Citation d’Alain Finkielkraut, propos recueillis par Marie-Françoise MASSON le 21 janvier 2011 pour le journal La Croix
Ce n’est pas faire preuve de vigilance que d’ériger la Shoah en paradigme politique. Et d’en faire une grille d’analyse de tous les événements. [...] C’est ce qui se produit quand on aborde la question du Moyen-Orient pour affirmer que la victime d’hier est le bourreau d’aujourd’hui. [...] La Shoah est devenue l’étalon de la souffrance et il règne aujourd’hui une concurrence effrénée des victimes. La seule manière d’en finir est de dire que le descendant d’une victime de la Shoah n’est pas une victime. Et le descendant d’esclave et de colonisé non plus.
Mon père a été déporté, je ne suis pas un déporté. La mémoire doit respecter la distance qui nous sépare des suppliciés. Nous ne sommes pas là pour nous revêtir des oripeaux des souffrances que nous n’avons pas connues. Mais pour honorer ceux qui ont souffert, comprendre ce qui s’est passé.
Appeler à ne pas analyser la vie politique française, et même la conscience collective des Français, à travers le prisme de la Shoah, voilà qui est suffisamment rare en France (qui plus est par un intellectuel juif revendiqué) pour être signalé.
Nous imaginons bien qu’il n’est pas encore question ici de dire que la persécution des Juifs durant la seconde guerre mondiale est un fait de guerre, d’importance certes, mais comme d’autres fait de cette guerre tragique (morts de 300 000 civils français en quelques mois du fait qu’ils soient Français par exemple). Nous ne parlons pas des millions d’Ukrainiens massacrés par les bolchevique parce qu’ils étaient chrétiens, du massacre d’un million de chrétiens arméniens et grecs par le régime d’Ataturk, des millions de morts dans les multiples guerres civiles en Afrique depuis la “décolonisation”,
Ne pas participer à la concurrence victimaire, en tout cas l’annoncer, voilà un bon point pour M. Finkielkraut.
Comme Alain Soral le dit au sujet de la colonisation républicaine française, “Ni apologie, ni repentance !”. Voilà un principe incontournable pour toute personne voulant œuvrer pour la paix et contourner la stratégie du conflit de civilisation. Toute personne agitant les oripeaux de la souffrance de telle ou telle communauté dans un passé plus ou moins lointain, les voilà les fauteurs de trouble !