-il en train de « neutraliser » Erdogan ?
Autre front diplomatique que semble ouvrir Moscou dans le dos des Occidentaux : le Premier ministre turc Recep Tayyep Erdogan, un des ennemis les plus bruyants – et le plus compromis dans le soutien à l’ASL – de la Syrie a, au terme d’entretiens à Moscou avec Vladimir Poutine, a adopté une position moins surprenante par son contenu que par le contexte dans lequel elle est exprimée : s’exprimant – ce mercredi 18 juillet à Moscou – au cours d’une conférence de presse, Erdogan a fait la déclaration suivante : « Nous sommes catégoriquement opposés à toute atteinte à l’intégrité territoriale de la Syrie ». Et, en réponse à une question sur le sort de Bachar al-Assad, le chef du gouvernement AKP et pro-américain a encore eu ces mots, un peu étonnants pour l’hébergeur de l’ASL : « Que le peuple syrien prenne seul sa décision ».
Des déclarations qui peuvent paraître banales et peu engageantes, mais le fait est que ces propos – bien moins agressifs que d’autres récents – reflètent exactement la position russe, notamment quant à l’avenir du président syrien.
Du reste, Erdogan a exprimé l’identité de vue de la Turquie et de la Russie sur ces points. Vladimir Poutine a-t-il réussi à calmer l’irascible n°1 turc, et à même à le détacher un peu de la coalition occidentale ? La seule constante d’Erdogan, c’est son instabilité justement. Mais dans le contexte actuelle, cette position commune turco-russe, sur des bases russes, est intéressante.
Il ne faut pas oublier que la Russie est le deuxième partenaire commercial de la Turquie, les échanges ayant augmenté de 26% en volume entre 2010 et 2011. Et les investissements russes en Turquie ont décuplé pour la même période, atteignant désormais 1,1 milliard de dollars.
En 2010, les deux pays ont créé un Conseil de coopération économique et technologique. S’étant coupée du commerce avec la Syrie, via un boycott qui ne facilite pas ses échanges avec le Golfe notamment, la Turquie Erdogan n’est pas en situation de bouder les « conseils » diplomatiques de son puissant partenaire. Et de son côté, Vladimir Poutine est certainement satisfait de contrer l’influence américaine traditionnellement dominante en Turquie, tête de pont de l’OTAN au Proche-Orient.
Et puis Moscou donne des signes plus concrets de son soutien à la Syrie : le cargo russe Alaed transportant des hélicoptères de combat de type M25 destinés à l’armée syrienne et parti le 10 juillet de Mourmansk a débranché mercredi son système d’identification automatique alors qu’il se trouvait dans la Baltique, échappant ainsi aux contrôle radar occidentaux. Fin juin, les Anglais avaient réussi à interrompre une première livraison de matériel russe de guerre en « coinçant » l’Alaed pour une histoire d’assurance, faisant pression sur la compagnie assurant le cargo russe.
Les Russes ont décidé de ne plus se laisser « embêter » par leurs adversaires, et ce « camouflage » pourrait faciliter l’embarquement à Saint-Pétersbourg d’une cargaison supplémentaire. L’opacité tactique des Russes est telle qu’on n’a pas l’assurance que c’est bien l’Alaed qui va livrer les hélicoptères à Tartous.
On verra bien si, dans les jours qui viennent, les russes décident un geste plus fort, comme l’envoi de navires de guerre au large des côtes syriennes. Mais pour l’heure, la Russie ne faiblit pas, et ne se laisse pas impressionner par les mensonges et pressions diverses du camp adverse.
On peut d’ailleurs penser qu’elle ne peut plus reculer, depuis longtemps, sur ce dossier. Comme le constate, pour s’en désoler, l’analyste bobo-atlantiste de service dans un entretien publié ce 18 juillet par Libération, « plus les jours passent et plus il est évident qu’il (Poutine) traite Bachar al-Assad comme un allié et non un simple client ».