L’éventualité d’une faillite de l’euro ne rend pas optimistes, et c’est peu de le dire, certains responsables du Vieux Continent.
"Si la zone euro se fissure, l’Union européenne ne sera pas capable de survivre, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer" avait affirmé, l’an passé, Jacek Rostowski le ministre polonais des Finances, dont le pays assurait alors la présidence tournante de l’UE, au parlement européen. Et d’ajouter que ami banquier lui avait confié "craindre une guerre au cours des dix prochaines années."
Un possible éclatement de la zone euro aura bien évidemment des incidences sur l’UE. Lors de la conférence qu’il a donnée à New York à l’invitation d’une banque brésilienne, l’ancien président Sarkozy a expliqué la raison pour laquelle "l’idée européenne, malgré toutes les erreurs et les échecs, est incontournable". Selon lui, "450 millions d’Européens savent en regardant l’histoire de leur famille que s’il n’y a pas l’Union européenne, il y aura la guerre."
Cette perspective, le ministre britannique du Commerce, Vincent Cable, l’a aussi évoquée lors d’un discours prononcé le 14 octobre au Cheltenham Literature Festival. Pour lui, une faillite de l’euro aurait des conséquences "absolument incalculables", avec aucune "garantie automatique" que tout cela ne dégènre pas en guerre. "Nous avons tendance à l’oublier, mais le projet européen a été bâti pour sauver l’Europe du nationalisme extrémiste et des conflits" a-t-il avancé.
Quant au prix Nobel 2001 d’économie, Joseph Stiglitz, il est encore plus pessimiste puisque pour lui, "l’euro et la politique de sauvetage de l’euro" ne sont "pas bon pour la paix" étant donné que "la division entre Etats mais aussi à l’intérieur des Etats" fait le jeu "des courants extrémistes et nationalistes."
Excès de pessimisme (de réalisme ?) ou pas, toujours est-il qu’en Suisse, l’on regarde de près les éventuelles conséquences de la crise que traverse la zone euro. Il y a un peu plus de deux ans, le général André Blattman, le chef des forces armées de la Confédération, avait jeté un pavé dans la mare en présentant une "carte secrète" des menaces potentielles contre son pays devant la Commission de la politique de sécurité (CPS). Et selon ce document, la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce faisaient partie des pays auxquels était accordée une attention toute particulière.
Pourquoi ? Ces derniers risquent de créer "des situations que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd’hui" à cause de leurs difficultés économiques, porteuses de troubles sociaux. Ce qui pourrait provoquer en Suisse un afflux de réfugiés difficilement maîtrisable.
A l’époque, le général Blattman avait été critiqué parfois durement par certains responsables politiques. Seulement, depuis, l’idée d’une déstabilisation de la Suisse par les difficultés économiques rencontrées par la zone euro a fait son chemin.
Ainsi, en septembre dernier, les forces armées suisses ont mené l’exercice-cadre Stabilo Due, lequel a mobilisé 2 000 hommes avec pour scénario "supposant l’instabilité d’une partie de l’Europe spécialement délimitée géographiquement pour l’occasion", la Suisse étant aussi affectée par "des troubles, des attentats et des actes de violence."
Dans les colonnes de l’hebdomadair Der Sonntag, le conseiller suisse Ueli Maurer, en charge des affaires de défense, a donné, le 7 octobre, des explications au sujet de la préparation des forces hélvètes.
"Je ne peux pas exclure que, dans les années à venir, nous pourrions avoir besoin de l’armée", a-t-il affirmé. Et cela à cause de la crise de l’euro. Et, selon lui, certaines armées européennes, soumises à des contraintes budgétaires trop fortes, sont maintenant trop faibles et ne pourront être en mesure de faire face à une situation susceptible de dégénérer.
La porte-parole du département de la Défense, Sonja Margelist a enfoncé le clou en affirmant qu’il "n’est pas exlu que les conséquences de la crise financière peut conduire en Suisse à des protestations et des violences". "L’armée doit être prête dans le cas où la police demanderait de l’aide" a-t-elle ajouté. Cela étant, l’agitation sociale dont la Grèce et l’Espagne ont récemment été le théâtre a certainement conforté les responsables militaires helvètes dans leurs estimations.
En attendant, le général Blattman doit soumettre d’ici le mois de décembre une proposition visant à créer 4 bataillons de police militaire, forts au total de 1 600 hommes, destinés à protéger les points sensibles du pays.